Koffi Olomide: le triomphe final sur lui-même

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Exceptionnel : Poursuivi pour viol sur mineures et séquestration par la justice française, condamné à trois mois de prison avec sursis pour coups et blessures volontaires par un tribunal de Kinshasa jeudi dernier, le chanteur Koffi Olomide a été porté en triomphe par ses fans après l’annonce du verdict. Le roi du tchatcho, le magicien des grandes salles parisiennes (Olympia, Zenith et Bercy) s’est mué en star des prétoires, en vedette des faits divers. Ne le cherchez plus dans les meilleures places des hits congolais et internationaux, mais plutôt dans des situations nauséabondes et dans les rubriques de la chronique judiciaire. Rendons-nous à l’évidence : le génie a quitté Koffi Olomide et un diablotin lui a substitué une caricature de chanteur qui déverse un torrent d’obscénités, qui traîne comme une âme en peine Cindy Le Cœur qui chante comme les roues d’un train à vapeur qui crissent… Le côté sombre et hideux de Koffi a triomphé, jeudi dernier, du talent inspiré et lumineux qui a écrit quelques unes des plus belles pages de l’histoire de la musique congolaise. Nous n’avons pas attendu cet enième fait divers pour faire ce douloureux constat. Relisez cet article publié dans Afriqu’Échos il y a cinq ans.

Musique| Le gâchis et la déchéance portent un nom : Koffi Olomide

Comme une épitaphe sur une carrière qui n’en finit pas de perdre de sa superbe et de son lustre, le titre  100 % Tchatcho  barre le fronton d’un CD-DVD de Koffi Olomide. Un opus qui s’avère un implacable condensé de la carrière de ce chanteur que je considère comme le plus doué auteur-compositeur de sa génération. Si j’ai souvenir d’un proche qui avait fait la cour à une divine beauté de Kisangani en lui envoyant une lettre d’amour reprenant les paroles de la chanson  La tout neige de Nyoka Longo, c’est Koffi Olomide qui a indiscutablement enseigné ou réappris le romantisme à au moins deux générations de Congolais. Mais que reste-t-il de ce chanteur qui savait si bien parler aux cœurs remplis d’amour ou qui savait chanter la vie en approchant Lutumba Simaro, le maître en la matière ?

Pas grand-chose, si ce n’est une sorte de zombie qu’on voit maintenant sur scène dans des tenues où parfois l’extravagance le dispute au grotesque. Quant à sa musique, les arrangements et le chœur qui avaient jadis fait son succès sont massacrés par des chanteurs qui confondent chanter et hurler ; et par des musiciens qui jouent en même temps mais en tout cas pas ensemble. L’harmonie est une notion prohibée au sein de l’orchestre Quartier Latin. Le romantique Koffi s’est tellement starisé que même son corps en porte les stigmates. Le dandy de jadis n’est plus qu’un bel homme qui torture sa peau avec des produits éclaircissants avec des résultats inégaux qui ne sont pas sans rappeler les transformations de Michaël Jackson. Toutes proportions gardées bien sûr.

Bien pire encore, là où il nous proposait des tubes éternels comme  Asso ,  Dieu voit tout ,  Koweit Rive gauche , Mulherengo , Civilisé, Les prisonniers dorment … Koffi, sous les effets pécuniaires d’une fade bière locale, en est réduit à reprendre des chansons du groupe d’animation Kake pour vanter les vertus d’une bière locale à la qualité incertaine.

Koffi Olomide, le Maître puis le Mutant

Triste réalité quand on sait que c’est avec Olomide que le Congo mélomane et une bonne partie du continent africain ont réappris que l’excellence dans l’art musical correspond à une expression romancée, lyrique, touchante et bouleversante de cette multitude des destins et vécus ordinaires qui peuplent nos vies. La plus banale de déceptions sentimentales ou la plus ordinaire disparition d’un être cher vont ainsi susciter une vive émotion à l’écoute d’une chanson. Des phrases joliment brodées sont portées par des voix et des musiques bien en phase qui nous bouleversent comme si c’était notre propre histoire qui est évoquée par l’auteur-compositeur. Puisque la vie n’est pas que chagrin d’amour et tristesse, certains artistes ont ce génie de trouver les plus beaux mots et des tournures romantiques pour exprimer ces sentiments diffus d’amour que nous ne savons exprimer à l’être aimé.

C’est la maîtrise de cet exercice qui va faire d’une chanson un tube, la rendre intemporelle et distinguer un musicien ou un orchestre taillé juste pour égayer ses congénères de celui qui va marquer son époque et traverser le temps. À ce sujet, si je jette objectivement un regard sur la musique congolaise, deux sommités sont indiscutables et loin devant : Tabu Ley et Lutumba Simaro si l’on considère que Wendo Kolosoy, de par son statut d’icône, est de fait hors-concours. Suivraient notamment Koffi Olomide, Zaïko Langa Langa… au contraire de Papa Wemba qui ne sera immortel que par sa voix et sans doute pas par son répertoire.

Koffi Olomide et Zaïko Langa Langa sont ainsi en mesure d’aligner sept concerts de qualité d’affilée sans reprendre deux fois une chanson. Mieux encore, le romantique fils de Ma’ Ami, peut avec juste une guitare acoustique en bandoulière drainer des milliers de mélomanes qui reprendront du début à la fin ses chansons qui survivront à sa turbulente carrière. Quand je pense à cela, je n’ai qu’un seul rêve : que Ma’ Ami prenne son fils entre quatre yeux et l’exhorte, le supplie de redevenir simplement lui-même. Je vais dire ce chanteur dont on récitait la poésie quand on était en panne de mots doux devant une fille ou encore celui qui a su exalter la gratitude d’un fils envers sa mère dans la chanson Dieu voit tout , ou encore celui qui avec  Le chemin de la vie  avait bien appréhendé le désarroi des jeunes Congolais face à l’avenir.

Enfin une dernière chose : se trouverait-il quelqu’un pour rappeler à Koffi Olomide qu’il est né d’une femme et que le commerce qu’il fait de l’exhibition de corps de ses danseuses sur ses clips et dans ses concerts est indécent ? J’aimerais tout bêtement qu’il se remette à parler encore et encore à nos cœurs et à partager avec nous sa philosophie de la vie, le sens de la famille avec ses déférences à ses frères, ses enfants et sa mère si présents dans ses œuvres d’antan. |Botowamungu Kalome (AEM)