« Une envie de Kinshasa » de Nzau Lembe : une cuisine fine au goût… décroissant

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Prédestiné à des études universitaires et conséquemment à travailler en chemise-cravate dans des bureaux climatisés l’été et chauffés l’hiver, programmé pour pianoter sur des ordinateurs par lesquels le monde globalisant est régulé à coup des flux spéculatifs, Nzau Lembe a préféré le tablier et l’alchimie des mets qui fondent au contact des papilles enchantées… Pas que, le monde fantastique de la littérature et de la musique est l’autre pendant de ce natif de Kinshasa. Plutôt produit que simplement natif d’une « ville qu’on ne raconte pas, qui se vit ». Une ville où, souligne  le recueil de nouvelles de ce Kinois, tout le monde survit : fortunés et gens paumés ; les éphémères nouveaux riches et ceux qui se lèvent sans savoir s’ils vont manger. « Une envie de Kinshasa » nous amène dans les couloirs du pouvoir, dans les rues de Kinshasa bondées de monde et d’immondices, nous narre une envie tenace d’Europe pour des jeunes sans horizon…

« Une envie de Kinshasa » ouvre avec bonheur un recueil des nouvelles et s’érige naturellement en tête de gondole. Le récit est vivant, le verbe chaloupé : « ‘Serrer’, crie le receveur au chauffeur. C’est pour dire que le véhicule peut se mettre en route. La tôle de la combi chauffe. La chaleur est infernale à l’intérieur de l’habitacle. Les 10 passagers, tassés comme dans une boîte, transpirent en silence ». Dans la rue, ce n’est guère mieux à travers la baie vitrée : « une dame avec son panier de pain sur la tête, les cireurs de chaussures qui frappent la brosse contre la caisse de bois pour appeler les clients, les vendeuses d’objets de seconde main, l’oeil aux aguets, épient le moindre geste suspect de tout le monde… Le tout baigné dans un brouhaha indescriptible de klaxons de voiture, des gens qui se parlent à tue-tête. Les musiques de différents magasins, les grincements des pneus, les sifflets des agents de la circulation ».  En descendant du taxi bus, le personnage principal de la nouvelle doit se pincer le nez : « une odeur fétide envahit mes narines. Les immondices accumulées depuis des lustres, les caniveaux bouchés composent avec le soleil un cocktail d’odeur oppressante ». 

Ce texte lance le recueil d’une manière poignante avec le tableau d’une ville qui dépérit, où l’espoir est à l’agonie. Juste après « La villa des Lunguila » brise les tabous et évoque sans filtre la violence faite aux femmes, ces pères engraissés par la corruption qui offrent à leurs enfants l’aisance matérielle mais pas la moindre affection. Cependant, au fil des nouvelles, l’intensité dramatique baisse, les figures de style perdent de la flamboyance, les dialogues entre certains personnages ronronnent. La lecture de ce recueil de nouvelles est également enquiquinée, ça et là, par des fautes d’orthographe oubliées.

Cet ouvrage comporte les avantages et les faiblesses d’une première œuvre : la fraîcheur mais aussi peu de place laissée à un regard extérieur, distancié à l’étape de la relecture. Sur le fond, il reste à la fin de la lecture une impression de « Requiem pour Kinshasa » et c’est peut-être là l’essentiel.|Botowamungu Kalome (AEM)