Face à des parents, pas du tout séduits à l’idée d’intégrer les Beaux-arts, Ket A Makal Belinda a laissé son talent mûrir dans le silence de son for intérieur. Habitée par le génie du dessin et de la peinture, une rencontre banale,en 2006, avec un portraitiste va libérer la magie créatrice de la jeune artiste congolaise. Ket A Makal s’investit désormais entièrement dans son art, une façon de partager et communiquer ses ressentis. À la croisée des influences picturales variées et en recourant à une large diversité des matériaux, ses œuvres conduisent entre autres dans un univers de la rue, où elle sublime l’espace urbain et le transforme en une œuvre d’art à part entière. Explications étonnantes de la peintre.
En tant qu’artiste comment vous définissez-vous ?
Autodidacte, je suis en permanence à la recherche de nouvelles créations, prendre des risques fait partie de mon quotidien. Le plus difficile dans ce que je fais c‘est parfois de ne pas pouvoir capter l’instant d’une pensée et le transformer en matière sur la toile. Entre l’imaginaire et l’action, des tas de choses peuvent se passer, et quand tu loupes cet instant de transmission entre la pensée et l’action tout s’écroule ! En revanche, quand tu arrives à saisir cet instant c’est un moment de transe. Je travaille par intuition, me surprendre et surprendre les autres, voilà ce que je recherche. Donner une seconde vie aux matériaux de récupération sur mes toiles c’est quelque chose qui me ressemble. Spontanée dans mes gestes, j’ai besoin d’un grand espace pour m’exprimer, c’est pour cette raison que j’aime travailler sur des toiles de grandes dimensions. Réaliser des œuvres abstraites me passionne, c’est aller à l’infini ; laisser à tout un chacun la liberté de pouvoir exprimer son ressenti, c’est fondamental pour moi. Dans mes toiles abstraites, j’ai envie de montrer qu’il peut y avoir une cohabitation entre l’équilibre et le désordre. Mes mouvements peuvent être déséquilibrés et les couleurs emmènent ensuite de l’ordre ou l’inverse.
À partir de quel moment avez-vous su que vous consacreriez votre vie à l’art ?
En 2006, une rencontre avec un artiste peintre belge qui voulait faire un portrait de moi. L’artiste n’avait même pas eu le temps de commencer à faire mon portrait, je lui ai demandé si je pouvais peindre. Il m’a posé la question de savoir si j’avais déjà peint auparavant, je lui ai répondu oui, tout le temps dans ma tête. Avec le consentement de l’artiste, j’ai réalisé une œuvre abstraite figurative représentant une femme triste et enceinte. Il m’a laissé tout son matériel et m’a dit de continuer à peindre. Il est revenu quelque temps plus tard pour constater l’évolution de mon travail. La dernière fois que je l’ai revu, il m’a apporté une petite toile… il m’a encouragée en me disant : « tu dois exploiter ton talent caché ». Depuis, je ne l’ai plus jamais revu.
Peut-on dire aujourd’hui que vous avez atteint ce que vous cherchiez ?
Non, je suis dans une démarche de recherche permanente, j’aime l’art sur tous les plans. Je continue à dessiner des modèles de vêtements, je revisite les meubles anciens, je touche un peu à tout. C’est le début d’une belle aventure. Je suis tout le temps dans des changements perpétuels car je ne suis pas satisfaite de mon travail. Comme je n’aime pas la monotonie, mes toiles sont différentes les unes des autres. Les passionnés d’art qui viennent découvrir mes œuvres sont parfois surpris. Ils sont surpris par la diversité de mon travail. Cela me représente, je suis une diversité (rires).
Que souhaitez-vous montrer ou démontrer à travers votre art ?
Je ne me pose pas la question de savoir ce que je vais démontrer, je peux partir d’une idée bien définie, au fur à mesure je me laisse emporter par mon intuition et la toile se construit toute seule. J’ai appris à laisser travailler mon instinct. Je prends beaucoup de risques pendant la réalisation d’une œuvre ; je suis fascinée par la création, j’utilise toutes sortes des matières pour pouvoir réaliser une toile. Je ne jette rien. Mon atelier est le seul endroit où je suis face à moi. J’ai mis des enfants au monde, j’ai créé mes toiles…
Quelle est l’œuvre phare de votre création ?
C’est comme si vous me posiez la question : « Parmi vos enfants, lequel préférez-vous ? » Chaque toile est différente, chaque œuvre a son histoire, il y a celles qui sont faites dans le moment des douleurs et d’autres dans les moments de bonheur. Quand elles partent, j’ai la même sensation de tristesse, j’ai du mal à les laisser partir. Quand une de mes toiles part, c’est une partie de mon histoire qui s’envole. Je les aime toutes de la même façon. Je ne les laisse pas partir chez n’importe qui.
Qu’est-ce qui inspire votre travail ?
Beaucoup de choses me stimulent, une émotion, il suffit de regarder autour de nous, nous vivons dans un grand musée ! La peinture m’a appris (à avoir) le sens de l’observation, je suis en permanence en observation, je vous avoue que c’est parfois difficile. J’ai, parfois, envie de me déconnecter de ce monde de réflexion pour vivre tout simplement ! Tout m’inspire et rien ne m’inspire ! L’idée de créer quelque chose à partir de rien me stimule. Un moment de solitude me pousse à la méditation, et puis la lecture. J’ai réalisé beaucoup de toiles en lisant Et si nous inventions notre vie ? de Jacques Salomé
Quelle est l’œuvre d’un artiste qui a bouleversé votre vision de l’art ?
(Rires) L’œuvre de Dieu, Pablo Picasso, est une œuvre d’art, je suis fascinée par le personnage, j’ai regardé beaucoup de documentaires sur lui à la télé, j’aime son côté spontané, libre, Pablo Picasso me stimule énormément, il me pousse à aller très loin dans ma démarche artistique. C’est un grand artiste. Pour revenir à votre question, Guernica, par la grandeur de la toile et le message, a bouleversé ma vision de l’art. La bataille d’Anghiari de Leonard de Vinci, c’est tellement réaliste et mouvementé. Très impressionnant. Je suis allée à l’expo de Dali, il est exceptionnel, très avant-gardiste
Quel artiste vous fascine ?
Pablo Picasso… et aussi, Twims Seven Seven ; j’aime le sujet qu’il aborde dans ses œuvres, il est très ethnique , comme beaucoup d’artistes il y a quelques années j’avais eu un moment de doute, je suis allée sur internet, je suis tombée sur une de ses toiles qui m’a donné envie de continuer, la rencontre avec une de ses œuvres fut magique… Pablo Picasso, Marlène Dumas, vous savez il y en a n’a tellement que je ne peux pas tous les citer.
Avez-vous des projets en cours pour l’Afrique ?
Pour l’instant non, mon souhait à long terme est d’y aller régulièrement pendant les vacances, afin de me ressourcer.
Où peut-on découvrir votre travail ?
Sur ma page Facebook ou dans mon atelier de peinture à Verviers
Propos recueillis par Guillaume Disiyi N’Dosimao (AEM) Abidjan