Jean-Claude Ntuala remporte le 1er Prix Makomi, prix européen de la littérature congolaise

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Écrivain précoce, Jean Caude Ntuala se découvre l’âme d’un dramaturge et écrit ses premières pièces qui sont jouées dans son école. La machine ne va pas s’arrêter car l’inspiration lui vient aisément. Le discret écrivain sortira de l’anonymat le  jour où le comédien Kwedy du groupe Salongo va découvrir l’une de ses œuvres. Emballé, le comédien le présente au célèbre et très exigeant réalisateur Tshitenge Nsana. Ça sera le début effectif d’une carrière émaillée de compliments et de prix

AFRIQU’ÉCHOS MAGAZINE (AEM): Que représente pour vous l’écriture ?

JEAN-CLAUDE NTUALA (JCN): Il faut d’emblée dire que l’écriture est une seconde nature pour moi. J’écris beaucoup et presque chaque jour. J’ai étudié chez les Jésuites et déjà au tout début du secondaire, j’avais  des problèmes, parce que dans mon journal de classe et aussi dans certains de mes cahiers des notes, je ne faisais qu’écrire.

AEM: Qu’est-ce que vous écriviez ?

JCN: Mon vécu, mes observations. Par exemple, comme on avait sport les après-midi de mercredi et samedi, le jour suivant, moi je faisais un reportage sur ce qu’avait été notre match de foot, de basket ou de volley-ball. Et ça énervait les encadreurs. Mais j’essayais aussi déjà de composer des poèmes. Et puis, plus tard, de manière officielle, j’ai tenu le journal de l’école. À l’époque j’étudiais chez les protestants à Kimpese. C’est là aussi où j’ai commencé à écrire pour le théâtre. J’ai écrit deux pièces que nous avions présentées, avec les camarades de classe, d’abord devant notre école, puis dans d’autres écoles du milieu. Il  s’agit de  Je suis l’assassin de ma sœur  et  On a tué Kimpa Vita .

AEM: À quand votre entrée dans le monde des arts dramatiques?

JCN: C’était en 1999. À l’époque, je venais de terminer l’écriture de mon feuilleton  Sivira qui n’avait qu’une soixantaine de pages, et il était écrit vraiment en amateur. Et Kwedy était un comédien dont j’appréciais énormément le talent et que je trouvais intelligent. Je m’étais donc dit : « Voilà un type intéressant. Je vais lui faire lire mon scénario et voir comment il va le juger. Il pourra me prodiguer quelques conseils ». Je vous jure que c’est tout ce à quoi je m’attendais. Je suis allé le voir à son bureau –c’est la première fois qu’on se voyait- et je lui ai remis le texte. Un mois plus tard, je suis allé le revoir et j’étais ému par la façon dont il avait vanté mon texte. Il m’affirma même qu’il avait passé cette nuit-là au salon, incapable d’arrêter la lecture, jusqu’au matin. Il le remit ensuite, avec ma permission, à Tshitenge Nsana. Celui-ci le lut et, je le dis aujourd’hui, ce jour-là, celui de mon premier entretien avec Tshitenge Nsana, fut celui de ma naissance dans le monde artistique.

AEM: C’est-à-dire ?

JCN: Tshitenge Nsana était un des plus grands de l’audiovisuel à l’époque dans ce pays. Il me dit exactement ceci, je cite, et je le révèle aujourd’hui : « Ton texte m’a très positivement impressionné. Si impressionné que j’ai décidé de le réaliser et de le produire moi-même. En 30 ans de métier, je n’ai jamais lu un texte ayant cette valeur. Tu feras une merveilleuse carrière cinématographique et dramaturgique ».

Venant du grand Tshitenge Nsana, qui était très avare en compliments, ces mots m’avaient arraché une larme. Je parle de naissance parce que c’est ce jour-là que jem’étais rendu compte que je n’écrivais pas n’importe quoi et que je pouvais réellement faire carrière dans la littérature, le cinéma et même le théâtre. Malheureusement, Tshitenge Nsana est mort quelques mois plus tard, et je suis resté orphelin de mon père artistique. Je suis très reconnaissant à mon aîné Kwedy.

AEM: Aviez-vous écrit des pièces pour le Groupe Salongo ?

JCN: Oui,  Vutula Menga  notamment qui avait connu un franc succès à l’époque. Tout de suite après le décès de Tshitenge Nsana, j’ai également écrit le scénario d’un long métrage intitulé  Tribulations . La chanteuse Marie Misamu, aujourd’hui disparue, avait joué le rôle principal et Diambu Kumbazi était chargé de la réalisation. Nous avions commencé le tournage, mais on s’est vite rendu compte que le producteur était un escroc, et l’aventure s’arrêta à mi-chemin.

AEM: Et vous n’aviez pas rangé définitivement votre plume ?

JCN: Pendant 4 ans j’ai vécu à Luozi, dans le cadre de 2 projets : le Projet des routes et celui de la formation en démocratie et droits humains. J’y avais retrouvé Kavenafuluko qui est un vieil ami.  Homme de culture, il tenait à lire tout ce que j’écrivais. Il me répétait : « Je sais que tu es parfois découragé du fait que tes œuvres continuent à moisir dans les tiroirs. Mais tu as tort. Continue d’écrire. Écris encore plus et plus d’ouvrages. Il arrivera un moment où tu n’auras plus le temps de beaucoup écrire, tellement tu seras sollicité à faire ceci à faire cela ». Évidemment, là c’est le Pasteur qu’il est devenu qui parlait. Mais il est l’un des tout premiers à avoir cru en moi. Et il m’a beaucoup aidé par ses encouragements.

J’ai aussi écrit des œuvres pour certains organismes, dans le cadre des « campagnes de sensibilisation ». Je citerais le RODHECIC, en 2007, sur la lutte contre les violences faites à la femme. J’ai aussi travaillé avec l’ambassade britannique, en 2008, dans le cadre d’une campagne visant à décourager l’immigration clandestine.

J’ai travaillé avec Conader, la Commission nationale pour la démobilisation, le désarmement et la réinsertion, après la guerre que le pays a connue avec plus au moins 5 rébellions, en 2006-2007. Et là, j’ai écrit une série de 8 ou 10 épisodes, je ne sais plus très bien. J’ai écrit toute la série de la campagne de la Banque nationale relative à la bonne utilisation et conservation du franc congolais, en 2008. Une dizaine d’épisodes.

AEM: Et aucun ouvrage publié ?

JCN: Oui, j’ai publié la ‘’Lettre à Kimpa Vita’’, un essai, aux Éditions Mabika en 2013 et ‘’Les tribulations d’un Pasteur’’, une nouvelle, aux Éditions Médias Paul en 2015.

AEM: Avez-vous déjà été primé ?

JCN: J’ai  obtenu mon premier prix en 2011 avec ma nouvelle intitulée « Et je devins meurtrier », que je suis en train de porter à l’écran, à travers un court métrage du même titre. C’était le concours Plumes Conscientes. Le 2ème, je l’ai obtenu une année plus tard, en 2012, avec la nouvelle « Les tribulations d’un Pasteur », toujours au concours Plumes Conscientes. Et le 3ème, c’est le tout récent, le Prix Makomi, Prix européen de la littérature congolaise, obtenu en novembre dernier avec la nouvelle intitulée « La vingt-cinquième lettre ».

AEM: Des projets à venir ?

JCN: En ce qui concerne la littérature, j’ai deux ouvrages en chantier : Joseph Kasa-Vubu, Pionnier et Père de l’indépendance congolaise, un récit, à paraître très bientôt  et Brûlons la paille, roman, qui est sous presse.

Quant au Cinéma, j’ai deux projets de films : ‘’Et je devins meurtrier’’ (court-métrage) et ‘’Sivira’’  (feuilleton).

Propos recueillis par Herman Bangi Bayo(AEM), Kinshasa, RDC