Le guitariste Avedila Petit Poisson | @ Photo d'archives S i je prenais le risque de sortir du lot un seul artiste parmi ceux qui ont chanté ou joué dans l’album « Empreinte » de Zaïko Langa Langa, le choix serait cornélien entre le violoniste Leta, Jimmy Yaba et Avedila Petit Poisson. Cependant côté chansons, sans aucune hésitation, je trouve les deux versions de « Jusqu’où » de loin les meilleures de l’album, or ces deux titres portent une forte empreinte de Petit Poisson. Et pourtant…
Et pourtant, autant le constat est implacable, autant le paradoxe est saisissant : il y a trois ans en effet, beaucoup de fans historiques de Zaïko avaient été gagnés par des velléités d’un jeunisme à tout crin, mais depuis le chanteur Adamo Ekula ainsi que les guitaristes Jimmy Yaba et Avedila Petit Poisson se sont révélés des éléments essentiels de Zaïko. La reconnaissance de la presse et des mélomanes n’a cependant jamais suivi, même si ceux qui réclamaient à Nyoka Longo une cure de rajeunissement radicale du groupe se sont depuis calmés.
Ce problème singulier se double, hélas !, chez Petit Poisson d’un manque de reconnaissance à l’intérieur du groupe. Et dans une interview (1) qu’il m’a accordée il y a quelque mois, il y a dévoilé une colère rentrée qui ne demandait apparemment qu’à sortir : « Je n’ai jamais fait des arrangements dans Zaïko. On ne me l’a jamais demandé. On m’a réduit essentiellement au rôle d’interprète. Vous savez dans Zaïko, on m’a souvent reproché un style qui endort les gens… J’ai toujours été un incompris ». Mais, revanchard et donc pas résigné, il m’a lancé : « J’invite les mélomanes à écouter, dans l’album ‘Empreinte’ à venir, la chanson ‘Jusqu’où’. Après qu’ils disent si je suis si nul que ça ! ».
Le ton juste et le bon son !
L’inspiration de Jossart NYoka Longo et sa volonté d’explorer de nouvelles sonorités dans cet album ressemblaient à une gageure : introduire le violon dans la musique de Zaïko sans faire de la ‘world music’ ou encore faire du Zaïko en incluant le saxophone. On pouvait légitimement craindre une superposition malhabile de ces instruments jusque là jamais utilisés par son orchestre.
Qui donc pensez-vous que Nyoka Longo a commis pour trouver l’harmonie ? La vieille garde ou si vous voulez ses généraux les plus expérimentés et particulièrement la paire Jimmy Yaba – Avedila Petit Poisson. Et que croyez-vous que cela donna ? Dans la version acoustique de « Jusqu’où » , une ballade harmonieuse de deux guitares acoustiques en accompagnement d’un violon aux inflexions lyriques étonnamment en phase avec la rumba congolaise authentique.
Dans la deuxième version, Petit Poisson est terriblement insolent dans la réponse qu’il donne à ceux qui n’ont jamais cru en son talent, qui l’ont snobé et conclu trop facilement et trop vite que son art était en décalage avec le style de Zaïko ! Le guitariste aux cheveux grisonnants survole la chanson et, comble de bonheur, il ne fait pas de l’ombre au quasi-ancêtre, le saxophoniste Yuma Michel Sax qui, pour sa part, réconcilie les générations de mélomanes congolais avec son saxo.
Même Jossart N.L. y est allé, lui aussi, de son compliment à la suite d’une des envolées de Petit Poisson avec une dédicace qui avait tout l’air d’un hommage. Une reconnaissance tardive de sa part ? Possible, mais il aura été celui qui aura permis à Avedila Petit Poisson de nous fixer TOUS, ENFIN !, sur son talent, bien dans son style correspondant à sa personnalité empreinte de douceur et de romantisme. Et personnellement, je me repasse en boucle les deux versions sans me lasser. À l’époque de 45 tours, ces deux chansons seraient consacrées des tubes dès les premières semaines en sachant que je distingue nettement un tube d’une chanson populaire.| Botowamungu Kalome (AEM)










