Meridjo : « Mon retour dans Zaïko ? La balle est dans le camp de Jossart »

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Pour le 38ème anniversaire de Zaïko Langa Langa qui sera célébré le vendredi 28 décembre 2007 au Millénaire à Savigny-Le-Temple (France), Meridjo sera à la batterie tout comme Oncle Bapius à la basse et Roxy Tshimpaka à la guitare solo. Des illustres anciens qui ne font plus partie de l’orchestre par la volonté de Nyoka Longo concernant les deux premiers. À l’occasion de ces retrouvailles aux allures de réconciliation, je me suis entretenu avec Meridjo. Le verbe est parcimonieux, les réponses courtes, le ton contenu et contrôlé comme pour éviter d’en dire trop. Belobi Meridjo le batteur initiateur du rythme cavacha ne se livre pas. Il répond presque machinalement à mes questions. Je sens une colère rentrée, manifestement trop d’amertume accumulée, une blessure jamais refermée. Meridjo n’a manifestement pas toujours digéré qu’un jour Jossart Nyoka Longo ait décidé de le débarquer de leur orchestre : « Zaïko c’est toute ma vie, je l’ai intégré à 18 ans… », la même phrase déjà entendue dans la bouche d’un certain… Jossart Nyoka Longo.

AFRIQU’ÉCHOS MAGAZINE (AEM) : Pour beaucoup de mélomanes c’est une surprise de vous voir évoluer avec Zaïko

BELOBI MERIDJO (B.M) : Une surprise pourquoi ? Je n’ai pas quitté Zaïko de mon gré et je n’ai aucun problème avec Jossart, ni de rancune envers lui. Il a souhaité que je participe à ce concert du 38ème anniversaire, je réponds présent. Moi, depuis notre séparation, je suis resté disponible.

AEM : Depuis l’annonce de votre participation à ce concert, les mélomanes se mettent à rêver de votre retour dans le groupe

B.M : Je répète, c’est Jossart qui détient les clés. Allez donc lui poser la question. Moi je n’ai aucun problème avec lui.

AEM : Bapius avait pourtant réintégré l’orchestre et tous les deux participiez à la préparation de l’album RencontreS, et puis on n’a plus eu de vos nouvelles, et finalement l’album s’est réalisé sans vous

B.M : C’est à Jossart d’en donner les raisons. La rumeur m’a attribué des responsabilités dans un conflit qui l’a opposé à Bapius, et il a malheureusement accordé du crédit à cette calomnie.

AEM : De quoi s’était-il agi ?

B.M : Bapius a réintégré l’orchestre depuis Kinshasa. Jossart l’a fait venir en Europe ainsi que Lola Mwana et un technicien. À l’expiration de leurs visas, ils devaient retourner à Kinshasa pour les renouveler. Lola et le technicien sont rentrés mais pas Bapius pour des raisons que j’ignorais. Les contrats signés par l’orchestre furent menacés sans compter que Jossart avait été fortement marqué par son incarcération en Belgique pour des soupçons de trafic de visas. Et comme des gens mal intentionnés m’ont accusé d’avoir été de mèche avec Bapius, cette collaboration a été arrêtée et pas de mon fait.

AEM : Du coup l’album s’est fait sans vous, comment le jugez-vous ainsi que ceux qui l’ont précédé ?

B.M : Des chanteurs et des musiciens ont travaillé, c’est un travail qui mérite respect, je n’ai donc pas de commentaire à faire.

AEM : Les avez-vous trouvés à la hauteur du passé de Zaïko ?

B.M : Ils ont chanté, joué, les gens ont acheté ces albums, les écoutent, vont dans les concerts du groupe, dansent…

AEM : Ont-ils innové ou perpétué le style Zaïko ?

B.M : Je vous laisse le soin d’apprécier

« C’est Seskain Molenga qui a créé la base rythmique de la batterie de la rumba congolaise (…) J’apprécie beaucoup le drummer Titina »

 

AEM : L’histoire de la création du rythme cavacha qui aurait été inspiré des bruits d’un train relève presque de la légende ?

B.M : (La voix s’emballe, Meridjo est du coup volubile) : C’était incroyable, magique. C’était le premier voyage de l’orchestre à l’étranger. C’était, il me semble, en 1971. Nous étions en tournée au Congo-Brazzaville et dans le train qui nous amenait à Pointe Noire, les musiciens étaient déchaînés, ils chantaient et dansaient au rythme des bruits du train. Du coup, ils sont venus me demander si je ne pouvais pas reproduire ce rythme sur une batterie. La demande était incongrue, j’étais dubitatif.

De retour à Kinshasa, je me suis mis au travail. Au début c’était laborieux, mais au fil des jours je m’en rapprochais et j’ai fini par créer un rythme fortement inspiré par les bruits de ce train. Bapius en tant que bassiste ainsi que Manuaku Waku en tant que guitariste soliste se sont ensuite mis à travailler sur ce rythme que je venais de créer, tandis que Matima en sa qualité de directeur artistique s’occupa de trouver le bon tempo en harmonisant l’ensemble. Cela a donné le rythme cavacha aussitôt reproduit dans les chansons Eluzam, Mbeya Mbeya, Liwa ya somo, etc. Et vous connaissez la suite, aujourd’hui toute l’Afrique a adopté cette base rythmique, même aux Antilles.

AEM : Vous êtes donc un précurseur, mais avez-vous eu vous-même un maître, un modèle ?

B.M : Mais pas seulement moi ! Avant le rythme cavacha, Seskain Molenga, à travers le style Soum-djoum de l’Afrisa, a créé la base du rythme de la batterie pour la rumba congolaise. C’est lui qui a posé les bases utilisées jusqu’à aujourd’hui.

AEM : Personne n’a véritablement innové après vous ?

B.M : Je ne sais pas… Ilo Pablo ne s’était pas contenté de reproduire ce que j’avais créé, le jeune Titina n’est pas mal non plus.

AEM : Quand vous allez monter sur scène au Millénaire, à quoi allez-vous penser ?

B.M : Forcément au groupe des années 70 avec Evoloko, Mavuela, Wemba, même Gina qui est venu nous rejoindre… Tous des gars artistiquement très forts et humainement irréprochables. Le groupe était très fort, mes souvenirs les plus forts de Zaïko sont de cette époque. Quand nous allions jouer à l’Athénée notamment. On partageait la scène avec des groupes comme Thu Zaïna et Tabou National. Ils étaient très bons, mais l’ambiance c’est nous qui la créions, nous étions « imbattables » sur ce terrain.

AEM : Jossart, lui, soutient cependant que le groupe des années 80 était plus homogène et aussi très fort. Il regrette d’ailleurs qu’il n’ait pas pu se produire au Zénith comme c’était prévu suite à la scission qui avait donné naissance à Familia Dei…

B.M : Ah bon, c’est cette scission qui a empêché le passage au Zénith ?

AEM : Vous n’avez pas l’air de le croire…

B.M : Quand nous sommes revenus du Japon, nous avons joué pendant trois jours d’affilée à guichets fermés à La Mutualité à Paris. Si on avait eu un bon management, on aurait enchaîné avec le Zénith. Et c’est Jossart qui s’occupait du management.

AEM : Pour finir, quelle est votre actualité ?

B.M : Je suis là en attente de projets, ouvert à toutes les propositions même si beaucoup semblent m’oublier déjà et que même vous, vous avez attendu ce concert pour prendre de mes nouvelles. Je vous suis tout de même reconnaissant.

AEM : Détrompez-vous, il existe depuis plusieurs années un projet d’un important document journalistique avec certains musiciens pour commencer à constituer la mémoire de notre musique. Vous serez concerné.

B.M : ça me ferait très plaisir, revoyons-nous le 28 décembre au Millénaire.

AEM : Rendez-vous pris.

|Interview réalisée par Botowamungu Kalome (AEM)