Tabu Ley recherché en France… pour toucher ses droits

Cela s’appellerait être riche à son insu. L’Adami, une société de défense des droits des musiciens, recherche éperdument le chanteur congolais Tabu Ley Rochereau afin de lui verser ses droits qu’elle a collectés depuis plusieurs années. Cette société attend donc que l’artiste se manifeste avant le 8 septembre afin que cette somme d’argent lui soit versée avant la fin du mois de septembre. Sinon, ce versement serait différé de trois mois.

Contrairement à la Sacem (France) et à la Sabam (Belgique) qui protègent les droits d’auteurs, des compositeurs et des arrangeurs, l’Adami (Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes) gère ce qu’on appelle les droits voisins des musiciens interprètes. Il suffit simplement que le producteur déclare l’œuvre, que le CD ou le DVD soit muni d’un code barre, pour que cette société perçoive des taxes qu’elle reverse tous les trimestres aux interprètes des œuvres musicales déclarées. Pour leur part, les producteurs sont rémunérés sur les albums vendus à condition d’avoir versé une contribution à des sociétés (SCPP et SPPF) qui s’occupent de percevoir les royalties et de défendre leurs droits. Les royalties versées aux musiciens par l’Adami proviennent également des taxes qui sont perçues sur tous les supports susceptibles de servir aux copies des CD, cassettes vidéo, DVD et même des clés USB.

Autre particularité de l’Adami, on peut adhérer (moins de 50 euros) ou être juste associé mais cela ne constitue pas une condition sine qua non pour percevoir ses droits. C’est le cas de Tabu Ley dont l’Adami n’a pas les coordonnées d’où la demande adressée à Afriqu’Echos pour retrouver ses traces. C’est sans doute l’article sur la non-affiliation de feu Madilu System à la Sacem qui a valu à votre magazine en ligne cette sollicitation. Cette situation illustre parfaitement la légèreté avec laquelle nos artistes gèrent leur carrière, se contentant trop souvent des cachets versés main à main par des producteurs sans penser à protéger leurs droits en tant qu’auteurs, compositeurs ou interprètes.

Il n’est pas trop tard pour les autres musiciens

Cette manne tombée du ciel pour Tabu Ley serait le fruit des rééditions de ses chansons par Sonodisc qui avait un catalogue impressionnant, le plus important sans doute de la musique congolaise depuis les années 50. Cette maison faisait sans doute les choses dans les normes. L’Adami est, cependant prête, à verser des droits à d’autres musiciens dont les producteurs n’auraient pas accompli les formalités exigées. Il leur suffirait de présenter le produit original (album, cassette vidéo ou DVD avec code barre bien sûr) ainsi que son contrat d’artiste signé avec le producteur. Ses royalties peuvent concerner des chansons sorties jusqu’il y a dix ans. Une dernière condition, il faudra qu’au moins 1.000 exemplaires de ce produit aient été vendus.

Au-delà de ces droits, l’Adami propose également aux musiciens adhérents de l’aide juridique, peut leur apporter une aide financière pour l’enregistrement d’un album ou négocier pour qu’ils passent en première partie de concerts des artistes célèbres.

Nana Lukezo : « Tous les musiciens congolais devraient s’inscrire à une société d’auteurs »

« Elle a tout d’une grande ! » disait la publicité d’une petite voiture française. La chanteuse congolaise Nana Lukezo dont la carrière est relativement jeune a la graine d’une grande professionnelle. Installée en Belgique, elle est affiliée à la Sabam depuis 2001 et s’avoue très satisfaite : « Je suis inscrite en tant qu’auteure, compositrice et interprète. De fait mes œuvres sont protégées, leur duplication ou interprétation à un concert sont soumises à des taxes dont un pourcentage m’est reversé tous les trimestres. Le seul handicap c’est l’absence de diffusion de nos chansons sur les radios belges, ce qui nous prive d’autres droits. J’essaye de sensibiliser des collègues musiciens congolais pour entreprendre une action auprès de la Sabam et des radios afin qu’on trouve une solution à ce problème. Si tous les artistes congolais s’affilaient à des sociétés de droits d’auteurs, leur situation s’en ressentirait et nous constituerions un lobby intéressant ».

Afriqu’Echos Magazine n’expose-t-il pas Tabu Ley à une pluie de demandes de sous ?

En annonçant que Tabu Ley va toucher de l’argent de la société Adami, notre magazine va sans doute mettre cette vedette dans une situation embarrassante au sens où la famille et des proches pourraient être tentés de lui adresser des demandes d’aide financière, sans compter que des escrocs ou des créanciers opportunistes ou imaginaires pourraient se manifester auprès de l’Adami pour tenter de se servir à la source.

Effectivement, la décision de publier cette information avec le nom de l’intéressé nous a paru moralement gênante pour ne pas dire plus. Mais au regard de nos responsabilités en tant que média et considérant la position emblématique de Tabu Ley dans la musique africaine, évoquer nommément son cas nous a paru comme un moyen pédagogique d’inciter les musiciens africains à travailler d’une manière professionnelle afin qu’ils puissent vivre décemment de leur travail plutôt que de se contenter des dédicaces (mabanga) comme le complément idéal de leurs cachets. Quant à leurs producteurs, ils dépenseraient à peine quelques euro supplémentaires pour un retour sur investissement qui en vaut largement la peine. Après tout, dévoiler le nom de Tabu Ley, c’est comme annoncer qu’il va livrer un concert ou sortir un album ! Car tout le monde présume alors qu’il va gagner de l’argent.

Enfin, l’Adami nous a fait savoir qu’elle ne traitera pas le dossier par téléphone parce que rien ne prouvera que c’est Tabu Ley qui est au bout du fil. À défaut de se rendre à Paris, ce dernier devra sans doute passer par l’ambassade de France à Kinshasa. Sinon Afriqu’Echos Magazine tient à sa disposition les coordonnées de la personne qui s’occupe du dossier.|La rédaction, Afriqu’Echos Magazine(AEM)