Ferre Gola, l’heure du choix

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Le chanteur congolais Ferré Gola convie 80.000 mélomanes kinois, pas un de moins, à un concert ce samedi 24 juin 2023, au stade des Martyrs de la pentecôte. Fort d’une illusion de forte résonance que les réseaux sociaux donnent aux publications de leurs abonnés, une infime minorité bruyante, gouailleuse de ses fans fixent un concert à guichets fermés comme le Graal. Afin d’égaler Fally. L’originalité, la qualité ou l’envergure du spectacle, très peu en parlent et la presse dite spécialisée non plus d’ailleurs. La même ferveur irraisonnée s’était emparée des mélomanes concernant le passage dans les salles mythiques de Paris : Olympia, Zénith et Bercy. Depuis, la musique congolaise ne s’est jamais aussi très peu vendue et les producteurs historiques et notoires ont coulé les uns après les autres. Ne parlons pas du disque d’or de Fally, il l’a obtenu avec des chansons interprétées avec des stars de la scène française. Une fois donc que Ferré aura relevé ce défi, et après ?

L’hiver dernier, une famille angolaise célébrait un anniversaire dans une banlieue de Nantes. Le DJ peine à faire danser les jeunes convives. Tout y est passé ; les récents Koffi, Fally, Ferré, rien n’y a fait. Innos B parvint à faire se lever une quinzaine d’adolescents et une poignée d’adultes au rythme de « Yo mpe bapesa yo ». Puis, le DJ balance « Azalaki awa » de Gatho Beevans (sortie dans les années 80) et la fête s’anima. Une jeune fille d’une dizaine d’années à peine et pas lingalaphone, assise à côté de moi, chantait par coeur toute la chanson. La véritable consécration d’un artiste ne serait-elle pas dans ce à quoi je venais d’assister ?
Quelle voie ? Quelle lignée ?
La chanson Pakadjuma de Ferre Gola est la chanson que j’écoute le plus de tout le répertoire du clan Wenge et même en élargissant ce répertoire à Koffi Olomide et Fally Ipupa. A chaque écoute et réécoute, je suis subjugué par la performance vocale de Ferré Gola. Une performance que je relie à plusieurs autres de ses interprétations et même dans un registre particulier comme la chanson Kayembe de Lutumba. Simaro justement prenait soin de distinguer les bons chanteurs et même des grands chanteurs de ceux qu’il appelait « Ba Alanga Nzembo » (maîtres en chant) et il citait une poignée à peine : Grand Kallé, Tabu Ley, Sam Mangwana. Alors que tout Zaïre mélomane avait trouvé en Carlyto un chanteur accompli, L’auteur de Maya avait relativisé lors d’une conférence à Barumbu : « J’ai des regrets concernant le départ de Carlyto du Tout Puissant OK Jazz, je lui avais demandé d’être patient, de me laisser le temps de le hisser au niveau des Alanga Nzembo de notre musique. Je le voyais approcher et atteindre le niveau des Sam Mangwana, Tabu Ley, Grand Kallé… ».
Ferré Gola est à l’heure du choix : soit se contenter de la gloriole auprès de ses « Golois » et continuer de se vautrer dans des polémiques ridicules en affublant d’autres chanteurs des prénoms féminins, soit faire le choix d’entrer dans le panthéon des Alanga Nzembo en prenant conscience qu’il pourrait s’asseoir à la table de Grand Kallé, Tabu Ley, Sam Mangwana, Josky Kiambukuta, Pépé Kallé, Papa Wemba, Evoloko Atshuamo… et inscrire ses chansons dans la durée comme Gatho Beevans notamment.|Botowamungu Kalome (AEM)