RDC : la présidence a la langue qui pendouille, comme Kodjo

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Sous la signature de son directeur de cabinet, Joseph Kabila a déclaré le 22 septembre dernier : « Seul un Congo en paix peut garantir la stabilité de la Région, voire du continent tout entier ». Quand on sait que, depuis l’avènement de son père Laurent-Désiré en 1997, ce pays n’a jamais vaincu militairement la moindre rébellion ou même une de ces milices prospères dans le nord-est, que même le soutien de la mission militaire la plus importante de l’histoire des Nations-Unies s’avère aussi impuissant, autant inviter tout de suite tous les Africains à un suicide collectif.

Ce qui rajoute un relief cocasse à cette déclaration est qu’elle est intervenue après une manifestation de l’opposition, les 19 et 20 septembre derniers, au cours de laquelle des jeunes aux mains nues ont arraché des armes et des véhicules aux policiers. Difficile, en effet, de croire que les terroristes de Boko Haram, les Shebabs, les rebelles maliens, les islamistes algériens ou libyens trembleraient à l’idée d’en découdre avec Joseph Kabila et l’armée congolaise. À une infime échelle, la poignée des rebelles ADF et Interhamwe invincibles dans le nord-est de la RDC illustrent, justement, le défi sécuritaire de l’Afrique.

Les Congolais qui reprochent à leur chef de l’État d’être silencieux sont prévenus : ils auront désormais le choix entre la rhétorique fanfaronne du ministre Lambert Mende et la vacuité du discours de Néhémie Mwilanya Wilondja, directeur de cabinet du président de la République. Sous la plume de celui-ci, Joseph Kabila a même présenté ses « vives » condoléances aux familles endeuillées, des fois que de mauvaises langues auraient trouvé ses condoléances amorphes, molles. L’adjectif qualificatif « vif » qui traduit la chaleur, l’enthousiasme ou la ferveur se rapporte généralement aux remerciements et jamais aux condoléances. Les condoléances expriment l’empathie et sont habituellement « sincères » ou « attristées ». Son directeur de cabinet laisse, en effet, entendre que Kabila a adressé aux familles éprouvées ses « chaleureuses condoléances », des « condoléances enthousiastes».

Le Dircab est coutumier du fait

Manifestement, le directeur de cabinet (dircab) de Joseph Kabila a un maniement singulier de la langue française. Dans la rédaction de ce qu’on avait pompeusement qualifié d’accord secret signé à Paris entre la majorité présidentielle et l’Udps, il s’est prévalu du surprenant titre de « Chef de la délégation du Pouvoir ». Dans un document juridique ou dans un accord politique, les institutions ou organisations signataires sont clairement identifiées et leurs représentants par leurs fonctions ou par leurs mandats. Pouvoir et opposition ne sont ni des institutions ni  des structures, mais des termes génériques. Le document désigne d’ailleurs les deux parties comme « Majorité présidentielle » et « Udps ». Néhémie Mwilanya Wilondja aurait donc pu signer comme chef de la délégation de la majorité présidentielle qui est un ensemble des structures (partis) politiques. Cet usage inadéquat du terme « pouvoir » surligne, en effet, la confusion des rôles, des fonctions et des moyens qu’entretient la présidence de la République.

Quand Edem Kodjo s’y met, lui aussi

Pour se venger d’Étienne Tshisekedi et de l’Udps opposés au « dialogue » confié à ses soins, le facilitateur togolais avait cru bon de reprendre à son compte la rumeur d’un accord secret signé entre la majorité présidentielle et l’Udps. Accusation balancée le plus officiellement du monde dans son discours inaugural du « dialogue ». Sauf que, quand le fameux document est publié, l’on se rend compte qu’il s’agissait d’un simple « protocole d’accord sur la feuille de route en vue de la mise en œuvre du dialogue » : juste une litanie d’intentions qui n’engageait personne à rien. Edem Kodjo et certains membres de la majorité présidentielle ainsi que les cadres de l’UNC de Vital Kamerhe ont donc délibérément menti au sujet de cet accord qui n’en a jamais été un.

Ajouter une crise langagière à une crise politique déjà protéiforme relève d’un processus délibéré d’abrutissement national.|Botowamungu Kalome (AEM)