Mise au point de S.E. Mgr Marcel Madila Basanguka, archevêque de Kananga

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Mise au point de S.E. Mgr Marcel Madila Basanguka, archevêque de Kananga sur les incidents malheureux survenus à Kananga le 28 novembre 2011, jour des élections législatives et présidentielles

Mgr Madila
Mgr Madila

Chers amis journalistes et chevaliers de la plume,

Je vous remercie d’avoir accepté de prendre part à ce point de presse que j’ai décidé de tenir, après prière, examen et enquête, afin d’éclairer l’opinion sur les regrettables événements qui sont survenus le jour même des élections ici à Kananga, notamment, et sur les accusations qui sont portées contre l’Eglise catholique en général et les communautés religieuses en particulier. J’ai tenu à le faire aujourd’hui, 1er jour de ce mois de décembre, pour commémorer de manière singulière aussi le témoignage de la Bienheureuse Anuarité Nengapeta, une martyre de notre pays. Car, le témoignage de l’Église, dans sa mission, peut aller jusqu’au sacrifice suprême. D’ores et déjà, je confie notre Église du Congo et notre Église particulière de Kananga, nos religieuses surtout, à la prière et à l’intercession de la Bienheureuse Marie-Clémentine Anuarité Nengapeta.

Dans mon premier message, en langue nationale(Tshiluba), au lendemain des élections, message rendu public sur les ondes de la Radio Diocésaine Diku Dietu et relayé sur d’autres radios de la place, je faisais part à la population de ma profonde tristesse et de ma vive préoccupation par rapport aux attaques et aux actes malveillants dont ont été victimes nos religieuses à Buena Mutu, à Malole, à Katoka, à Bena Leka et ailleurs.

Tout est parti du complexe scolaire Buena Muntu où une religieuse de la Congrégation des sœurs de la charité de Jésus et de Marie, directrice de l’école, était accusée de complicité de tentative de fraude au profit d’un des candidats à la présidentielle. Très vite, la rumeur non vérifiée, a fait le tour de la ville et plus loin encore, au point de rendre toutes les religieuses, toutes congrégations confondues suspectes ou complices de la fraude électorale. La religieuse en question a été battue, séquestrée et n’a eu la vie sauve que grâce à l’intervention des forces de l’ordre. Sans vérification des faits, certains médias, faisant fi de toute règle de déontologie en matière de communication, avaient vite fait d’accuser toute l’Église Catholique et ses membres et de présenter ces soupçons comme des faits avérés et vérifiables. La nouvelle a fait le tour du monde.

À Katoka II, des sœurs diocésaines du Cœur Immaculé de Marie de Kananga, qui attendaient tranquillement de voter dans un bureau situé dans l’enceinte de leur complexe scolaire furent aussi attaquées et battues, – on était prêt même à les brûler vives !-, simplement parce que le bureau de vote n’avait pas ouvert ses portes à l’heure prévue. Une foule impatiente et surexcitée les accusait, sans fondement ni preuve, d’être de mèche avec un membre du PPRD bien connu et ayant son domicile non loin du couvent des sœurs. Un témoin raconte : « Tout s’est déroulé le matin du 28 novembre 2011 quand, jusqu’à 11heures, on n’avait ouvert ni la grille qui mène sur la cour de l’école où la population devait aller voter, ni la grille d’entrée du couvent des sœurs. Fait qui, pour eux, a confirmé la rumeur (de préparation de la fraude). L’impatience ayant atteint le paroxysme, des jeunes gens ont commencé par lancer des pierres en direction des fenêtres du bâtiment des sœurs pour les menacer ; et ils ont cassé 189 lamelles au couvent et 18 au Centre Mpandilu (Centre de vote), avant de forcer la grille de l’entrée principale du couvent avec comme objectif : molester les occupants ». Aux dires des deux d’entre elles, ces sœurs ont été sérieusement battues et n’ont eu la vie sauve que grâce à l’intervention d’une fille du quartier qui s’est interposée et a fait sortir les sœurs de la maison.

À Malole, les sœurs ont connu le même sort et des jeunes gens ont eu le courage d’aller saccager le Carmel, à côté du Grand séminaire sous prétexte qu’un député de la majorité, candidat qui avait demandé de venir s’y recueillir avant les élections, y avait laissé des cartons de bulletins toujours dans le but de favoriser la fraude. Tout cela s’est avéré sans fondement, à la lumière des enquêtes menées par nos services et par d’autres sources concordantes. De même, soit disant pour punir les Sœurs du Cœur Immaculé de Marie, accusées de la même tentative de complicité à la fraude, des jeunes gens ont fait d’importants dégâts matériels au Complexe scolaire Muoyo Mupeluke des Sœurs à l’Oasis Malole ainsi qu’au Complexe scolaire Mgr Bakole de la même place, sans songer au préjudice qu’ils portaient ainsi aux enfants de notre contrée.

Sur la ville, les menaces se poursuivent, accompagnées d’insultes aux religieuses et l’image de l’Église est ainsi gravement salie simplement sur base de soupçons. Au stade actuel de nos investigations, il n’y a pas de raison pour que des religieuses ou l’Église soient accusées pour complicité dans une tentative de fraude. Je condamne donc toutes ces attaques et ces actes de malveillance qui n’ont pour seul but que de discréditer l‘Église catholique et ses agents pastoraux. Mais en même temps, je déclare avec la même fermeté que quiconque, prêtre, religieux ou religieuse, se serait rendu coupable de quelque compromission dans ce qui nous est reproché, sera sanctionné conformément à la loi canonique de l’Église.

À cet effet, je me permets de rappeler aux ecclésiastiques de notre diocèse – comme je l’avais fait avant ces malheureux événements déjà à plusieurs reprises- que la mission de l’Église étant une mission de communion, il leur est interdit de « prendre part aux activités et associations ayant trait directement ou indirectement de façon manifeste à la politique, même si ces activités ou associations visent l’idéal humanitaire de la paix, de la solidarité et de la démocratie ». Le droit de l’Église ainsi que les instructions de la Conférence épiscopale nationale du Congo, la CENCO, sont on ne peut plus clairs à ce sujet.

Je condamne, avec la même énergie, la destruction et la mise à sac des infrastructures scolaires et sanitaires par nos propres populations qui en sont pourtant les premières bénéficiaires : on casse les bancs, on détruit dispensaires et maternités, etc. Cela est inacceptable. Car il s’agit du bien de tous, du bien commun et nous devons le respecter. Un vrai citoyen, c’est celui qui respecte le bien de tous. On ne peut pas vouloir le changement et un avenir meilleur en détruisant le peu que nous avons. Encore une fois, j’invite tous les chrétiens de notre diocèse et tous les hommes et femmes de bonne volonté à prendre soin et à protéger les biens de l’Église, notre patrimoine commun, à secourir tous les agents pastoraux, à aimer leurs prêtres, religieux et religieuses et à leur témoigner du respect et de l’estime en toutes circonstances. Car ce sont nos fils et nos filles et ils se sont donnés à Dieu pour être à notre service, surtout au service des plus pauvres.

Les faits qui leur sont reprochés ne sont pas vérifiés et donc qu’on arrête de propager des mensonges et des contre-vérités. Et même s’il y avait quelque sujet éventuel de mécontentement à l’égard de notre personnel ecclésiastique ou de nos chrétiens engagés dans ces opérations électorales, il serait plus juste de traiter ces cas selon des procédures plus respectueuses de la dignité humaine et du patrimoine commun. Voilà pourquoi je fais les recommandations suivantes :

1. À la population : de se mobiliser pour dire non à l’intoxication d’où qu’elle vienne afin de se prendre véritablement en charge pour combattre les fausses rumeurs et les accusations gratuites et infondées ; de se démarquer des fauteurs de troubles, de se libérer des manipulateurs et de cultiver le goût de toujours rechercher la vérité en tout temps et de la mettre à l’épreuve, car seule la vérité nous rendra libres (Jn 8, 32).

2. À la jeunesse, espoir d’aujourd’hui et de demain, je dis ceci : « ne vous laissez pas prendre par la manipulation de ceux qui veulent briser votre avenir. Avec courage et détermination, à l’exemple de la Bienheureuse Marie –Clémentine Anuarite Nengapeta, dites non à la violence et aux pillages. Ne détruisez pas le patrimoine de votre communauté ou paroisse, ce patrimoine composé des écoles, des maisons d’habitation, des couvents, des bureaux et magasins, etc. Soyez partout des témoins des valeurs d’amour, de vérité et de justice pour construire un pays où il fera bon vivre pour vous demain. »

3. Aux parents, de prendre au sérieux l’éducation de leurs enfants, afin qu’ils intériorisent les valeurs de respect des aînés, du personnel ecclésiastique qui est à votre service et au service du bien commun.

En confiant notre cher pays à la bonté miséricordieuse du Seigneur par l’intercession de la Vierge Marie, Notre Dame du Congo et de la Bienheureuse Anuarite Nengapeta, je souhaite à tous et à toutes de passer cette période délicate et importante de notre histoire dans la paix et la concorde nationale.

Je vous remercie.

Fait à Kananga, le 1er décembre 2011

+ Marcel Madila, Archevêque de Kananga