Fally, le stade des Martyrs, le naufrage

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Des mélomanes nouveaux sont nés en RDC : ils sont bruyants, impétueux et manient insolence et injure avec ardeur, portés par une passion irraisonnée pour leurs idoles. Soutenir leurs artistes ne leur suffit plus, ils veulent démolir leurs présumés concurrents, adversaires. Le concert du chanteur Fally Ipupa prévu le samedi 29 octobre expose d’une manière crue cette mentalité illustrée par des comportements et des propos plus proches de la bêtise que de la passion. Un naufrage intellectuel et moral avec l’implication manichéenne des journalistes. Les joutes verbales sont centrées sur la popularité, sur la capacité à remplir le stade des Martyrs sans un intérêt pour le contenu artistique. Ce phénomène aurait pu rester marginal si les réseaux sociaux ne leur donnaient pas une amplification qui croît chaque jour.-

L’Olympia de Paris avait été un tremplin inégalé pour de nombreux artistes : y faire une première partie (en lever de rideau dans le jargon congolais) lançait souvent une grande carrière. La programmation était faite par son propriétaire himself Bruno Coquatrix. Quand ce dernier programme Tabu Ley en 1970, ce n’est pas par goût d’exotisme : il s’était rendu auparavant à Kinshasa pour s’assurer que le spectacle prévu répondait aux standards internationaux. Tabu Ley aura ainsi été le deuxième artiste africain produit dans cette salle après la légende égyptienne Oum Khalsoum. Trois décennies plus tard, une certaine presse congolaise et certains artistes ont décrété que jouer à l’Olympia, au Zenith et à Bercy était pour un artiste le symbole de la suprématie sur ses pairs même si aujourd’hui n’importe quel producteur peut louer ces salles comme on loue une salle de fêtes.

Qu’il est loin le temps où les mélomanes s’empoignaient cordialement pour départager le style fiesta et le style rumba odemba, qu’elle est loin l’époque où les groupes rivalisaient de créativité avec un nouveau rythme qui accompagnait chaque nouvelle danse, que ça date l’époque où on se demandait si les Atalaku ne sont pas venus polluer et appauvrir la musique congolaise. Les responsables de ce dévoiement : les musiciens, les journalistes et leurs avatars « Eyindi » sur Youtube  ainsi que des mélomanes qui ne le sont plus que de nom.

La dégringolade jusqu’au naufrage

Quand la presse congolaise, par mimétisme, introduit la cérémonie des meilleurs de l’année, elle traite la musique comme une compétition alors qu’au final c’est une question de préférence, des goûts et des couleurs qui ne devraient pas se discuter. Le rôle de la presse aurait dû s’arrêter à apprécier une œuvre, une prestation sur base des critères « agréés » et non comparer, opposer. Piégés, producteurs et musiciens se sont mis à acheter (par corruption) des titres de meilleure chanson, meilleur orchestre, meilleure vedette, etc.

Face à une telle presse, les musiciens ont décrété que communiquer correspondrait dès lors à mentir, à fabuler et à se présenter comme meilleur par rapport aux autres. Des journalistes prennent fait et cause pour un musicien contre les autres. Quand Werra, Koffi ou Fally veulent parler, ils se présentent devant leurs journalistes « attitrés » qui vont leur passer les plats et les amener à déclarer qu’ils sont meilleurs que tel ou tels. Une nouvelle presse qui émerge via Youtube va prospérer sur la controverse, la polémique et les invectives : des interviews règlements de comptes vont emprisonner musiciens et fans enterrant la morale, le bon sens et le respect. Certains qui, jadis, étaient des mélomanes sont devenus des hooligans de la musique, en paroles, Fakes et photomontages.

Fally serait-il un pyromane ?

La polémique qui entoure le concert de Fally au stade des Martyrs serait née de cette déclaration du chanteur : « Je vais retourner le stade des Martyrs »; dans l’entendement de certains fans de Wenge il affirmait qu’il ferait  mieux que leur orchestre qui s’y est produit récemment. Une déclaration de guerre selon eux alors que l’artiste promettait simplement de présenter un spectacle d’enfer. Il y a peu pourtant, pour parler du concert de Wenge Musica, JB Mpiana avait déclaré qu’ils allaient redémarrer le monde, les artistes et mélomanes malaisiens, sri-lankais, français ou maliens sont restés cois. Koffi, Jossart, Bombenga et leurs fans  n’avaient pas pris la mouche non plus. Pour couronner le tout, un chanteur qui a dans son actif plus de propos polémiques que de chansons vient de programmer un contre-concert, le même jour, et reçoit le soutien de certains journalistes, écrivains, musiciens.

Bon, chacun fait ce qu’il veut de son intelligence.

Il ne nous reste plus qu’à espérer que, comme promis, Fally ne va pas se contenter de ses déhanchements lascifs, répétitifs à côté des danseuses qui croient qu’elles font baver les mâles.|Botowamungu Kalome (AEM)

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