Ses détracteurs ont longtemps réduit Félix Tshisekedi à un fils qui aura tout reçu sans avoir sué, sans compter des rumeurs et des révélations qui se sont amoncelées sans un début de commencement de preuve : Ibiza, Monaco, Venise, primature contre transition pour Kabila, 3 millions de dollars reçus de Kabila pour accepter la machine à voter, un diplôme fictif, l’achat de deux villas en Belgique… Si la Ceni avait tablé sur le poids des rumeurs, sa candidature n’aurait même pas franchi le portail du siège de la centrale électorale. Alors qu’on lui reprochait, ainsi, de n’avoir comme atout que son patronyme, même ses détracteurs se surprennent à l’appeler désormais par son prénom : Félix. Preuve que l’homme politique s’est réalisé et s’est ainsi fait un prénom. Bien plus, grâce à un attelage improbable avec Vital Kamerhe, « Félix » pourrait succéder à Joseph Kabila.
Avec son filet de voix, Félix Tshisekedi a parfois incarné une forme de candeur en politique. La maladresse et des bourdes en communications, il les a multipliées, enfilées comme des perles. Certaines monumentales comme lorsqu’il s’annonce à une manifestation alors qu’il est dans un avion en direction de Tunis ou encore quand il affirme avoir signé un accord sous l’effet de la fatigue ou d’un envoûtement, sans parler de la fermeture des cachots comme ses premières mesures s’il était élu président de la République. La RDC semble pourtant prête à confier son destin à celui dont on se plaît à souligner l’inexpérience. Grossière erreur de casting ? Pas certain.
Et si la naïveté de Félix Tshisekedi était feinte ?
Après avoir avancé des raisons loufoques pour retirer sa signature de l’accord de Genève, Félix Tshisekedi s’est émancipé de l’alliance tutélaire et condescendante avec Katumbi et Bemba. D’un personnage naïf et niais dont on a persiflé les explications, Félix Tshisekedi s’est mué en 48 heures en présidentiable crédible renforcé par l’allégeance de Vital Kamerhe au pedigree plus conséquent que le sien et plus grand tribun que lui. Pris en étau entre la puissance de l’État au service de Shadary et les puissants réseaux ainsi que les finances illimitées de Katumbi, Félix Tshisekedi a fait mieux que rivaliser : il a réussi à rendre son élection envisageable. Au point d’imposer à ses anciens alliés de Lamuka de mener une campagne négative intensive contre lui et à emprunter à Ngbanda et son Apareco leurs procédés et leurs méthodes d’intox.
Le pathétique intellectualisme des réseaux sociaux
Sur les réseaux sociaux, autant les soutiens de Félix Tshisekedi péroraient sur leur champion sans relever la moindre ligne sociale et économique réaliste et crédible de son programme, autant les supporters de Martin Fayulu continuent d’exceller dans une autosuggestion qui cache mal l’angoisse de la défaite. Pour ce faire, sur base des affluences dans moins d’une dizaine de meetings et des photomontages grossiers, ils ont tiré des conclusions définitives assurant que les 80 millions de Congolais disséminés sur 2.3045.000 km² étaient acquis à leur candidat. Les sondeurs et les statisticiens ont trouvé leurs maîtres qui savent tout, assis dans leurs salons devant leurs ordinateurs et smartphones. De leurs appartements à Paris ou à Toronto, ils arrivent à savoir que Fayulu est populaire dans un village isolé du monde entier et le martèlent sur Facebook sans réserve, surtout sans scrupule.
Félix Tshisekedi a déjà gagné, quoi qu’il arrive
La victoire de Félix Tshisekedi est possible, pas foncièrement probable ou certaine, mais qu’importent les résultats, il aura gagné. À la mort de son père, il n’a pas reçu la présidence du parti en héritage mais à l’issue d’un congrès qui l’a vu être défié à la loyale par un autre candidat et en se soumettant à une sorte de débat contradictoire. Auparavant, le pouvoir a privé son défunt père des obsèques pour punir le fils de son intransigeance. Katumbi et Bemba se sont mépris sur son sens politique et sa capacité à contourner l’emprise des deux, en feignant la naïveté.
Pour toutes ces raisons, l’on peut considérer qu’un destin national attend Félix Tshisekedi à l’issue de cette élection et ça pourrait être un grand destin national : une marche que son défunt père Etienne Tshisekedi n’a pas su, n’a pas pu gravir..|Botowamungu Kalome (AEM)