Fally à U Arena : entre monts euphorisants et mornes vallées… avec une louche d’obscénités

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* Désolés d’illustrer l’article avec cette photo, la seule plus ou moins nette que nous avons pu faire avec un smartphone. Gérard Drouot Production qui a produit le concert et Warner Music qui produit Fally ne nous ont pas, en effet, autorisés d’entrer avec un appareil photo.

The place to be » (L’endroit où il faut/fallait être) est l’expression qui résume le mieux le concert de Fally Ipupa à U Arena, le samedi 25 novembre 2023 à Paris La défense. Dans la dense colonne interminable des mélomanes collés comme des fourmis, les commentaires sont dithyrambiques, l’excitation palpable. Quand le chanteur démarre son concert c’est l’hystérie et le natif de Bandal met le turbo d’emblée : un medley des refrains et des parties dansantes de ses meilleurs tubes pendant 20 minutes. Derrière moi, une jeune mélomane est dans tous ses états : je sens son corps parcourir avec tendresse ma carcasse de l’omoplate jusqu’à la cuisse et aussitôt je commande à mon esprit de s’imaginer en train d’égrener le chapelet en récitant « Notre père » et « Ave Maria » entrecoupés des « Sans effet au nom de Jésus ».Cela peut paraître anecdotique mais c’est aussi à l’aune de ce genre de détails qu’on mesure la grandeur d’une carrière.

U Arena la nouvelle cathédrale parisienne de l’évènementiel où joue régulièrement le club de rugby Racing 92 est plus calibrée pour des rencontres sportives et moins pour des productions musicales. Des écrans géants permettent aux spectateurs de gommer la distance et la perception de la prestation des artistes devient tributaire de la manière de filmer et le rendu vidéo en direct n’est pas à la hauteur. Les premiers plans montrent le chanteur tout beau, tout frais qui arbore une raie à la Lumumba. Drapé dans un lourd et long manteau noir avant de le tomber pour un débardeur (singlet) qui laisse dévoiler un buste et des bras bodybuildés, teint banane jaune et des tatouages qui complètent la sensualité. Sont également visibles un collier et deux bagues couleur argent aux dimensions gargantuesques. Les 20 premières minutes, les sensations et l’euphorie des mélomanes jeunes et moins jeunes, congolais et d’ailleurs, tutoient le paroxysme avec ce qui a ressemblé à un « concentré de tout ce que Fally avait jusque-là fait de mieux ».

Interminable série des duos et une parenthèse obscène

Quand l’auteur de Mayday, son dernier succès, revient sur scène c’est pour aligner une série des duos avec des artistes que la publicité a pris soin de ne pas annoncer. Bien lui en prit de commencer avec le Camerounais Tayc qui réalise une interprétation vocale et scénique de haut vol : le chant, l’expression corporelle, l’occupation de la scène, le body language dans la communication non-verbale avec Fally sont dignes d’un grand. Puis s’ensuit l’ennui, derrière moi une jeune fille se plaint « Azonga na ba rumba, tolembi » (ça devient lassant, qu’il revienne à son répertoire rumba) un quadragénaire me souffle « Atie musique ya bana ya ba côté oyo trop, azonga na rumba » (Il met trop de chansons pour jeunes, qu’il revienne à la rumba). Fally et deux de ses invités vont même s’adonner avec délectation à une parenthèse des obscénités avec des rires en sus.

Un son pas à la hauteur, des danseurs perdus, des tenues incongrues, et un au revoir dans l’indifférence

Durant la majeure partie du concert, on n’entendait que la batterie, la basse et le synthétiseur. Il y a pourtant jusqu’à 6 guitaristes et bassistes sur scène. On va les entendre un peu quand Fally entame la troisième partie de son concert avec des chansons estampillées rumba dans une atmosphère qui s’est rafraîchie. On en vient aussi à se demander à quoi servent les danseurs et les danseuses qui exécutent des chorégraphies qui tranchent avec l’ensemble à part l’éclaircie apportée par un tonitruant jeune du Congo Brazzaville. Les zooms des caméras exposent régulièrement une danseuse qui a laissé ouverte la braguette de son minime short exposant son string, en voilà une qui a compris à l’envers la recommandation biblique : « On n’allume pas une lampe pour la cacher sous la table ». Une des tenues des chanteurs aussi détonne : des blouses manifestement de femmes sans manches en soie, de couleur verte, avec des ficelles croisées sur les côtés. Au bout de deux heures environ, la complicité entre le chanteur et son public s’est distendu, on croit déceler subrepticement une forme de fatigue chez Fally qui va quitter la scène sans y mettre les formes. Les commentaires de l’après concert vont se centrer sur l’affluence « historique ». On retiendra cette première qualifiée par ses fans d’historique, pour le reste « Merci de repasser ».|Botowamungu Kalome, envoyé spécial (AEM), Paris