C ’est le genre d’histoires qui se moquent des frontières de toutes sortes : À l’origine, des exilés angolais en RDC qui bricolent pour pouvoir sonoriser et amplifier leur musique jouée avec des instruments traditionnels. Cela donne un son original, unique dans le monde et qui entre dans le patrimoine de leur pays d’accueil. Une musique qui a déclenché une ambiance de folie, le samedi 9 août dernier, au festival « Les Escales » de Saint-Nazaire (50 km de Nantes en France). On y a dénombré au moins plus de 5.000 personnes, de tous âges, comme envoûtées. À certains moments, les applaudissements du public étaient tellement forts qu’ils couvraient la musique diffusée par la sono qu’on n’entendait plus. Renversant ! Les chanteurs ont beau scandé à l’envi : « Congo Kinshasa, Congo Kinshasa », ce soir-là le public français s’était approprié cette musique qui n’avait, à l’origine, que les fêtes familiales et les veillées mortuaires pour cadres d’expression.
La colonne vertébrale de cet orchestre est constituée de trois likembé (piano à pouces) et un ngongi, un instrument constitué de quatre cônes métalliques sur lesquelles on frappe avec un bâton. Ce dernier instrument justement est joué par celui qui incarne cet orchestre : le doyen Mingiedi. Les rôles des likembé sont repartis comme dans un orchestre congolais typique : solo, accompagnement et basse. Si le soliste place son instrument au niveau de la taille, le bassiste lui, très âgé, tient son likembé plus haut au niveau des coudes : comme un jeune écolier qui veut assurer lors de ses premiers exercices d’écriture. Si le soliste et l’accompagnateur lâchent des notes plus légères qui s’envolent, lui apporte de la volupté. Mais quand il faut lâcher les chevaux, ce sont le batteur et le musicien qui joue les congas qui se déchaînent. Devant, la chanteuse Pauline et Gaston, chanteur et animateur principal, font le show. Les déhanchements de la chanteuse ont beau être répétitifs, ils produisent à chaque fois la même magie auprès d’un public qui rythme les pas de danse de Pauline avec des battements de mains.
À la fin du concert, une très belle jeune fille se dirige vers moi, esquisse un grand sourire, ses yeux bleus brillent… arrivée à ma hauteur, elle me lance : « Merci ». Elle ne connaît pas ma nationalité, ne l’a même pas devinée et manifestement tenait simplement à remercier un Noir pour ce bonheur que lui a donné Konono n°1. Il est ainsi des signes qui attestent la réalité et l’assise de l’audience internationale d’un groupe. Rien à voir avec ces concerts au Zénith et Bercy ghettoïsants qui n’attirent que la diaspora congolo-angolaise. Il est ainsi des jours, où l’on est tellement fier de ses origines et surtout de sa culture par ce qu’elle peut apporter de prétexte à rencontre avec l’autre, et qui nous rappelle que l’hospitalité repose celui qui est accueilli et enrichit celui qui accueille. En cela, l’histoire de Konono n°1 mériterait d’être contée, au coin d’un feu, aux générations à venir.|Botowamungu Kalome (AEM)