L’évocation de la carrière du chanteur congolais Emeneya décédé le 13 février 2014 n’aura duré qu’un court instant. Très vite, l’opinion a consommé une rafale d’épisodes d’un interminable soap opéra qui a mêlé et qui continue à mêler le défunt et des illustres personnages comme Papa Wemba et Koffi Olomide, mais aussi les frères, la veuve et des ex… Sans oublier des testamentaires à qui l’on a oublié de dire que le testament est un acte juridique soumis à des préceptes stricts. Tout ce beau monde a été mis en scène ou instrumentalisé par des « journalistes » d’un genre nouveau qui font les délices, sur internet et facebook, des Congolais avides de toujours plus de bassesses. Un feuilleton qui a éclipsé le dévouement, hélas, du gouverneur de Kinshasa André Kimbuta qui s’était rêvé en croque-mort le plus flamboyant de toute l’histoire de la RDC.
Tout commence dès l’annonce de la cause du décès : insuffisance cardiaque. Selon les « experts » qui règnent sur la toile, le cœur du chanteur n’aurait pas supporté des déceptions en amour : Papa Wemba a assumé d’avoir partagé une femme avec Emeneya alors que Koffi aurait joué l’entremetteur pour offrir l’une de ses femmes à un homme puissant du pays. Les faits sont relatés par Emeneya lui-même, Papa Wemba et Koffi Olomide dans des vidéos anciennes sorties des caniveaux. Les trois chanteurs n’y sont pas à leur avantage : dans ces vidéos, ils ont logé leurs cerveaux en dessous de la ceinture sniffant l’odeur d’entre les cuisses pour l’exhaler sur la terre entière. Sans la moindre gêne.
Et les obsèques, quel cirque ! À Kinshasa, alors que le gouverneur s’implique personnellement et fortement pour des funérailles qu’il voulait grandioses, l’homme de la rue décréta, pour sa part, une fatwa contre Papa Wemba et Koffi Olomide désignés « responsables de la mort du King Kester ». À Paris, tout le monde s’érigea en juge matrimonial pour distinguer la femme légitime de la femme légale, la fidèle de la mère des enfants, la précédente de celle qui a piqué le mari à l’autre… Famille, conjoint et les ex sont amenés à exhiber des documents privés et à révéler des anecdotes et des faits pas toujours honorables, y compris pour le défunt. À Kinshasa, Kua Mambu à peine inhumé, l’une de ses ex se répand dans une interview reprochant à la dernière épouse du chanteur de « lui avoir volé son mari » ce qu’elle-même avait fait à la première épouse de Kester… Mieux encore, celle qui fut sa deuxième épouse laissa entendre que « son ex-mari a été tué par des mixtures mystiques que sa dernière épouse lui avait fait consommer afin de le garder à jamais ».
La vie, les amours, l’héritage, les conflits familiaux, les déboires conjugaux d’Emeneya ont été étalés dans tous leurs détails, coins et recoins. Une fin de vie à l’image de sa carrière que l’artiste avait confinée ces dix dernières années dans des interviews polémistes afin de pallier le peu d’impact et de succès de ses productions discographiques et scéniques. Tout ce qui s’est passé autour de sa mort et de ses obsèques était malheureusement une sorte de continuité, une sorte de partouze verbale monumentale à laquelle a pris part tout ce beau monde qui manifestement en a encore sur la langue pour un bon moment… On oublierait même que l’artiste Emeneya fut un excellent chanteur qui avait donné trois fabuleuses années à la musique congolaise avec son orchestre Victoria Eleison.|Botowamungu Kalome(AEM)