Les avis éclairés du Dr Vunda Mudiama Aaron sur l’hypertension et le diabète qui ont emporté Madilu et dont souffrent de plus en plus de Congolais

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L es différentes versions reçues par la rédaction d’Afriqu’Échos Magazine (AEM) semblent confirmer que Madilu Bialu souffrait de l’hypertension artérielle et du diabète, deux maladies qui seraient à la base de son décès. Au-delà du cas de ce chanteur, force est de constater que le taux de prévalence de ces deux affections dans la diaspora congolaise est inquiétant. Nous avons, à cet effet, jugé opportun de solliciter les avis éclairés d’un médecin pour en savoir plus sur ces maladies. Et encore il fallait trouver un médecin qui sache parler simplement et clairement, avec pédagogie, de ces deux pathologies. Cela donne un éclairage très intéressant signé du médecin congolais Vunda Mudiama Aaron (sur la photo), docteur en médecine de l’université de Kinshasa, spécialiste en chirurgie pédiatrique de l’université de Rennes (France). Après avoir travaillé dans la région de Nantes (France), il est aujourd’hui responsable des Urgences chirurgicales pédiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) en Suisse.

AFRIQU’ÉCHOS MAGAZINE (AEM) : Docteur, de plus en plus de Congolais souffrent du diabète et de l’hypertension, c’est une évolution ou simplement une réalité qu’on découvre puisqu’ils consultent davantage les médecins ?

Dr VUNDA MUDIAMA AARON : Les deux, il me semble. Les moyens diagnostics sont plus accessibles actuellement, les médecins sont plus alertes et contrôlent volontiers ces paramètres dès qu’il y a quelques facteurs de risque chez un de leurs patients.

D’autre part, la vie quotidienne du Congolais est devenue plus favorable au développement de ces maladies. Comment ne pas être hypertendu quand on est en stress permanent par rapport à son pays en guerre, sa famille nombreuse à supporter (frères, soeurs, parents, parfois plusieurs épouses et enfants), sa situation administrative complexe dans le pays d’accueil, un emploi sans assurance du lendemain et pour les artistes, les contraintes de l’image de soi a véhiculer auprès des fans.

Par ailleurs, notre alimentation est trop riche en sel, en sucres divers (dont les féculents), trop grasse et quelques fois beaucoup trop arrosée en alcools forts. C’est une véritable bombe à retardement pour le coeur et les artères mais aussi pour le foie et le pancréas. Le pancréas qui produit de l’insuline pour digérer le sucre que nous consommons est détruit par l’alcool et le diabète trouve un terrain de prédilection pour s’installer. Sans compter que les activités physiques sont souvent trop faibles pour permettre de dépenser les trop nombreuses calories que nous consommons dans notre alimentation et qui finissent par devenir nuisibles à la santé. Pour ceux qui fument en plus…

AEM : Madilu souffrait de l’hypertension et du diabète, l’une des affections aurait-elle pu être un facteur aggravant pour l’autre ?

Dr VUNDA : Le diabète non ou mal contrôlé cause des dégâts sur presque tous les organes et son effet sur les artères aggrave l’hypertension. Les reins qui dans certaines conditions jouent un rôle dans la stabilisation de la tension artérielle sont eux aussi affectés par le diabète et ne sont donc plus très efficace dans ce rôle.

AEM : Madilu avait visiblement une surcharge pondérale (excès de poids), cela pouvait-il provoquer ou aggraver l’une de ces maladies ?

Dr VUNDA : La surcharge pondérale de Madilu frappait à l’oeil et inquiétait certains de ses fans, pas toujours hélas, ceux qui l’approchaient suffisamment pour pouvoir lui en parler. Avec ce surpoids, il y avait sans doute un taux sanguin trop élevé de cholestérol, ces graisses dont on sait que leur sous-groupe dit LDL, à faible densité est très nocif pour les artères. Ce LDL cholestérol agit dans les artères comme le calcaire dans la tuyauterie, en les bouchant, par dépôt d’une plaque dure appelée athérome.

Pour un coeur surchargé qui doit déjà lutter très fort comme une petite pompe devant alimenter un corps trop gros, se retrouver devant une tuyauterie partiellement bouchée (artères avec des plaques d’athéromes) devient un vrai calvaire. La pression du sang circulant va indiscutablement augmenter avec toutes les conséquences néfastes : maux de tête, vertiges, palpitations cardiaques, etc… La pression du sang dans les artères est justement ce que l’on appelle en médecine tension artérielle.

L’hypertension chez les personnes avec des plaques d’athéromes peut détacher un petit bout de cette plaque qui va librement circuler et aller boucher une artère du cerveau, provoquant un accident vasculaire cérébral (AVC) souvent foudroyant en dehors d’une prise en charge énergique dans les 30 minutes. On sait qu’une réanimation dans les 30 minutes à Kinshasa est un rêve pieux.

L’obésité, l’alimentation trop grasse et trop salée (kisalakindeki, anchois…), l’absence d’activité sportive, la consommation de tabac sont des facteurs aggravants en cas d’hypertension artérielle que chacun de nous peut parfaitement contrôler.

Ces facteurs environnementaux sont hélas, médiatisés à contre-courant dans certains milieux congolais où être gros paraît encore comme signe de meilleure santé, de bien-être et d’opulence et considéré comme stigmate du bien vivre et bien manger. Nous devons faire beaucoup d’efforts de prévention pour enrayer cette escalade des décès parmi les Congolais. Je dois ajouter que pour être diabétique ou hypertendu, ou pour avoir un taux sanguin trop élevé de cholestérol, il ne faut pas nécessairement être obèse.

AEM : En cas de crise simultanée de diabète et d’hypertension, quel est le protocole médical ? Y a-t-il une maladie qu’on traite en priorité ou on s’attaque aux deux en même temps ?

Dr VUNDA : Il n’est pas rare d’avoir un hypertendu en coma diabétique avec des tensions artérielles très élevées. Il faut s’attaquer aux deux mais le meilleur moyen est encore de prévenir les deux maladies de s’installer. Il existe certes des prédispositions au diabète comme à l’hypertension artérielle mais ce sont des facteurs environnementaux qui les installent. On peut les prévenir en luttant contre ces facteurs que je viens de citer.

AEM : Au delà du traitement médical, à quel type d’hygiène de vie serait contrainte une personne qui souffre de ces deux maladies ?

Dr VUNDA : Pour un hypertendu : éviter le stress, éviter de prendre trop de poids, arrêter de fumer, de manger trop gras et trop salé, avoir une activité physique pour maintenir le coeur en forme. Pour un diabétique, respecter un régime alimentaire avec consommation modérée de sucre, arrêter toute consommation de boissons alcoolisées, soigner énergiquement toute plaie.

Dans les deux cas, consulter un spécialiste régulièrement, respecter les traitements et les régimes prescrits et se soumettre à des contrôles périodiques. La prévention reste le meilleur moyen de rester en bonne santé.

AEM : La rumeur racontait que Madilu souffrait d’une plaie incurable, au cas où cela s’avérait, le diabète en aurait-il été la cause ?

Dr VUNDA : S’il avait une plaie incurable et qu’il était diabétique, le diabète dans la mesure où il était mal équilibré comme on a pu le lire, empêchait la guérison rapide de cette plaie, c’est évident. Il a dû en souffrir. À condition que cette rumeur soit avérée car je ne peux me permettre un diagnostic sur base de rumeur.

Je suis médecin mais également mélomane, laissez-moi finir cette interview en souhaitant que l’âme de Madilu System repose en paix.|Propos recueillis par Botowamungu Kalome (AEM)