Kin’Gongolo Kiniata : le génie, dans la musique congolaise, n’est pas toujours où l’on pense

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C e samedi 31 mai 2025, il est 21 heures, sur la scène du festival des Printemps des Nefs à Nantes en France, cinq instruments surprenants intriguent par leurs formes faites des assemblages des matériaux récupérés forcément dans des déchetteries. Pour l’esthétique, il faudrait repasser. Sur l’un des instruments composés de bidons en plastique, est fixé un drapelet de la République Démocratique du Congo, l’air souffreteux, qui flotte comme un corps que l’âme est en train de quitter.

La pénombre environnante, le côté bric à broc des instruments, tout renvoie au bulletin de santé de la RDC ce pays avec une vingtaine de généraux détenus pour des raisons et suite à des procédures opaques avec certains qui y ont laissé leur vie, avec un ancien chef de l’État visité par le Saint-Esprit qui lui rappelle qu’il a reçu le pays en héritage et qu’il devait entamer son assomption dans la partie du pays où le soleil se lève, avec le concours entre ministres de savoir qui va voler de la manière la plus cynique… Après cette évasion mentale, on n’a qu’une hâte : que le concert commence pour exorciser ou occulter tant soit peu ce tableau sombre. Inza Fanny un ami ivoirien régisseur m’a prévenu : « Kalome, je viens de finir la balance (sound check) de Kin’Gongolo Kiniata un groupe de chez toi, je t’assure (que) c’est du lourd ! ».

Dès les premières notes égrenées par les musiciens de ce groupe, les majestueux nefs de Nantes sont emplis d’un son unique, original, puissant et saisissant. Le public semble avoir pris une décharge électrique et se met instamment à danser certains langoureusement, d’autres rageusement et un voisin, la cinquantaine soupçonnée, gesticule comme un pantin désarticulé. En milieu du concert, à l’invitation du groupe, deux filles à la beauté sublime et la vingtaine à peine entamée vont monter sur scène et exhiber chacune « sa » rumba faisant fi des indications du percussionniste Di Caprio et surtout elles se refusent d’imposer les hanches comme le centre de gravité. Un constant s’impose à moi : dans son versant danse, la rumba congolaise est plurielle et… illimitée.

  • Quatre des cinq musiciens du groupe | Photo © AEM

Subjugué par ce son inédit, original, le public va en savoir plus par les explications de Junior Mulenga : « Nos instruments sont uniques, vous ne les trouverez dans aucun catalogue car ils ont été fabriqués par chacun de nous avec des matériaux de récupération. La guitare ne possède qu’une corde, ma basse n’en a que deux, Di Caprio a, lui, rassemblé des bouteilles en plastique pour des produits de ménage, notre deuxième percussionniste a assemblé des bouts de verre et joue avec des tiges métalliques et le batteur qu’on appelle ‘Monsieur Poubelle’ s’est servi de l’arrière bombé des anciens téléviseurs pour fabriquer sa grosse caisse… ». Il est une chose d’être ingénieux et de fabriquer des instruments déroutants et il est une autre de les amplifier notamment pour un concert en plein air comme l’a souligné le régisseur Inza Fanny : « Ils ont un excellent ingénieur de son qui a très bien géré car c’était hyper compliqué avec leurs instruments ».

Face à un public surpris et conquis, la musique congolaise a parlé de la plus belle manière aux Nantais assénant cette vérité : le génie de la rumba congolaise n’est pas forcément chez les artistes populeux et adulés. À noter que Kin’Gongolo Kiniata est en tournée européenne avec 25 dates dans 9 pays.|Botowamungu Kalome (AEM)