
L
e lieu des funérailles était à la taille de sa grandeur : c’est dans le stade omnisport de la Cidadela, à Luanda, que l’Angola a pleuré mercredi l’un de ses illustres musiciens Alberto Teta Lando, décédé le 14 juillet dernier, à Paris, des suites d’un cancer. Autre signe de sa notoriété, le chef de l’État angolais José Eduardo Dos Santos en personne est venu dire adieu à l’artiste et son hommage était le résumé parfait des sentiments qui habitaient toute l’Angola mélomane : « La disparition physique de Teta Lando constitue une perte irréparable, non seulement pour sa famille, mais aussi pour la nation angolaise qu’il a tant aimée et cherché à immortaliser dans ses belles chansons. »
Si le président angolais a poursuivi en rappelant que « Teta Lando était un musicien de grand talent et un excellent chanteur qui, durant des décades, a produit des chansons qui ont enrichi notre patrimoine culturel, faisant de lui l’un des meilleurs auteur-compositeurs angolais », le musicien Dom Caetano a, pour sa part, regretté la disparition de celui qui était non seulement le président de l’Union Nationale des Artistes et Compositeurs (UNAC), mais également « un nationaliste ». Et d’appeler à perpétuer son œuvre aussi bien de rassemblement des musiciens angolais que celle d’une créativité originale, bien de l’Angola.
Le chanteur Filipe Mukenga ne dit pas autre chose et constate que c’est pour la première fois dans l’histoire du pays qu’une cérémonie funèbre digne était organisée pour un artiste qui a beaucoup travaillé au profit de la musique nationale et de la culture. Un hommage mérité, selon lui, car dit-il « Le pays a perdu un grand musicien et un compositeur, qui a promu les valeurs nationales, surtout quand il chantait dans sa langue maternelle, le kikongo ». « Sa chanson a gagné une expression et une dimension inaccessibles ». Filipe Mukenga a aussi rappelé l’action syndicale de Teta Lando « un défenseur acharné des musiciens angolais, pas seulement ceux de la vieille garde, mais aussi des nouveaux talents ». Ce qu’a appuyé le président de l’Assemblée nationale, Roberto de Almeida, cité par l’agence de presse angolaise Angop, qui a évoqué également « la qualité rythmique et mélodique des chansons d’Alberto Teta Lando » dont il a qualifié la mort de « prématurée » car survenue au moment où « il était engagé dans le combat pour l’amélioration des conditions de vie des artistes angolais ». Rappelons que c’est Teta Lando qui a créé l’UNAC qui compte à ce jour plus de 200 adhérents qui ont désormais droit à une pension après 35 années de carrière ou 60 ans d’âge, une première mondiale.
En dehors des milieux politiques et musicaux, notons ce témoignage d’Uanhenga Xitu, une référence dans la littérature angolaise, qui considère que Teta Lando a été « un chanteur spécial, un africaniste aux œuvres dotées d’un caractère didactique indéniable. »
Quelques notes biographiques sur Alberto Teta Lando
Alberto Teta Lando est né en 1948 dans une famille de 32 enfants parmi lesquels le musicien Teta Lagrimas. Il a commencé sa carrière au début des années 60, en se produisant en dilettante dans les fêtes scolaires et de fin d’année. Originaire de Mbanza Kongo, chef-lieu de la province de Zaire, Teta Lando a écrit sa première chanson en Kimbundo en 1964, intitulée « Kinguibanza » et qui l’a rendu célèbre entre 1965/66. Certaines de ses œuvres semblent inspirer d’autres musiciens angolais comme Bonga, Patrícia Faria et Paulo Flores. Alberto Teta Lando a été l’un des membres fondateurs du groupe Merengues, avant d’intégrer l’Africa Show.
Auteur de « Negra de Karapinha Dura », « Eu vou voltar », « Um assóbio meu », « Funji de domingo », « Angolano segue em frente », « Tata nketo », « Ntoyo », « Eu vou voltar », « Menina de Angola », « Quimbemba »… parmi tant d’autres succès, Teta Landa a vécu de 1978 à 1989 à Paris, où il est devenu l’un de grands défenseurs et promoteurs de la musique angolaise. En 1989, il regagna définitivement son pays après sa participation au Festival National de la Culture (Fenalcut), au stade national de Cidadela de Luanda où se sont déroulées ses funérailles.
Visionnaire, Teta s’était lancé dans la production en créant Makino et Teta Lando Productions, deux maisons qui ont produit de nombreuses oeuvres discographiques des artistes et groupes musicaux angolais.
Teta Lando laisse une veuve et trois orphelins. | Jossart Muanza (AEM)