Papa Noël : « Nous avons enregistré 104 chansons en novembre 1962, à Bruxelles, avec Les Bantous de la Capitale »

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Virtuose de la guitare, l’un des meilleurs de la musique congolaise, Antoine Nedule Monswet dit Papa Noël a affuté ses armes dans des orchestres mythiques tels que Rock’A Mambo, Bantous de la Capitale, African Jazz, Ok Jazz. Depuis les années 50, l’artiste s’est doté d’un savoir-faire exceptionnel qui fait de lui une sommité respectée des artistes musiciens mais quelque peu méconnue par le grand public. Notre rédaction s’est penchée sur son riche parcours.

AFRIQU’ÉCHOS MAGAZINE (AEM): Papa Noël, surprenant comme nom…

PAPA NOËL NEDULE (PNN): Je m’appelle Antoine Nedule Monswet dit Papa Noël. Je suis né le 29 Décembre 1940 à Léopoldville (Kinshasa). « Papa Noël » ? Je suis né quatre jours seulement après la fête de Noël et mes parents ont préféré me donner ce surnom.

AEM: À quand vos débuts dans la musique ?

PNN: Le goût de la musique m’est venu de ma mère qui était une grande fan de la musique afro-cubaine. J’ai appris le solfège et j’étais chantre à l’église catholique. Mon apprentissage a commencé en catimini car je profitais de l’absence de Daniel Lubelo, alias De la Lune, guitariste qui vivait près de chez nous pour m’exercer avec sa guitare. Le jour où il m’avait surpris, il m’avait fortement tancé au point où ma mère s’est résolue de m’offrir ma première guitare. C’est comme ça que j’ai commencé mon apprentissage en autodidacte.

AEM: Et puis vint cette rencontre avec Bukasa Léon, une sorte d’adoubement ?

PNN: À 16 ans, je maitrisais déjà les rudiments de la guitare et à l’époque on me surnommait Petit Django. Léon Bukasa m’a découvert en train de jouer et m’a proposé de participer à l’enregistrement de sa chanson « Clara Badimuene » chez Ngoma. Ce fut le début de ma carrière. Du coup, j’ai intégré son orchestre et nous avions effectué une tournée à travers le Congo belge qui avait duré près d’une année. À l’époque Léon Bukasa formait un trio avec Albino Kalombo et Joseph Mwena.

AEM: Puis, vous avez eu des envies d’ailleurs ?

PNN: En 1959, peu après le retour du Rock-A-Mambo de Jean-Serge Essous et Saturnin Pandi de Brazzaville pour créer le 15 Août 1959, l’orchestre Bantous, j’ai intégré le Rock’A Mambo, sous la houlette de Nino Malapet, grand saxophoniste et grand arrangeur, en remplacement de Tino Baroza resté au Cameroun. J’ai fait partie de l’équipe des musiciens de Rock-A-Mambo qui avait effectué la tournée du Gabon avec Lando « Rossignol » et Paupaul au chant, Eugène Ngoyi « Gogène » et Jacques Mambau « Jacky » et moi aux guitares solo et rythmique ; Honoré Liengo « Liegon » à la basse ; Bruno Houla aux percussions et Antoine Depadou aux maracas. Nous  avions enregistré des titres comme Bakoule Bidama  (Liengo),  Nabanzi yo,  Damoni Charlotte  (Papa Noël ), Abra la puerta (Essous),  Oyé Jacky  (Jacky), Iyele ,  Comité Rock’A Mambo , Annie Michou ,  Yamare, Bidama ya Rock’A (Nino) et tant d’autres. En 1961, j’ai quitté le Rock’A Mambo.

AEM: Vous vous retrouvez ensuite à Maquina Loca de Guy Léon Fylla …

PNN: J’ai rejoint Guy Léon Fylla au Gabon où j’ai trouvé, à part lui-même, d’autres musiciens tels que Théophile Guinadiau, Basile Mikanou Bernard Tchebo, Paulin Dengo, Henri et Louison Loso. Avec Maquina Loca nous avions enregistré les chansons comme  Esperencia,  Mwana Gabon, Bemba , Bilenge Maquina , et Souvenir ya chérie . J’ai quitté ce groupe quelques mois après l’indépendance du Gabon.

AEM: Vous voilà dans les Bantous …

PNN: À mon retour du Gabon via Brazzaville, j’ai été contacté par Essous Jean-Serge avec qui j’avais déjà travaillé dans le Rock’A Mambo en Janvier 1961, pour faire partie de l’orchestre Bantous suite au manque de performance des guitaristes Diky Baroza (soliste) et Jacques Dignos (accompagnateur). J’ai intégré les Bantous avec mon ami Jacques Mambaou qui jouait l’accompagnement. En Novembre 1962, nous avions effectué un voyage en Europe, notamment à Bruxelles et à Paris. Et nous avions profité e ce déplacement pour enregistrer pour le compte de Cefa-Fonior Bruxelles 52 disques soit 104 chansons avec des titres comme : Naleli Bébé, Bang’o mboka (Papa Noël ), Rosalie na Nino, Oïga mambo, Fuego de passion (Nino), Camarade mabe , Tokumisa Congo,  Aiglon Cara  (Essous), Albert akeyi, Gary mobali ya tembe (Kouka), Nakobanza chérie, Woso (Bukasa Jojo), etc. J’y reviendrai aussi surnom Johnny Noël en référence de Johnny Halliday. J’ai évolué avec les Bantous de 1961 à 1963.

AEM: Ce fut la page l’African Jazz …

PNN: En août 1963, j’ai quitté les Bantous avec mon complice de tous les temps Jacky Mambau pour effectivement rejoindre l’orchestre Africain Jazz de Grand Kallé qui venait d’intégrer l’orchestre Vox Africa de Jeannot Bombenga après le départ de Tabu Ley, Dr Nico et Roger Izeidi. On y retrouvait entre autres des musiciens de talent comme Mathieu Kouka, Kambite «Damoiseau », Jean-Léonard Sita, Casimir Mutshipule « Casino », Pierre Kiyika « Flamy » Alexis Mientuka, entre autres et ces musiciens formaient l’ossature de l’African Jazz avec moi à la guitariste solo.

AEM: Vous êtes passé également par le Cobantou de Dewayon ?

PNN: C’était en 1965, Cobantou était constitué des anciens musiciens des Bantous de la Capitale : Papa Noël, Jacky Mambau, Jojo Bukasa et ceux du groupe Conga Jazz de Paul Ebengo « Dewayon » : Raymond Braink Kalonji, Adrien Rigo, Henri Bowolo, Adolphe Mwamba, Emano Mbala, Mode Mekanisi, Pierre Kiyika « Flamy », Baudouin Mavula et Gérard Konzi. Dans ce groupe j’avais composé  Kazaka ya coton, l’œuvre qui a démontré mes talents d’auteur-compositeur et qui fut un grand succès.

AEM: Deux ans plus tard, vous rejoignez Vox Africa…

PNN: Après l’échec de remonter l’African Jazz, j’ai intégré l’orchestre Vox Africa Jeannot Bombenga qui renaissait de ses cendres. J’ai retrouvé les mêmes musiciens qui avaient évolué avec Kallé dans l’African Jazz, notamment Casimir Mutsipule « Casino », Nzenze « Jean trompette », Jean de la Croix Tshibambe, Sam Samule, Daniel Dallas, Antoine Kaya « Depuissant », Ignace Makirimbia ainsi que Ntesa Dalienst et Sam Mangwana. Avec eux, je n’ai passé que quelques mois pour aller enfin fonder l’orchestre Bamboula.

AEM: Qu’en a-t-il été justement de Bamboula ?

PNN: L’orchestre Bamboula a été fondé en 1967 ; beaucoup d’artistes y ont fait leurs premiers pas à l’instar de Madilu, Bozi Boziana, Pépé Kallé, Blaise Pascal Wuta Mayi aux côtés des anciens comme : René Mosengo « Moreno », Pierre Kiyika « Flamy », Aimé Kiawakana, Antoinette Etisomba, Decca, Sam Samule, Jean de la Croix Tshibambe, Jojo Bukasa, Movando etc. Face à une rude concurrence, Bamboula est choisi pour représenter le Congo Kinshasa au Festival Panafricain d’Alger du 21 Juillet au 1° Août 1969. Nous avions été retenus comme meilleur orchestre à la suite d’une compétition organisée par le Ministère de la culture et des arts. Après Alger, et de retour à Kinshasa, l’Orchestre Bamboula va peu à peu connaître le déclin et bon nombre de musiciens vont intégrer d’autres groupes. Pour moi, c’était un passage à vide jusqu’à la réalisation de l’Anthologie de la musique congolaise.

AEM: Cela s’est passé comment ?

PNN: J’ai été contacté en 1974 par la Présidence de la République pour réaliser une anthologie de la musique zaïroise avec les pionniers des années 50 notamment, Antoine Wendo Kolosoy, Camille Feruzi, Manuel D’Oliveira, Lucie Eyenga, Léon Bukasa et Adou Elena. Nous avions réalisé deux albums dans lesquels ont été repris leurs chef-d’œuvres des années 1950 à 1958. Cette réalisation a permis la préservation et la promotion de notre musique car tous ces artistes étaient presque dans l’oubli total.

AEM: Et l’Ok Jazz?

PNN: Avant l’OK Jazz avec mon ami le guitariste Grégoire Dumba « El-Bebedor », nous produisions nos morceaux et nous prestions dans son bar El Bebedor à Lemba. On interprétait tous les genres de musique populaire : la rumba, la salsa, l’afro-beat… Luambo Makiadi Franco était émerveillé par la qualité de nos œuvres qui passaient à la Télévision congolaise. Cela a été à la base de mon intégration dans l’OK Jazz en 1978.

AEM: Dans quelle circonstance avez-vous sorti l’album Bon Samaritain?

PNN: J’avais bénéficié du concours d’Essous Jean-Serge qui était le directeur artistique de l’I.A.D. (Industrie Africaine du Disque), avec qui j’ai joué dans Rock’A Mambo et dans les Bantous. L’album a connu la participation de l’excellent chanteur Carlyto Lassa – qui fut ma trouvaille– et la collaboration de Freddy Kebano. Le succès récolté a fait que l’album  Bon Samaritain  a obtenu la palme de la meilleure chanson de l’année. Et ledit succès a été pour beaucoup de mon départ l’OK Jazz. C’est ce qui m’avait poussé à émigrer en Europe en 1989.

AEM: Parlez de nous de votre participation dans l’album Galo negro de Sam Mangwana ?

PNN: Une fois en Europe, j’ai sorti en 1994 l’album Haute tension qui était suivi de ma participation en 1998 dans l’album Galo negro de Sam avec qui je faisais des tournées. Sur la même lancée j’ai sorti les albums  Bel Ami (2000), Mosala makasi, avec Adan Pedroso (2001), Bana Congo en 2002 avec Papi Oviedo, l’album Café Noir  en 2007.

AEM: Y a-t-il eu d’autres collaborations ?

PNN: De temps en temps j’accompagne le groupe Kekele et je participe à des nombreuses manifestations dans les domaines de la rumba et de la salsa. Tout récemment ; j’étais en tournée au mois de mars avec l’accordéoniste française Viviane A dans le cadre de la Francophonie.|Propos recueillis par Herman Bangi Bayo (AEM)

 

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