Je suis plutôt d’accord avec Karel de Gucht

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Karel de Gucht

Quitte à être haï de tout le peuple congolais, quitte à être le seul à le penser, à le dire et à l’assumer : je suis plutôt d’accord avec le ministre belge des affaires étrangères Karel de Gucht dont les déclarations sur la corruption ont froissé certains à Kinshasa. Lors de sa prestation de serment, Joseph Kabila avait annoncé « la fin de la récréation » » mais sauf à être cynique ou à penser que le peuple congolais feint de patauger dans l’indigence, la corruption n’est pas en train de reculer en RDC. Les signes ostentatoires d’enrichissement illicite et fulgurant d’une poignée de Congolais se multiplient au nez et à la barbe d’un peuple qu’on pousse à un soulèvement surtout à Kinshasa où il a le sentiment d’être nargué.
Les accusations de paternalisme, de néo-colonialisme et d’arrogance déversées sur Karel de Gucht sont excessives, tandis que le rappel de l’ambassadeur de la RDC en Belgique et la fermeture du consulat congolais à Anvers sont des gesticulations diplomatiques ridicules qui n’honorent pas le gouvernement congolais. Qui donne l’impression que le problème ne serait pas le mal dénoncé par le ministre belge, mais son identité et le ton employé. Une manœuvre de diversion maintes fois utilisée par Mobutu jadis et à laquelle le peuple n’a jamais mordu. Supposons que le ministre belge ait été arrogant, insolent et paternaliste, pourquoi le président congolais l’a-t-il écouté jusqu’au bout et a attendu son départ pour déclarer, dans un journal belge, qu’au prochain coup il créerait un incident ?
Le pouvoir de Kinshasa reproche à Karel de Gucht d’avoir récidivé en Chine en déclarant que « la Belgique avait l’obligation morale de regarder avec attention ce qui se passe à Kinshasa », quoi de plus logique pour ce pays qui investirait au moins 150 millions d’euros par an en RDC ! Et puis ce droit de regard, c’est Joseph Kabila en personne qui l’avait accordé à l’ancienne puissance colonisatrice dans son discours du 10 février 2004 devant le sénat belge : « C’est à cette œuvre exceptionnelle de reconstruction que j’invite la Belgique à participer activement ». À mon sens, participer activement à la reconstruction de la RDC n’équivaut pas, pour les bailleurs de fonds, à verser uniquement de l’argent sans aucun droit de regard sur la transparence et l’intégrité des élites du pays receveur. Les inquiétudes exprimées par le ministre belge relèvent d’une « participation active » à la reconstruction de la RDC appelée de ses vœux par Kabila devant les sénateurs belges en 2004.
Quant au numéro du « nationalisme congolais contre le néo-colonialisme belge » piteusement joué par les communicateurs de Kinshasa, je renvoie ceux-là à ce même discours qu’ils avaient rédigé pour Joseph Kabila dont cet extrait qui passe, par pertes et profits, toutes les mains coupées par Léopold II et autres monstruosités de son œuvre colonisatrice qualifiée de civilisatrice par le président de la RDC : « L’histoire de la République démocratique du Congo, c’est aussi celle des Belges, missionnaires, fonctionnaires et entrepreneurs qui crurent au rêve du Roi Léopold II de bâtir, au centre de l’Afrique, un État. Nous voulons, à cet instant précis, rendre hommage à la mémoire de tous ces pionniers ». Ainsi les tortionnaires des Congolais sous Léopold II ont été élevés au rang de pionniers dignes de l’hommage de la RDC.
Une immixtion moralement acceptable
S’il est un devoir moral face auquel tous les Congolais ne doivent se dérober, c’est celui de remercier le commissaire européen Louis Michel et la Belgique d’avoir imposé à la communauté internationale de ne pas détourner le regard du drame congolais et d’aboutir à un soutien conséquent pour mettre un terme à la guerre civile. Il est vrai qu’ensuite Joseph Kabila a été remarquable dans la conduite de la transition complexe avec la formule 1+4 en acceptant humiliations et provocations de ses adversaires dont la surenchère avait dépouillé sa fonction de sa substance souveraine. La sagesse, l’intelligence et la pondération qui l’ont caractérisé pendant la transition ont été à la hauteur de l’enjeu, tout comme sa fermeté et sa pugnacité plus tard face à Bemba et sa milice. Mais sa conduite, aujourd’hui, des affaires de l’État révèle une inquiétante légèreté. Comment comprendre, par exemple, que pour expliquer les contrats signés avec la Chine et qui va offrir le sous-sol congolais au dragon asiatique pendant environ quarante ans, que ça soit le ministre des infrastructures qui soit allé s’expliquer au parlement ? Je ne parle même pas de ces dizaines de chantiers confiés aux entreprises locales sans expertise ni matériel requis, mais nanties uniquement des affinités dans les arcanes du pouvoir ?
Le gouvernement congolais a rappelé son ambassadeur affecté en Belgique et fermé le consulat d’Anvers, très bien ! La première question est celle de savoir en quoi cela malmènerait-il les intérêts belges ? Deuxième question : Quelle sortie honorable de crise envisage Kinshasa, car des excuses du gouvernement belge ne viendront jamais ? Joseph Kabila aurait dû se souvenir de cet autre propos livré aux sénateurs belges : « Je me suis étendu sur les rapports d’un type nouveau entre Belges et Congolais, pour que les humeurs des gouvernants ne servent plus de trame, mais plutôt l’intérêt des deux peuples. C’est ce que j’appelle le partenariat positif ».|Botowamungu Kalome (AEM)