Congo: l’arbre au centre du développement durable et de l’économie verte

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« Investir dans l’économie verte en Afrique centrale pour inventer demain : cas de l’économie du reboisement au Congo », tel a été le thème central de la 6è édition du Forum Green Business, initiée par la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture et des Métiers (CCIAM) de Pointe- Noire avec l’appui du Ministère congolais de l’Économie forestière et du Développement durable, qui s’est tenue à Pointe-Noire du 19 au 21 mai dernier.

Au premier abord, on pourrait s’inquiéter. Si l’on parle de reboisement, c’est qu’il y a eu déboisement. Dans la réalité, il n’y a pas vraiment de quoi s’alarmer. Le déboisement qui touche la forêt dense primaire, celle qui couvre environ 60 % du territoire congolais et est omniprésente dans les départements de la Likouala et de la Sangha, est très, très faible. « Le taux de déboisement au Congo est de 0,05 %. On ne peut donc pas réellement parler de déforestation » précise François Makessi, chercheur et superviseur en charge des opérations techniques du ProNAR (Programme national d’afforestation et de reboisement) au Congo.

Limiter le déboisement

S’il n’y a pas lieu de dramatiser, il faut toutefois rester vigilant. Et prévenir plutôt que guérir. Au Congo, le déboisement résulte principalement de trois types d’activités : l’agro-industrie dans la filière palmier à huile, l’exploitation forestière et l’agriculture itinérante sur brûlis. Pour prévenir le phénomène, des solutions adaptées à chaque type d’activités sont préconisées et mises en oeuvre.  S’agissant des plantations industrielles de palmier à huile, les autorités congolaises ont décidé de limiter désormais leur expansion dans les zones forestières du nord du pays, encourageant plutôt l’essor de la culture en zone savanicole.  Les sociétés forestières, pour leur part,  sont invitées à pratiquer une gestion durable des forêts concédées, avec les plans d’aménagement forestier. Enfin, pour prévenir le déboisement provoqué par l’agriculture itinérante, «  les agriculteurs qui opèrent en zone forestière, sont formés à l’agroforesterie pour réduire la pression anthropique sur la forêt », insiste Makessi.

Reboiser

Outre ces actions préventives, l’accent est mis sur le reboisement  des zones forestières. « Même si le taux de déboisement est très faible, des espèces forestières ont disparu dans certaines régions. Pour exemple, dans le Pool, il y a eu des zones déboisées suite aux conflits qu’a connus le département. Il faut donc ré-enrichir ces zones avec des espèces adaptées », informe Makessi. Des actions qui relèvent notamment du Service national de reboisement (SNR), l’organe technique du ProNar. « En matière de recherche et d’enrichissement des forêts naturelles, nous avons une expérience qui remonte aux années 1950. Les espèces forestières sont connues et les techniques de multiplication  maîtrisées. Quand on produit des plants, on peut les planter dans les forêts sous forme de layons ».

Afforester

En plus du reboisement, le cap est mis sur l’afforestation. Les deux démarches fondent d’ailleurs les missions du ProNar. Doté d’un budget d’environ 1,2  milliards de F CFA (1,8 milliard d’euros), ce dernier prévoit « la création d’un million d’hectares de forêts artificielles dans l’ensemble du Congo, à l’horizon 2025 », explique le Docteur Rosalie Matondo, conseiller du Chef de l’État et coordinatrice du ProNar. L’opération  vise trois types de plantations : les plantations industrielles, qui représentent 70 % du programme et relèvent des industriels et des bailleurs de fonds, les plantations domaniales, à réaliser par le SNR, et les plantations villageoises, qui représentent 10 % de l’ensemble, qui sont du ressort des opérateurs locaux, qui pourront être aidés et conseillés, – notamment les néophytes en matière d’afforestation-, par les techniciens et les ingénieurs du SNR.

L’afforestation porte sur des espèces forestières et agro-forestières ainsi que les légumineuses adaptées au Congo. Parmi les variétés ciblées, figurent les arbres fruitiers et ceux à croissance rapide, comme les eucalyptus, dont le bois servira à faire de la pâte à papier ou des poteaux ou sera utilisé comme source d’énergie.

L’ensemble de ces mesures, qui s’inscrivent dans la lutte contre le réchauffement climatique, accompagneront le processus REDD +. Engagé en 2008 au Congo, ce programme, qui sera lancé d’ici 2016, se focalise sur  la Sangha et  la Likouala, les départements les plus « forestiers » du pays. C’est ici, en effet, que le Congo compte mener des opérations de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec les contrats d’achat de crédit carbone.

Accès à la terre et au financement

Pour réaliser ces opérations d’afforestations, deux contraintes majeures doivent être levées : l’accès à la terre et au financement. La première est en voie d’être résolue. « L’État est engagé dans la création de réserves foncières, qui sont mises à disposition des industriels sous forme de concessions. Suite au lancement du programme national d’affection des terres, quelque 110 000 ha de terres sont en cours de classement. Les objectifs assignés aux terres et aux plantations sont connus et clairs », explique Makessi.

La question du financement de ces opérations et plus généralement de toutes les initiatives  relevant de l’économie verte, reste, pour sa part, un casse-tête. Le Fonds vert pour le climat peine à rassembler les 100 milliards de dollars qu’il s’était promis de lever d’ici 2020. D’où la recherche de formules innovantes, comme le Fonds pour l’Economie verte en Afrique centrale (FEVAC). D’autres solutions sont à l’étude, comme celles qui consistent à faire payer les pollueurs, dont les activités favorisent  l’émission de CO2.

L’environnement, une préoccupation citoyenne

Les questions environnementales étant au cœur du développement durable et de l’économie verte, plus question de les exclure des pratiques de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Jusqu’à présent principalement focalisée sur l’éducation, la santé, le sport et l’humanitaire, la démarche RSE doit désormais intégrer « la dimension environnementale et l’ancrage territorial », explique Jérôme Koumba, directeur général de GES Environnement, pour qui cette approche n’est pas encore appliquée au niveau africain.

Loin d’être limitée aux actions sur l’environnement proprement dit telles que la restauration du couvert végétal et du patrimoine naturel, la dimension environnementale s’articule autour de plusieurs pôles : la lutte contre la concurrence déloyale, la prévention des pollutions et des nuisances, l’utilisation rationnelle et durable des ressources naturelles dans le processus de production, la lutte contre le changement climatique…

Koumba préconise par ailleurs de passer de la notion de RSE à celle de RSO, ou Responsabilité sociétale des Organisations. « L’architecture de la RSE peut convenir aux institutions publiques. La démarche peut s’appliquer à un lycée, à un ministère ou à une collectivité locale. Elle est même très bien adaptée à ce type d’organisations », souligne-t-il.  En outre, les catégories d’entreprises pouvant adopter l’approche RSE ne sont pas limitées. Publiques et privées, filiales de multinationales, grandes, petites ou moyennes, quelles que soient leur taille et l’origine de leur capital, toutes sont concernées.

Sur ce plan, la Chambre consulaire de Pointe Noire va prendre les devants. « Prochainement,  quant la stratégie nationale RSE sera officielle, la CCIAM de Pointe Noire l’expérimentera sur un échantillon d’une vingtaine d’entreprises du département », signale Koumba. De quoi inciter les entreprises locales à adopter une démarche éco-responsable.  Une préoccupation de la CCIAM et de son président, Didier Mavouenzéla, un des principaux promoteurs du Forum. | Muriel Devey Malu-Malu (AEM), envoyée spéciale à Pointe-Noire, Congo