« Je suis France »

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Rassurez-vous, je ne vais pas en rajouter aux hommages marathons de François Hollande à qui j’accorde le total crédit d’une action dénuée de tout calcul. Juste que depuis le massacre indéfendable de Charlie Hebdo, il convient, car de bon ton, de s’afficher « Je suis quelque chose ». Ils ont été passionnément « Charlie », furieusement « Bataclan », un tout petit peu « Beni » ou « Nigeria », nullement « Cisjordanie ». Aujourd’hui, je me sens irrésistiblement « France », traversé de part en part, par ce fort sentiment d’identification. Je ne parle pas ici d’une France dont je m’enorgueillirais plus que de raison ou d’une France qui me transcenderait, car maintenant on est quelqu’un ou quelque chose qui a été victime de la face la plus sombre des hommes, du fanatisme et de la démagogie. Il s’agit de cette France située au croisement de trois lignes bissectrices tracées par trois déclarations et prises de position de Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy et François Hollande.

Autant que des intellectuels, des grands penseurs et des brillants artistes, les hommes politiques font des déclarations ou prennent des positions qui permettent de cerner une époque, d’en appréhender les aspirations et les mentalités. Deux déclarations et une prise de position récentes permettent de mesurer aujourd’hui la grandeur de la France :

  • En pleine campagne électorale des régionales, Marine Le Pen va préciser ce qui se joue avec ce scrutin. Alors qu’il ne s’agit que de gérer les régions, elle prévient : « Si le Front national perd ces élections, notre constitution sera remplacée par la charia et toutes les femmes seront obligées de se voiler ». Résultat, au premier tour, les Français ont placé ce parti en tête en nombre de voix.
  • Dans le même contexte, Nicolas Sarkozy s’est livré à une démonstration intellectuelle de haut vol : « Soyons clairs, quand on regarde des vidéos djihadistes, on est djihadiste. Quand on regarde une vidéo pédophile, on est pédophile ». Ah ouais ? Que du temps perdu pour les juges, policiers, sociologues et experts psychologues qui mettent des heures, des semaines, voire des mois pour désigner des djihadistes et des pédophiles…
  • Suite aux derniers massacres terroristes, François Hollande croit trouver une arme de dissuasion redoutable : inscrire dans la constitution la déchéance de la nationalité française pour des binationaux auteurs d’actes terroristes. Cette possibilité existe déjà dans la loi et concernerait tous les Français indistinctement, mais François Hollande estime que la situation exige de distinguer les Français français de ceux qui le sont devenus. Juste avant, deux binationaux célèbres, Jamel Debouze et Omar Sy venaient de déclarer leur grand amour à la France, le comique a même désigné ce pays comme sa mère : « Je ne peux accepter qu’on touche à ma mère ».

Ces procédés simplistes et populistes pour conquérir et conserver le pouvoir devraient faire sourire s’ils ne tranchaient pas avec les valeurs portées par « Je suis Charlie ». Rien de nouveau dans le fait de dresser les Français les uns contre les autres, mais les arguments utilisés représentent une insulte à l’intelligence des Français. Des Français qui, désemparés, lors des élections régionales ont placé le Front national en tête pour ensuite ne leur faire gagner aucune région.

Perplexe, universaliste mais aussi sensible au discours raciste et xénophobe, auteur des choix erratiques, la France meurtrie tangue entre la peur du terrorisme, du chômage et la misère politique. Retour de manivelle d’une politique étrangère destructrice, vengeance des jeunes grandis avec la haine de leur pays qu’ils accusent de discrimination et d’islamophobie, un appareil sécuritaire débordé, la France, sonnée, se découvre une forte vulnérabilité et ne se voit offrir qu’une surenchère du populisme.

À cette France désemparée, j’exprime ma solidarité : « Je suis France » même si je suis un de ces Français jetables que François Hollande lui offre sur l’autel de la posture politicienne.

Quant à ceux qui ont été Yayi Boni à travers un « Je suis Charlie » exubérant, je leur dis : « Bon courage les cocus, on est ensemble ».|Botowamungu Kalome (AEM)