Congo : Y a-t-il des amis de Sassou dans la salle ?

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S’il y a des amis de Denis Sassou Nguesso dans la salle, qu’ils lèvent la main ! Tant mieux, vous êtes nombreux et en plus vous venez d’horizons divers : chef de l’État d’un pays voisin, francs-maçons, anciens opposants devenus alliés inconditionnels, ministres et députés anciens et actuels biberonnés aux pétrodollars… Seriez-vous gentils de signifier au président congolais que nul ne peut s’arroger le droit d’appuyer sur le bouton « pause » de la vie politique d’un pays ? Quand un régime arrive en fin de mandat et ne décide que trois mois avant leur tenue du report des élections, les conditions de la transition ne devraient pas découler des caprices de ce pouvoir. Qui ne devrait pas non plus s’amuser à diviser l’opposition en un groupe plus arrangeant et consensuel avec qui il calibrerait la transition et une autre qui, avec tout le Congo, subirait en silence.

Après des élections locales et régionales qui n’avaient mobilisé que 10 % d’électeurs selon plusieurs sources, Denis Sassou Nguesso a oublié de préparer l’élection présidentielle au point de ne l’annoncer que trois mois avant l’échéance prévue, à savoir juillet 2009. En accédant à la magistrature suprême par des élections, le chef de l’État congolais s’engageait, de fait, à préparer et à organiser l’élection présidentielle comme il faut et à la date convenue. Le fait qu’il n’ait daigné commencer à préparer le report de cette élection qu’en avril est un recul manifeste de la démocratie au Congo. Dans la mesure où son mandat n’a été perturbé ni par une guerre ni par une grosse catastrophe naturelle, ce report n’a aucune justification qui tienne si ce n’est celle de la désinvolture du président sortant. Partout ailleurs au monde, dans ce cas, le régime subirait plus les conditions de transition qu’il n’en dirigerait la préparation en jouant à diviser l’opposition. Mieux, devant ce cas apparemment non prévu par la constitution, c’est le successeur naturel du président en cas de vacance du pouvoir qui devrait prendre les rênes du pays pour assurer la transition.

En omettant d’organiser l’élection présidentielle dans les délais fixés, le président congolais se maintient, de fait, au pouvoir en prolongeant à sa guise son mandat. Il s’agit d’une forme de coup d’État qui ne dit pas son nom, une violation de la constitution accompagnée d’un subtil chantage illustré par un discours récurrent de ses partisans sur la paix comme pour brandir le spectre de la guerre civile si on tenait à le faire partir.

Face à ce type de situations, plus que la succession des hommes au sommet de l’État, c’est surtout la marche de toute une nation qui est gelée. Le pays va ainsi subir une ou deux années de transition pendant laquelle toutes les ressources serviront à préparer cette élection avec un gouvernement qui va piloter le pays à vue sans aucun programme économique sérieux. Pour rappel, il s’agit d’un pays qui n’en finit pas de passer par des parenthèses : la transition consécutive à la conférence nationale, le mandat chaotique de Lissouba qui a accouché des milices féroces, la guerre civile, le règne du vainqueur de cette cruelle guerre civile puis un mandat normal de Sassou qui débouche sur… une nouvelle transition !

Où sont donc passés les francs-maçons ?

Nous osons espérer qu’il se trouvera des amis de Denis Sassou Nguesso, de vrais, qui auront le courage de le regarder dans le blanc de l’œil et lui dire sans ambages qu’il est en train de jouer avec le destin d’une nation. En effet, c’est autant d’années sans perspective qu’il va infliger à une jeunesse et à des familles de plus en plus pauvres. Parmi ces amis, les francs-maçons devraient être à la première loge car il est de notoriété publique que Denis Sassou Nguesso est un éminent franc-maçon notoirement soutenu par ses frères. Le président congolais s’est même permis de l’ostentation à travers le mémorial dédié à Pierre Savorgnan de Brazza, mémorial truffé de messages subliminaux à l’attention des frères… Et comme la franc-maçonnerie se définit comme un mouvement philosophique, ésotérique, philanthropique et humaniste. L’action politique de Sassou porte-t-elle ces valeurs ? Rappelons-nous, deux frères maçons, Lissouba et Sassou, avaient été les acteurs principaux de la guerre civile qui avait ensanglanté le Congo en 1997. Dans toute autre organisation humaniste, ces deux là auraient été « excommuniés », mais les francs-maçons ont fait avec et continuent à les accueillir chaleureusement et avec déférence lors de leurs rassemblements internationaux. Or, dans le cas du Congo, ne pas se désolidariser de Sassou au minimum ou ne pas le ramener à la raison au mieux, serait de la non-assistance au peuple congolais en danger et une tolérance gênante vis-à-vis d’une politique qui prône la stagnation du pays.

L’histoire et la postérité sauront dire, quand ça allait mal pour le Congo, quelle avait été la position des francs-maçons vis-à-vis d’un des leurs qui était aux affaires.|Botowamungu Kalome (AEM)