La défense en ligne de Barcelone, Mwana Kasongo aurait dit : « Tamuponona Flick »

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Pierre Mwana Kasongo (3ème, accroupi, avec ses coéquipers des Léopards. En bas, à gauche Hans-Dieter Flick, à droite Louis Watunda | Photomontage@AEM

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ous sommes à la fin des années 70 à Kisangani et le Tout Solide Malekesa vient de recruter l’entraîneur Watunda Iyolo surnommé « Prof ». Ce coach est auréolé de la réputation du beau football de son ancien club Vijana de Kinshasa que la presse appela « l’Ajax du Zaïre » pour son jeu basé sur une à deux touches de balle, le fameux tiki taka. Cet entraîneur a débarqué avec 7 de ses anciens joueurs de Vijana pour gagner du temps. Ce n’est pas du football que Malekesa propose mais un ballet qui enchante. Pour ne pas se laisser dépasser le grand rival l’AS Nika recrute, à son tour, l’ancien Léopard et ancien professionnel en Belgique dans les années 60 Mwana Kasongo, rien que ça ! À l’issue d’un troisième match que Malekesa venait encore d’illuminer, avec mon pote et coéquipier Liaka Roger Kidjoza, nous voyons Mwana Kasongo sortir de la tribune d’honneur lâchant avec assurance en swahili de Katanga et avec sa voix mi-rauque : « Tamuponona, Tamuponona » (Traduisez « Je vais le tuer, je vais le massacrer »). Celui qu’on appelait « Bombardier » quand il jouait faisait référence à Watunda, il assurait qu’il avait tout pigé de son système de jeu et qu’il allait lui marcher dessus. 

À l’ombre ou à côté du duel de ces deux entraîneurs qui, par la suite avaient dirigé l’équipe nationale « Les Léopards », l’équipe du CS Makiso présidée par le Grec Spyros Caracas subjuguait Kisangani (Ma Jérusalem) avec le système imparable d’une défense qui joue en ligne. En libéro son capitaine Alitunonge, un super défenseur au soir de sa carrière en était le métronome. C’est lui qui donnait le signal pour ces quelques foulées, parfois juste sur un mètre pour mettre les adversaires hors jeu. Le recours systématique à cet alignement défensif avait fini par montrer ses limites. Makiso y renonça tout comme… le reste du monde. La défense en ligne n’a plus jamais été pratiquée systématiquement mais sur des situations qui exigeaient une synchronisation parfaite. Car un latéral qui reste 20 centimètres derrière les centraux permet aux attaquants adverses de se retrouver seuls face au gardien.

Flick finira par y renoncer ou à en modérer l’usage

La claque infligée récemment par le FC Barcelone au Bayern de Munich et au Réal de Madrid a ressuscité la magie, l’efficacité insolente de la défense en ligne. Les amoureux du foot sont en pâmoison devant cette intelligence tactique d’apparence implacable. Avec en plus la précision diabolique de la VAR au millimètre près, les attaquants adverses font exploser leurs statistiques en hors jeu.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette façon de défendre est archaïque et la plus fragile quand on l’utilise d’une manière systématique comme Barcelone. Cet alignement qui, grâce à la VAR, se joue à très peu de choses, à une mèche de cheveu qui dépasse, comporte beaucoup de risques. Le nombre effarant de buts refusés est à la fois rassurant et préoccupant, préoccupant parce que ça n’a pas tenu souvent à grand-chose.

C’est l’attaque de Barcelone qui en sauve les apparences

Le Barça s’autorise sereinement la défense en ligne grâce à son attaque prolixe en ce moment. Mais à 0-0, menée ou avec une avance d’un seul but lors d’un match à élimination directe, pas sûr que cette équipe jouerait la ligne comme elle le fait.

Globalement, toutes les équipes jouent la défense en ligne à un moment ou un autre sur les 90 minutes, mais la systématiser est un luxe que s’offre Barcelone grâce à ses nombreux buts marqués mais ses attaquants ne seront pas tout le temps à la noce et pas sûr qu’ils feront toujours la course en tête au score. Tous les entraîneurs savent comment battre en brèche une défense en ligne et Flick va s’en rendre compte très vite. Avec des adverses qui sauraient tenir le ballon, forts en un contre un, le club catalan déchanterait.

Si Mwana Kasongo avait pu croiser le fer avec Flick et sa défense en ligne, il aurait fait la même déclaration que face à Watunda car, pour mémoire, il y était parvenu.|Botowamungu Kalome (AEM)