
Q uatre jours, c’est le temps qu’a mis Jossart Nyoka Longo pour encaisser le coup et pouvoir décrire l’étendue de sa peine concernant la disparition de Doudou Adoula Monga animateur et chef d’orchestre de Zaïko Langa Langa : « Mon Fils me manque … Qui pourra te remplacer dans mon cœur et dans le groupe ? » a écrit le chanteur, le 11 décembre 2024, sur sa page Facebook. Pas étonnant donc que l’orchestre ait reporté la sortie du maxi single, déjà prêt, prévue pour les festivités de fin de l’année 2024.
Doudou Adoula qui était souffrant depuis de longues années participait néanmoins aux prestations scéniques de Zaïko Langa Langa et, tout un symbole : son ultime apparition sur scène remonte au 29 février 2020 à l’occasion du 50ème anniversaire de Zaïko Langa Langa au BOZAR à Bruxelles, la ville où il a rendu l’âme.
Bokal Botowamungu se souvient avec amusement de son recrutement : « C’était déjà le chouchou de Jossart qu’il faisait beaucoup rire et pour le taquiner, les autres musiciens disaient que c’était ce seul talent qui lui avait valu d’être recruté… »
Doudou avait intégré Zaïko Langa Langa il y a 33 ans, dans la foulée de la scission qui avait donné naissance à l’éphémère Zaïko Familia Dei et notre confrère et rédacteur en chef Botowamungu Kalome « Bokal » qui a assisté à ses débuts détaille : « La scission de ce groupe en 1988 restera sans doute comme la plus commentée, la plus passionnée dans les médias avec des productions journalistiques sentencieuses, des journalistes qui prennent parti, qui diffament à tout va… avec en bouquet final le président Mobutu qui ordonne au ministre de la culture Beyeye Djema de mener une mission de bons offices avec des promesses d’un voyage au Brésil et d’un don en équipements… mais en vain »
Et de poursuivre : « Douze éléments clés sont partis et Jossart qui ne voulait pas observer un temps mort pour ne pas perdre du terrain, va recruter en urgence et à portée de main en puisant dans l’orchestre Oka qui jouait les premières parties de Zaïko Langa Langa et dont les musiciens connaissaient parfaitement le répertoire. Les chanteurs Thylon et Mondial, le guitariste Shango sont recrutés, Doudou ne réussit pas le test comme chanteur mais est pris comme… animateur. C’était le bout en train, il avait la tchatche, beaucoup d’humour, il égayait les répétitions, les causeries. Pour le taquiner, ses collègues disaient qu’il n’avait été recruté que parce qu’il faisait beaucoup rire Nyoka Longo »
Ses cris « Ici ça va, là-bas Aaaah » et « Adoula ! Yaya, bakoki mpe kokende » font basculer Kinshasa
En 1988, les mélomanes fans de Zaïko sont tiraillés entre « Nkolo Mboka » dirigé par Jossart et « Familia Dei » mené par Bimi Ombale et Ilo Pablo. Le groupe de Bimi malmène le camp adverse avec la danse « Machette Likwangola » et le cri « Machette Likwangola, Kata ye » … Jusqu’à ce concert très populaire où Doudou minimise ce départ massif en lançant « Bakoko mpe kokende » traduisez « Ils peuvent s’en aller, c’est sans effet » et de laisser penser que beaucoup regretteraient leur départ car ça sentirait déjà le roussi dans Familia Dei : « Ici ça va, là-bas Aaaah ». Kinshasa s’empara de ces cris et le vent commença à tourner au sein de l’opinion.
La classe et un pilier
Animateur par opportunité, Doudou s’est vedettarisé très vite; on pourrait même dire que, comme Ditutala, il avait contribué à anoblir le métier d’atalaku par sa tenue sur scène et en dehors par sa façon de se tenir, de se comporter, de s’exprimer. Ce qui lui valait ce petit compliment de Bokal qui ne le saluait que par cette formule : « L’atalaku le plus élégant ».
Exigeant, forte personnalité, Doudou accéda très vite au poste de « chargé de discipline » avant d’enfiler le costume de chef d’orchestre en remplacement du guitariste Gégé Mangaya en délicatesse avec sa santé.
Ces oeuvres qui survivront à l’artiste
Doudou Adoula a signé quelques titres comme « Anticorps » contenu dans l’album Sans issue (Sun Records 1996), « Criminel d’amour » dans l’album Eurêka (JPS 2002), « Bilan négatif » extrait de l’album Sève, le dernier en date de Zaïko Langa paru en 2019 (Prozal) et sans doute le mieux réussi.
Sa toute prmière chanson « Bolongola nga Soni » est sortie en 1989, fruit d’une collaboration en dehors de Zaïko Langa, avec notamment le soliste Matima et les chanteurs Malage, Madilu et Lassa Carlyto.
Pour mémoire, Doudou Adoula Monga est né en 1965 de Cyrille Adoula qui a été premier ministre de la République Démocratique du Congo du 1er août 1961 au 30 juin 1964. |La rédaction d’Afriqu’Échos Magazine (AEM)