L e chanteur congolais Fally Ipupa a joué, le samedi 7 décembre 2024, au Zénith de Nantes dans une salle réduite à 40 % de sa capacité (8.000 places) et sans remplir la portion congrue ouverte au public. À l’analyse du plan de la salle et des photos prises pendant l’entracte, c’est-à-dire au milieu du concert, moins de 3.000 billets auraient été vendus. L’artiste serait-il en perte de vitesse ? Ces concerts après U-Arena seraient-ils de trop ? Son producteur se serait-il planté dans sa stratégie ? On peut tout aussi penser que les Nantais n’ont pas bon goût…
À 6 heures du concert, nous avions partagé avec nos lecteurs une « mesure » de l’engouement dans un avant-papier, désignation dans le jargon journalistique d’un article qui suppute le déroulement d’un événement. Après compilation des chiffres et des tendances récoltées auprès de plusieurs sources, nous avions prédit 50 % de billets vendus et cette projection s’est avérée un brin optimiste car la jauge avait été réduite d’au moins 60 % comme le montrent le plan de la salle et les photos des parties inoccupées.
En effet, la partie supérieure qui accueille le plus grand nombre de spectateurs, sans doute la moitié de la jauge, est composée de 13 blocs de sièges (Z, Y, X, T, S, R, M, L, K, G, F, B, A) dont 8 étaient inoccupés ( Z, Y, X, T, G, F, B, A ) et occultés par des rideaux ; la partie à mi-hauteur compte 9 blocs (W, U, Q, O, N, I, H, D, C) et 5 étaient ouverts au public ; et au niveau de la fosse 2 périmètres (P, J) étaient ouverts et 2 autres (V, E) fermés. Pour compenser les gros trous des gradins à mi-hauteur, l’organisation a dû laisser migrer des spectateurs de la fosse en écrivant au stylo rouge « gradins » sur leurs billets. Ce qui avait permis visuellement une répartition plus ou moins équilibrée. En considérant que les gradins hauts étaient remplis à environ 80 % et ceux du milieu à environ 20 % et la fosse à quasiment 100 %, le chiffre de 3.000 billets vendus paraît le plus proche de la réalité.
« Pourquoi insistez-vous sur l’affluence ? »
À Afriqu’Échos Magazine, nous essayons toujours de dépasser le travail du compte-rendu minimaliste. Pour les concerts de Fally de U-Arena et du Zénith de Nantes, nous avions souhaité apporter un éclairage sur ce qu’implique et génère l’organisation d’un tel événement : les contraintes administratives, les caractéristiques de la salle, la qualité et la puissance de la sono, le nombre de techniciens, le nombre d’agents de sécurité, la taille des écrans sur les côtés de la scène, la retransmission sur ces écrans du concert, le coût de la production, la billetterie, interviewer le chanteur avant le concert… Malheureusement le producteur n’a jamais voulu donner suite. Grâce à notre implantation à Nantes, nous avons réduit notre champ de travail au suivi de la billetterie pour évaluer l’engouement du public.
Des mélomanes binaires, une gangrène
Avoir osé publier des projections pessimistes de la billetterie avait déclenché des accusations insensées de la part de certains fans de Fally Ipupa : « Vous êtes des Golois (fans de Ferré) », « Vous avez des penchants », « Pourquoi créez-vous une polémique ? », « Vous mentez »… Une mentalité binaire a gangrené l’esprit de certains fans passionnés et aveuglés qui pensent que le travail de la presse sur la musique congolaise se réduit à prendre parti pour Fally ou pour Ferré. Ils analysent tout par ce prisme d’où la rage, la rogne pour ceux qui sont dans la musique ce que les extrémistes et les terroristes sont à la religion. À les lire, informer est un acte partial si ça ne sert pas leur aveuglement et à les écouter la musique congolaise n’a jamais existé avant Fally et Ferré et n’existe pas en dehors de ces chanteurs.
Une presse à la solde des musiciens
Dans le déferlement de cette forme d’obscurantisme de certains mélomanes, la presse congolaise, disons une certaine presse, détient une grosse part de responsabilité. Dès les années 70, des journalistes ont commencé à se mettre, non plus au service de l’information et du public, mais de la promotion de certains musiciens. Par affinités, afin d’être glorifiés par des dédicaces ou moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes, des journalistes se sont mis à la solde de certains musiciens n’hésitant pas à chercher de détruire la concurrence. Certains étaient carrément administrateurs des groupes dont ils couvraient les tournées et vantaient la qualité supposée des leurs chansons.
Puis est venue une génération particulière de super stars avec des chroniqueurs couverts des surnoms ronflants, pompeux, prestigieux et qui déclaraient que ce sont eux qui « font » les stars. « Opposer les chanteurs, prendre parti, susciter la polémique, brocarder la vie intime… » étaient devenus des pratiques journalistiques établies. Dans la foulée, est apparue une génération spontanée des « chroniqueurs » aussi malpoli(e)s que mal luné(e)s et sans limite, sans moralité. Curieusement, des stars en ont fait leurs bras armés contre la concurrence.
Fally Ipupa et Ferré sont, sans doute, deux grands artistes mais ont-ils les fans qu’ils mériteraient ou disons que mériteraient leur talent, leurs trajectoires ? Quand on voit comment les deux chanteurs sont aux petits soins des grands insulteurs, il faudrait peut-être inverser cette question.|Botowamungu Kalome (AEM)