
A vec un budget amputé de 70%, le Fespam avait fait l’objet des prédictions pessimistes. Un budget qui n’a été disponible qu’à quelques semaines de l’ouverture du festival alors que le comité en avait besoin bien avant pour régler les cachets des artistes et d’autres frais d’organisation. Comme pour conjurer le mauvais sort, le ministre de tutelle avait effectué un déplacement à Mbe, la capitale du royaume téké, pour le lancement de cette 10ème édition ; une bénédiction du chef coutumier lui fut accordée en ces termes : « Je vous assure, ici et maintenant, que les mannes du Royaume téké vous accompagneront, afin que le Fespam de cette année soit un grand succès. Vous avez ma bénédiction », dixit le roi Makoko.
Fort de ses propos, le ministre Jean-Claude Gakosso s’est rendu ensuite à Cuba, le pays de la salsa, de la rumba. Objet de ce déplacement : inviter le groupe mythique Aragon . Les festivaliers avaient besoin, selon le ministre, de revisiter l’époque de la salsa , le charanga.
À l’escale de Paris, Jean-Claude Gakosso avait rencontré Manu Dibango, ce monument de la musique africaine, et l’écrivaine Yasmina Benguigui
Cette 10ème édition a attiré un public nombreux au stade Felix Eboué, où se sont produits les artistes musiciens ; au village Fespam installé au cercle culturel Sony Labou Tansy, à Bacongo ; au marché de la musique africaine, à l’école de peinture de Poto Poto, au symposium international qui s’est tenu au Palais des Congrès ; à l’exposition des instruments de musique et lors du vernissage à la Mairie centrale de Brazzaville et à l’élection de la miss Fespam qui a eu lieu au Palais des Congrès.
Au cours de la soirée d’ouverture, quelques lauréats ont reçu des mains du président Denis Sassou Nguesso le grand prix des arts et des lettres, d’une valeur de 10 millions de FCFA chacun. Parmi les récipiendaires figuraient le poète Gabriel Okoundji, le dramaturge Dieudonné Niangouna et autres Casimir Zoba « Zao ». Ce prix vise à contribuer à l’émulation de nouveaux talents artistiques et littéraires au Congo.
Et Sassou dansa « Mukongo ya koba »
Côté scène, le groupe cubain Aragon a épaté l’assistance, surtout les corps constitués, mais a laissé un peu indifférent ce public jeune qui ignore ce groupe. Doudou Copa a été l’ombre de lui-même. Piètre production. À l’origine, la litanie de louanges à Otshombé revenant dans toutes ses chansons. Les jeunes venus nombreux le jour de l’ouverture, attendaient la prestation de Werrason. Ils étaient un peu déçus, en dépit de la bonne prestation de Zaïko Langa Langa, appréciée cependant par le président de la République. Ce dernier n’avait pas hésité, en quittant le stade, d’esquisser les pas de Mukongo ya Koba , de Jossart Nyoka Longo.
Quatre soirées durant, les Congolais et quelques touristes ont été gâtés par la prestation des artistes comme Micheline Shabani, Sœur Belle Agniélé, le Rocher, Zao, Roga Roga, Trésor Mvoula, Fabregas, Patrouille des Stars, DJ Arafat, Os Destroia, Koffi Olomide …
Excursion sur Kinshasa …
Sous les airs de la chanson Pont sur le Congo , quelques festivaliers ont fait la traversée du fleuve Congo pour Kinshasa, où ils ont pu visiter le parc de la primature avec une vue imprenable sur Brazzaville. Ce parc est composé des bustes des différents Premiers ministres de la République démocratique. Ici, le ministre Jean-Claude Gakosso avait salué cette initiative d’exhumer la mémoire d’anciens Premiers ministres. La visite s’était poursuivie dans la salle des musées d’art, à l’échangeur de Limete, sous la conduite de Baudouin Banza Mukalay Nsungu, ministre de la Culture et des Arts de la RD Congo et à quelques endroits emblématiques de la capitale.
… et visite au centre sportif de Kintélé
Kintélé, hier un village, est aujourd’hui une cité sportive « ultra-moderne ». Les festivaliers ne pouvaient séjourner à Brazzaville sans pouvoir visiter ce bijou. Le comité directeur du Fespam a mis, en effet, dans son programme cette visite qui avait commencé par celles du stade, du complexe nautique, du palais des sports et des autres bâtiments. « C’est un bijou que nous léguons à la jeunesse du continent et de notre pays, avait fait remarquer le ministre J-C Gakosso, avant d’ajouter : Ici, on va célébrer le sport mais le ministre des Sports m’a rassuré qu’ici nous allons célébrer (aussi) la musique, la culture dans tous ses compartiments … ».
Symposium de musique africaine
Une journée avait été dédiée aux chercheurs musicologues de se pencher sur le devenir de la musique africaine. À la tribune, se sont succédé tour à tour Honoré Mobonda, directeur du symposium et du Musée Panafricain de la musique, Jean-Claude Gakosso, ministre et président du Comité de direction du Fespam, le professeur Lupwishi Mbuyamba, président du conseil africain de la musique et tant d’autres personnes qui ont parlé de « la rumba africaine, horizon philosophique et politique de notre modernité musicale africaine (par Emile Moselly Batamak) et de « la musique congolaise au cœur de la musique africaine » (par Mfumu Dia Fua Di Sassa)… Il s’en était suivi des débats, un communiqué final, des motions et recommandations. Pendant les pauses, c’est le griot Kuyena Muzita et Clotaire Kimbolo Douley qui meublaient le temps.
L’Ivoirienne Hyllen Legre : Miss Fespam 2015
Présidée par Chantal Ickonga Akindou, la huitième édition de l’élection Miss FESPAM a connu la participation de treize filles, déjà miss dans leurs pays d’origine. Elles étaient venues du Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, de la Centrafrique, du Congo-Brazzaville, de la RD Congo, de la Côte d’Ivoire (représentée par la première dauphine), du Gabon, de la Guinée Conakry, du Mali, du Rwanda et du Tchad.
L’élection de cette année a été remportée par Hyllen Legre, métissée de père ivoirien et de mère algérienne, 23 ans, 1,78m, 69 kg, étudiante en communication (préparation de master), première dauphine miss Côte d’Ivoire, double fois championne de karaté. Miss Hyllen a comme 1ère dauphine, la Miss gabonaise, Christine Pitty, 22 ans, 1,72m pour 54kg, étudiante en première année de droit, maquilleuse depuis l’âge de 3 ans. Et, miss Guinée Conakry, Mama Aïssata Diallo, 19 ans, 1,55m pour 55kg, étudiante en première année des sciences et responsable d’une organisation non gouvernementale (ONG) a été choisie 2ème dauphine.
Les festivaliers chez Denis Sassou N’Guesso
Président du Conseil international de la musique (CIM), Paul Dujardin, a décoré le président de la République pour sa volonté de faire du Fespam « un instrument au service de l’intégration africaine et de la célébration de la créativité des jeunes talents ». Dans la foulée, Manu Dibango, parrain de cette édition, a abondé dans le même sens : « Merci. Ce merci est très court par rapport à l’immensité de la passion que vous témoignez pour la chose artistique. Par le temps qui court et par le nombre des peaux de banane qui pleuvent partout, vous insistez depuis 20 ans pour maintenir ce cap, pour que ce bateau porte tous les marins qui sont-là. Que ce soit un bateau qui soit la voie des voies et qui donne le mot dignité culturelle à notre continent. La seule que je réitère, c’est que vous ayez une longue vie et vous ayez toujours de la passion pour cet art … ».
Yamina Benguigui s’est dit quant à elle « très honorée d’avoir été choisie comme marraine de la 10ème édition du Fespam » Elle a ajouté : « J’ai des origines algériennes et je dis souvent que le Congo et l’Algérie ont certaines tâches en commun … ». Signalons en passant que Jack Lang qui était pressenti pour être le parrain de cette 10ème édition s’est excusé en dernière minute pour un agenda très chargé.|De Brazzaville, Paul Bazakana/Ebène Magazine & Afriquechos.ch