Orphelins du père, Étienne Tshisekedi, décédé l’année dernière, les militants de l’Udps sont en train de s’enticher « grave » du fils Félix Tshisekedi. Qui est en train de bâtir sa légitimité, pas à pas, avec intelligence, sans besoin de génie, au gré des circonstances objectivement favorables. Un vent porteur préoccupant pour le pouvoir et intriguant pour les alliés de l’Udps qui ne jurent que par Moïse Katumbi. Le 24 avril dernier, des dizaines de milliers de personnes ont accouru au meeting de l’Udps au point de rendre, sur la toile, ces militants euphoriques, triomphalistes mais aussi, hélas, réfractaires à la moindre critique. Dans les réseaux sociaux, pas mal sont sur leurs ergots et s’irritent à la moindre critique, à tout questionnement.
Ce rassemblement a été un gros succès populaire, exceptionnel car en dehors de la période électorale, mais un raté sur le plan de la communication. Manifestement Félix Tshisekedi et ses équipes n’ont pas pensé aux éléments forts que les Congolais et l’opinion internationale devaient garder de ce meeting. Peut-être si, mais des sujets pas à la hauteur des enjeux : démenti sur la nomination de l’intéressé à la primature, une timide interrogation sur la double nationalité et l’instauration d’un service militaire obligatoire d’un an pour tous les jeunes diplômés du secondaire.
Que penser de ces trois points saillants ?
- Sur la primature, avant le meeting, l’Udps avait déjà publié une telle quantité de démentis que personne n’attendait; pas, bien sûr, que son président démente les démentis de son parti. Pareil pour les motivations de ceux qui ont répandu la rumeur. N’empêche, demeure une suspicion compréhensible : la soudaine bienveillance du pouvoir qui a autorisé le meeting et permis, enfin, que la dépouille mortelle d’Étienne Tshisekedi vienne au pays. Une photo circule d’ailleurs montrant les membres de la majorité et ceux de l’Udps verres de champagne servis. On observera, de plus, que ce fut le discours le moins offensif de Félix Tshisekedi contre un air de trêve qui ne dit pas son nom.
- Concernant la double nationalité, le patron de l’Udps n’est pas allé plus loin que de s’interroger s’il était juste de priver les « Congolais » de la diaspora de la double nationalité. Si Félix Tshisekedi décidait d’inscrire l’instauration de la double nationalité dans son programme électoral, il lui faudra alors expliquer comment il compte prémunir le pays des personnes comme Laurent Nkunda qui commettent d’horribles crimes mais dont les sanctions sont atténuées, pour ne pas dire annihilées, grâce à la double nationalité.
- Quant au service militaire obligatoire, nous sommes en présence des deux corps, sans doute, les plus malades de la nation : l’éducation et l’armée. Ainsi cette armée qui est la plus infiltrée du monde, la plus désorganisée, sans infrastructures, réhabiliterait la jeunesse ? Bien sûr, l’on nous répondra que la réorganisation de cette armée est un préalable auquel il a pensé, combien de temps mettra-t-il et avec quels moyens pour remettre l’armée sur pieds ? Déjà, même en réhabilitant tous les camps, il serait impossible de loger tous les militaires professionnels, où seront alors accueillis des dizaines des milliers de jeunes Congolais chaque année et pendant un an ?
Pour cause d’un meeting insuffisamment préparé, pour avoir focalisé sur l’affluence comme preuve de légitimité, Félix Tshisekedi et les siens ont oublié de donner des perspectives et ont suscité plus d’interrogations et des doutes qu’ils n’ont rassuré. Et alors que les militants, notamment sur la toile, devaient assurer le « service après-vente », en se montrant réceptifs à la critique, ils ont plutôt renforcé les clichés sur une arrogance congénitale de l’Udps.
Dans les réseaux sociaux, alors que tous les partis viennent faire leur marché (de sympathie), l’Udps la joue : « Fermez-la ». Ça serait une grosse erreur, pour ce parti de croire que le rejet de Kabila et des siens l’exempterait de convaincre.|Botowamungu Kalome (AEM)