Papa Wemba: bravo l’artiste

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’artiste congolais Papa Wemba, l’une des légendes de la world music, est décédé samedi soir sur scène, à 66 ans, après s’être effondré lors d’un concert à Abidjan, en Côte-d’Ivoire où des hommages dignes lui ont été rendus avant son rapatriement vers son pays.

Diffusée sur Youtube, une vidéo du concert, qui se déroulait au FEMUA (Festival des Musiques Urbaines  d’Anoumabou) montre l’artiste gisant sur le sol pendant que son groupe et les danseuses qui l’accompagnent poursuivent le spectacle sans se rendre compte de l’incident. Il en était alors à l’exécution de la troisième chanson de son répertoire, à vingt minutes du début du concert. Le décès sera confirmé par le manager du chanteur à la télévision. Papa Wemba était à l’affiche pour la soirée de clôture du festival.

Créateur de la rumba rock, mêlant des sonorités traditionnelles africaines avec les rythmes pop et rock, Papa Wemba est une figure emblématique en Afrique et ailleurs dans le monde.

Au fil des ans, il s’est révélé à travers le monde comme étant le roi de la rumba congolaise héritée de son mentor Tabu Ley Rochereau et qui le propulsera au sommet de la gloire dans les années 90. Il collabore avec des célébrités à l’instar de Stevie Wonder, Éric Clapton.  Ou encore Peter Gabriel dont il assure, pendant une année, la première partie de la tournée mondiale Secret World Tour en 1993. Dans la foulée, Peter Gabriel publie, sous son label Real word, trois albums du chanteur congolais dont le succès est réel : Le Voyageur (1992), Émotion (1995) et Molokaï (1998). Il convient de noter que Papa Wemba est le deuxième artiste congolais, le premier étant Tabu Ley Rochereau, à signer avec un label musical international.

C’est depuis 1969, alors qu’il a juste 20 ans, que son nom devient populaire. Il est alors, avec N’Yoka Longo, l’un des co-fondateurs et premiers chanteurs du groupe Zaïko Langa Langa, né des cendres du groupe Belguide sous l’encadrement d’André Bita, Henri Bongombe, et DV Muanda di veta. Et avec Manwaku Waku comme guitariste lead. Le groupe mythique se démarque par une musique aux influences funk et soul, caractérisée par un mélange de R & B aux rythmes traditionnels de l’ex- Zaïre. Avec une innovation : l’introduction de la batterie au détriment des instruments à vent, et des rythmes plus saccadés, plus accélérés.

Durant ses quatre années dans ce groupe, il signe plusieurs tubes à succès. Parmi lesquels Pauline (1970), Maguy, Mamie (1971), Amoureux déçu, Khadi ya Maman, Zina zonga (1972), Mété la vérité, Chouchouna, Liwa ya somo (1973), Miyélélé Omanga (1974).

C’est justement en décembre 1974, que Papa Wemba quitte Zaïko Langa-Langa et s’en va créer Isifi Lokole avec Evoloko, Mavuela Somo et Bozi Boziana, transfuges, eux-aussi, du premier groupe cité. La chanson Amazone qu’il publie en 1975 fait un carton. À la fin de la même année, il quitte Isifi Lokole pour une nouvelle formation, le Yoka Lokole qu’il met sur pied avec Mavuela Somo et Bozi Boziana. Ils seront rejoints en 1976 par le très bouillant Mbuta Mashakado parti, lui aussi, de Zaïko Langa-Langa. Papa Wemba explose avec les chansons Matembelé, Lisuma ya Zazu et Maman Wali (publiées en 1976). Chassé en plein concert par Mbuta Mashakado, il va ensuite fonder, en 1977, un nouveau groupe qu’il baptise Viva la Musica.

C’est avec cette formation qui va traverser les âges et les époques que Papa Wemba va poursuivra sa carrière. Jusqu’à son dernier souffle. Essentiellement constitué de hits, son répertoire est très riche et diversifié (lire ci-dessous sa Discographie). De Mère Supérieure, Ebale Mbongé, Mabele Mokonzi, Bokulaka, Ekoti ya nzube, Zonga Zonga, Muana Molokai, Fleur Betoko à Maître d’école en passant par Analengo, Pôle position, Adida Kiesse, La référence, Fula ngenge, Six millions de soucis, (consulter ci-dessous sa discographie) ses chansons, de même que celles de ses collaborateurs, sont de véritables chefs-d’œuvre.

Formateur des idoles et Maître d’école

Ils sont nombreux les artistes aujourd’hui ayant fourbi leurs premières armes ou doivent pour certains, leur renommée à ce monstre sacré qu’est Papa Wemba. À la naissance de Viva la Musica, on retrouve à ses côtés les chanteurs Kisangani Espérant, Pépé Bipoli, Jadot le Cambodgien et Petit Aziza, Kester Emeneya, l’un de ses fidèles lieutenants. Sans toutefois oublier Fafa de Molokai, Petit prince, Debaba, Djuna Djanana, Dindo Yogo, Joli Mubiala, Gloria, Asta Paula. Ensuite, Luciana Demingongo, Reddy Amisi, Célé le roi, Styno Mubi, Maray Maray, Lidjo Kwempa. Les guitaristes Rigo Star, Bongo Wendé, Syriana et Pinos, Huit kilos, Tofla Kitoko, Otis Koyongonda. Pour sa part, Koffi Olomide, alors étudiant, a été révélé au grand public dans Viva la Musica, sous la férule de Papa Wemba avec qui il a enregistré et chanté ses tout premiers titres : Princesse Ya Senza, Asso, Samba Samba et Anibo (entre 1978-1979).

Pompon Miyake, Bendoson, Al Pachino, Pacheco, Christian Lema, Ibos le Grand M’Bati (Nouvelle écriture), Biscuit des écoliers, Archange, Echappée, Omba Petit Bokoul (Nouvelle Ecrita), Djodjo Bayinge, Mamale Tupack, Louange (Viva la Musica Tendances) ont également évolué aux côtés de Papa Wemba.

Avec Tabu Ley …dans Afrisa International

De 1979 à 1980, Papa Wemba intègre Afrisa International, le groupe de Tabu Ley, son idole. Avec ce dernier, il enregistre deux morceaux : Ngambo moke et Lèvres roses.

Après ce court passage dans Afrisa, Papa Wemba signe quelques-uns de ses gros succès en solo : Signorina, Analengo, Mea Culpa, Mélina la Parisienne, Santa, Matebu, Zea. C’est également la période des défections au sein de l’orchestre. Tour à tour, Rigo Star, Kisangani Espérant, Dindo Yogo, Djanana Djuna, Emeneya, Bipoli, Debaba quittent le bateau. À la suite de ces départs, de nouveaux éléments viennent à la rescousse : Maray Maray, Reddy Amisi, Lidjo Kwempa, Awilo Longomba, Stino Mubi, Luciana Demingongo.

Vers la fin des années 1980, Papa Wemba décide de s’installer en Europe. Il sort successivement les albums L’Esclave, Mfono Yami, Le Voyageur qui le propulsent au sommet de la World music. En 1988, il effectue une tournée qui le mène du Japon aux États-Unis en passant par l’Europe, notamment la Belgique. C’est au milieu des années 1990 qu’il va rencontrer celui qui va insuffler un nouveau souffle à sa carrière musicale, Peter Gabriel.

Des collaborations remarquables

Outre sa collaboration avec Tabu Ley Rochereau et son groupe Afrisa, Papa Wemba Wemba a par ailleurs travaillé avec Martin Meissonnier, le producteur de King Sunny Adé et de Ray Lema, Peter Gabriel, Ray Lema, Manu Dibango, Koffi Olomidé avec qui il a réalisé l’un des meilleurs duos de sa carrière dans l’album Wake up, Youssou N’Dour, Pépé Kallé (dans Amena). Également avec Wendo Kolosoy, qui fut l’invité principal à son concert de Paris Bercy en 2002, Lutumba Simaro dont il a merveilleusement interprété la chanson Examen d’État tirée de son album Salle d’attente. À l’initiative et sous le label JPS Productions, il intervient avec ses amis de Zaiko Evoloko Joker, Bozi Boziana et Efonge Gina, dans le projet le Quatro de Langa Langa, puis le projet le Quatro + 1 associant Manwaku Waku. Auparavant, dans les années 1980, il avait participé à l’élaboration de l’album Clan Langa Langa, Bilombe Bakutani, trio NYO.BI.WE, un projet dans lequel il s’illustra avec les titres Sentiment ya Langa Langa et Lomami chantés avec Nyoka Longo et Bimi Ombale. Alpha Blondy, Lokua Kanza, Angélique Kidjo, Salif Keïta, Singuila, Ophélie Winter, Manu Dibango, Youssou N’dour, Félix Wazekwa, Modogo Gian Franco Ferre, Stervos Niarchos, Defao, Pacha et Rive Kono, Le Chancelier Desi Mbwese et tant d’autres. On n’oubliera pas son merveilleux featuring avec Sam Mangwana dans la chanson La référence contenue dans l’album Foridoles.

Sur son dernier album en date, Maître d’École, il a fait intervenir JB Mpiana, en guise de retour d’ascenseur au chanteur de Wenge Musica BCBG qui l’avait invité dans son premier album en solo Feux de l’amour. Également Barbara Kanam et Nyoka Longo.

Au cinéma…

Acteur principal du film belgo-zaïrois La vie est belle de Ngangura Dieudonné Mweze et Benoît Lamy (1987), une bonne partie de la bande originale de ce film est également de lui. Papa Wemba apparaît également en 1997 dans Combat de fauves de Benoît Lamy sorti en 1997, avec comme acteurs principaux Ute Lemper et Richard Bohringer. On le retrouve par ailleurs dans le film dramatique belge Kinshasa Kids de Marc-Henri Wajnberg (2012) dans lequel il joue un petit rôle.|Botowamungu Kalome (AEM)