Il ne manquerait plus que ça : reprocher son sens, bien que compulsif, du dialogue à Joseph Kabila qui y voit la voie ultime pour régler crises politiques de tous genres ou crises de confiance tout court. Le pauvre, quoi qu’il fasse, le président congolais est soupçonné de malice pour s’octroyer une rallonge à la tête du pays. Glissement, voilà comment s’appellerait le temps que Kabila passerait au pouvoir au-delà de son mandat. Cette crise de confiance s’est accentuée avec le piteux ratage de la majorité présidentielle dans sa tentative de parvenir subtilement à cette fin par l’aménagement de la loi électorale, un jour férié, plutôt que de passer par une trop voyante révision de la constitution. Mais cette reculade du 18, 19 et 20 janvier 2015 a dû enjamber des dizaines de vies fauchées par des balles de la police nationale. Depuis, Joseph Kabila tente de reprendre la main par le dialogue. Quel dialogue ? Avec qui et comment ? Et pour quelles fins ?
Le dialogue est son talisman. À chaque fois, qu’il s’en est servi, jusque-là plutôt en bon escient, Joseph Kabila en est sorti renforcé. Alors qu’à la suite d’un drame national et familial, il hérite de la République dans une pochette-surprise, le jeune président va partir à la quête de la légitimité. Par le dialogue. Il en sortira une hydre à 5 têtes avec un président et quatre vice-présidents pour mener le pays vers des élections. Au passage, il venait de mettre un terme à deux des plus importantes rébellions (MLC et RCD)… par le dialogue. Au bout, il va passer de statut de l’héritier, de fils de, à celui d’un président élu démocratiquement. Et c’est encore par le dialogue qu’il bâtira une majorité présidentielle en tandem avec Antoine Gizenga de la funeste rébellion de 1964 outrageusement sanguinaire à Kisangani.
Par la suite, mal réélu et malmené par des rébellions à l’Est et par la corruption endémique de la classe politique et du commandement militaire, Joseph Kabila va user du dialogue à tout va avec les rébellions et l’opposition ainsi que la diaspora fortement hostile à son égard. Les concertations nationales annoncées comme une sorte de dialogue national inclusif seront réduites tout juste au recyclage de quelques opposants fatigués d’attendre l’avènement de plus en plus improbable d’Etienne Tshisekedi et de Jean-Pierre Bemba. La magie du dialogue opère de moins en moins. Accro, le chef de l’État congolais va même accéder à la demande de l’UDPS pour un nouveau dialogue. Mal lui en prit d’y répondre favorablement, car ce dialogue est en cours sans l’UDPS. Ce parti, qui n’est pas à sa première contradiction, réussit au moins à tourner Kabila en bourrique mais aussi à plonger ses soutiens dans une énième perplexité.
Mais tant va la cruche à l’eau qu’elle finit par se briser. À trop user du dialogue, Kabila a fini par en abuser, à le vider de ses vertus. Il en reste, cependant, un qu’il doit impérativement engager, sans complaisance. Celui avec lui-même, avec sa conscience en interrogeant son parcours, son histoire, ses débuts marqués par le souci de probité. Ce moment d’introspection nécessaire devrait l’amener à s’interroger aussi sur la lucidité et l’honnêteté de ses stratèges, sur la propension de l’ANR à coffrer et à intimider à tout va, sur le raidissement d’un régime qui se fabrique trop facilement des terroristes. Au sortir de cet exercice devenu vital, Joseph Kabila comprendrait que pour lui-même et pour la RDC, une belle vie sans glissement est possible. De même, il peut encore aspirer à ne pas être traqué après sa présidence.|Botowamungu Kalome (AEM)