Il m’est déjà arrivé de voir le Parti socialiste français dans un état minable, comme lors de ces législatives au cours desquelles Jean-Marc Ayrault avait été le seul candidat PS élu au premier tour dans toute la France, mais jamais je n’avais vu ses ténors dans un tel état de renoncement. Pour beaucoup, les convictions ont capitulé devant la stratégie et la finalité. Peu importe la saveur qu’aurait la victoire, peu importe qu’elle puisse livrer la France pieds et poings liés à un libéralisme décomplexé. Alors qu’après la primaire, tous les ténors du PS et tous les battus de cette consultation devraient exprimer un fort soutien à Benoît Hamon, leur expression va du silence à une tentation Macron quand ce ne sont pas des atermoiements avant de quitter le navire avec le même prétexte bidon : la gauche risque de ne pas être au deuxième tour.
Après la primaire socialiste, pompeusement appelée « La Belle Alliance populaire », le temps s’est arrêté au PS. Alors que la machine électorale devait se mettre en branle, c’est plutôt une symphonie des doutes et des atermoiements qui est jouée place Solferino. Parce que les sondages n’annoncent pas Benoît Hamon au second tour, le PS choisirait de gagner sans honneur avec un Macron qui se qualifierait après le premier tour que de prendre le risque de perdre avec dignité avec son candidat au premier tour.
Entre le silence tombal de Cambadelis, premier secrétaire du PS, le ralliement de bonne heure de Gérard Colomb et ceux supputés de Ségolène Royal et de Jean-Marc Ayrault, à cette allure, trouver un Socialiste prêt à mourir avec ses convictions reviendrait à trouver une aiguille dans une botte de foin. Comment ce parti a-t-il été gagné à ce point par le défaitisme ? Plier sans combattre, mettre ses convictions dans un mouchoir, s’offrir à un candidat qui réduit l’élection présidentielle à une rencontre mystique avec le peuple, préférer le meilleur communicant au mieux-disant… voilà le choix de ceux qui sont tentés par Macron. Ce n’est plus une compétition politique mais l’émission « La France a un incroyable talent », une sorte de concours du meilleur prestidigitateur.
Manuel Valls mauvais perdant, François de Rugy renie sa parole comme un vrai écolo nantais
Johanna Rolland, maire de Nantes, avait mis en avant la stature « d’homme d’État » de Manuel Valls pour justifier son soutien à ce dernier à la primaire socialiste. Et pourtant, battu par Benoît Hamon, l’ancien premier ministre s’est montré mauvais perdant en refusant d’assister à l’investiture du vainqueur de la primaire et en ne lui apportant pas jusque-là son soutien.
Quant à François de Rugy, il aura simplement contribué à décrédibiliser la parole de l’homme politique. Alors qu’il avait déclaré devant des millions de téléspectateurs qu’il allait soutenir le vainqueur de la primaire, il a offert son soutien à Macron sans ciller des yeux. Étonnant ? Pas du tout, à Nantes les écologistes sont coutumiers du fait : surenchère avant le premier tour et au deuxième, ralliement sans condition moyennant quelques postes dans l’équipe municipale et au conseil régional. C’est d’ailleurs dans ces conditions que François de Rugy avait bénéficié de sa circonscription électorale ancrée à gauche où le PS s’était abstenu de lui opposer un candidat.
On ne devrait même plus parler de faute politique, mais de faute morale.
«Il ne va pas nous faire ça Ayrault ! Surtout pas lui !»
Jean-Marc Ayrault, député, maire je l’ai vu à l’œuvre, parfois de très près, Son action politique était marquée par une réelle proximité avec des gens et pas une proximité feinte mais réelle avec une authentique attention aux difficultés et aux aspirations des plus précaires tout en réussissant avec les grands opérateurs économiques la reprise de la vitalité économique de Nantes et, avec le monde culturel , l’éveil d’une ville redevenue l’une des plus attractives de France. JMA, comme on l’appelle, incarnait et donnait à voir un Parti socialiste humain, moderne et très attaché à ses valeurs en dépit d’un contexte qui a vu prospérer le populisme et les extrêmes.
De la mairie de Saint-Herblain à l’Hôtel Matignon en passant par la mairie de Nantes et la présidence du groupe socialiste à l’assemblée nationale, Ayrault a tout entrepris et gagné sous la bannière du PS. Avec constance, loyauté et fidélité. Qu’est-ce qui pourrait alors expliquer qu’aujourd’hui il méconnaisse les résultats de la primaire socialiste ? Alors qu’il clôt les mandats électifs avec un passage à témoin exemplaire, pourrait-il se permettre de poser un geste aussi calculateur, lâche et détestable ? Même l’abandon annoncé du projet de l’aéroport de Notre Dame des Landes ne saurait justifier un soutien à Emmanuel Macron. Ce n’est pas quand tout va bien qu’on identifie les hommes de grande valeur, c’est quand les rats quittent le navire, c’est quand le choix est proposé entre le réalisme et l’honneur qu’on les reconnaît.
S’il ne devrait rester qu’un seul au PS pour soutenir Benoît Hamon, ça devrait bien être Jean-Marc Ayrault.|Botowamungu Kalome (AEM)