Verckys Kiamuangana : « C’est à l’âge de 23 ans que j’ai commencé à flirter avec l’argent… » 

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V erckys, je l’ai vu pour la première fois lorsqu’il évoluait dans l’orchestre Conga Jazz de la famille Ebengo, au bar « Sentiment » qui était situé dans le quartier Ntomba à Matete. C’est dans ce groupe qu’on a découvert les Franck Lassan, Madiata, Bumba Massa, Modero Mekanisi… À l’époque, j’étais encore élève du primaire à l’école catholique St-Alphonse avec nos aînés Debongo et autres Kembo ; « Sentiment » bar vibrait, et nous étions des « Ngembo ». Verckys qui, en quelque sorte, serait de notre génération puisque né en 1944 se trouvait déjà dans la vie active.

Bref, comment l’ai-je croisé ? Alors reporter sportif, je croise le chanteur Loko Masengo Djeskain sur le terrain d’entraînement du club de football Dragons à Sainte-Marie, à Lingwala où je me suis rendu à l’invitation d’Ekwile Tanzey…C’est là que démarrent mes relations avec Djeskain qui évoluait en tant que chanteur de l’orchestre Vévé. Djeskain, qui a le même âge que moi, avait, lui aussi, déjà commencé sa carrière musicale alors que moi je poursuivais mes études ; j’assistais déjà à leurs concerts comme « Ngembo » chez Confiance bar dans le quartier Mboloko à Matete …

Lors de leur départ (lui Djeskain et ses compères Mario et Saak Sekoul) de Vévé pour créer l’orchestre Sosoliso et leur trio Madjesi, je peux dire que j’étais dans le coup, ou plutôt, je les ai accompagnés dans leur démarche tout en gardant de bons rapports avec Verckys. Je le critiquais souvent, on s’empoignait. Malgré mes relations particulières avec Djeskain, puisque j’écrivais beaucoup sur son équipe de football « Revolo Miso ga » de Kintambo. C’est ainsi que je me rendais souvent chez Djeskain …

En ces temps-là, dans notre profession, il n’y avait pas beaucoup de journalistes. Et contrairement à nos jours, peu de journaux, voire de chaines de télévision. Aussi, le journalisme jouissait d’une plus grande considération.

  • Le trio Tabu Ley, Franco et Verckys | Photo d'archives © Bazak
    Le trio Tabu Ley, Franco et Verckys | Photo d'archives © Bazak

En somme, Verckys le « mou confia » (homme de confiance) de Franco, tellement malin et rusé qu’il était, s’est constitué une fortune alors que même les gros faiseurs de tubes de l’Ok Jazz sont morts pauvres ou croupissent dans la misère pour ceux qui sont encore en vie. Le secret ? Lorsque Franco l’envoyait chez ses producteurs en Belgique, Verckys emportait aussi dans sa mallette ses propres produits à l’insu de son patron …

Ayant abandonné les Sports pour la chronique musicale, j’ai commencé à fréquenter Verckys ! J’ai donc vu, avant même que je ne fasse la connaissance de Rochereau, comment Verckys amassait de l’argent grâce à son studio d’enregistrement à 2 pistes d’Eyala ainsi que sa boutique de vente de disques Zadis située sur Victoire dans la commune de Kalamu. Tout comme Franco, Verckys venait me chercher chez nous à Matete, ou envoyait des « maîtres » (pratiquants des arts martiaux) pour m’intimider à chaque fois que je le critiquais dans le journal, malgré nos relations particulières ; à tel point que quasiment tous les Opj du casier judiciaire de la Gombe me connaissaient à cause des plaintes que Verckys assignait pour que l’on m’arrête. Heureusement, le président Kuba di Vita du club de football Ruwenzori me couvrait ou allait retirer les plaintes. Au fait, avec mon ami Verckys c’était le « je t’aime moi non plus ».  C’est tout à fait normal, il a dû se battre durement pour réussir sa vie. Je l’ai toujours félicité. Malgré qu’il fût un peu chiche. Du moins, à chaque voyage, il me ramenait des habits et des chaussures. Il ne distribuait pas de l’argent ! Il préférait que l’on aille plutôt dépenser toutes les recettes de Zadis dans un casino qui se trouvait sur la rue de la Mongala, dans la commune de la Gombe où l’on restait jusqu’ à l’aube. Et d’où on rentrait évidemment les mains vides ! Parfois, on allait passer nos soirées sur Kitega chez sa deuxième épouse Christine (la sœur de l’ancien cycliste Toyota) avec le boxeur Mamba, Denewade et autres Kuba qui constituaient sa « ceinture »

Repose en paix, mon ami « Wa Zola Nzimbu ».

Bravo à la petite Ancy Kiamuanga qui a choisi de suivre le chemin de son géniteur afin de perpétuer sa mémoire.

Courage ! |Paul Bazakana (AEM)