Ce que ses communicateurs avaient pensé et promu comme une image glorieuse restera, finalement, celle d’une première dame qui se mue en une vulgaire égérie publicitaire d’une compagnie privée de téléphonie mobile. Télévisions et médias en ligne ont ainsi diffusé des images de Denise Nyakeru Tshisekedi en train de distribuer des pains dans des bassines en plastique barrées du logo de la société « Airtel ». Prêter son image d’épouse du chef de l’État à la promotion d’une entreprise privée au bénéfice de sa fondation et en utilisant les moyens de la présidence, l’épouse de Félix Tshisekedi a mélangé publicité et bienfaisance qu’est venu coiffer, par-dessus tout, un détournement des moyens de l’État au profit de sa fondation qui est une entité privée.
Lorsqu’une fondation, une ONG, une agence des Nations-Unies reçoivent de l’aide financière des privés, elles peuvent l’indiquer dans leurs documents de communications mais l’aide matérielle ou alimentaire remise aux sinistrés ne peut porter le logo d’une entreprise à but commercial. Le contraire c’est passer d’un don à un sponsoring qui comporte un caractère publicitaire. En se faisant filmer et photographier avec des bassines sérigraphiées « Airtel », l’épouse du président de la république a très maladroitement prêté son image pour la promotion d’une entreprise privée. Rien d’illégal même si une justice tatillonne vérifierait s’il ne s’agit pas d’une opération classique de publicité camouflée en don, donc possiblement exonérée de taxes et impôts.
Tant qu’à faire une connerie, il faut la faire d’une manière extensible et exaltante. C’est ici que la présidence est venue joyeusement empirer la situation. Dans une envolée lyrique avec des trémolos à n’en point finir, le « Bureau du conjoint du président de la république » a publié un communiqué de presse et réalisé un élément vidéo faisant la promotion de cette action. La fondation de la première dame étant une entité privée avec une personnalité juridique et des moyens distincts de la présidence, la réalisation de cette vidéo par le personnel de la présidence avec les moyens de l’État est une confusion des genres que la loi appelle « détournement ».
Gênée aux entournures par Olive Lembe Kabila et Hamida Shatur Kamerhe
À l’image du mari de la reine d’Angleterre cantonné aux œuvres de charité et à la défense de l’environnement pour tout rôle officiel, les premières dames en Afrique sont engagées sur des créneaux similaires : lutte contre le sida et la drépanocytose, aide à l’enfance abandonnée, émancipation de la femme, soutien à la scolarisation des jeunes filles… Des terrains où rivalisent d’ardeur, d’un côté, l’ancienne première dame Olive Lembe Kabila subitement multimillionnaire avec une activité agricole à échelle industrielle et promotrice d’un hôpital dit « ultra moderne » et, de l’autre, Hamida Shatur Kamerhe qui commençait à claquer comme il n’était pas permis.
Sacré casse-tête pour la première dame dont son seul côté glamour ne lui permet pas d’exister. Une fondation en son nom sera lancée et un dîner permet un tour de table qui rapporte plus d’un demi-million de dollars. Pas assez pour rivaliser, car une certaine presse et une bonne partie de l’opinion opposent les trois dames. Forte de ses affinités avec quelques journalistes et de sa générosité envers les artistes, Olive Lembe Kabila est bombardée « Mama wa roho » (femme de cœur) et Mama Cadif (Celle qui résout les cas difficiles, les cas désespérés). Lorsqu’elle cueille quelques tomates ou quelques feuilles de manioc de ses plantations ou enlace un lionceau du jardin zoologique de son mari, ses fidèles en parlent comme du premier pas de l’homme sur la lune.
La compassion ostentatoire
Dans ce combat d’images, l’ancienne première dame et la nouvelle se livrent à une surenchère compassionnelle jamais connue dans ce pays. Les familles éplorées, les veuves, les orphelins ont droit à des visites de réconfort couvertes par une meute de journalistes bien intentionnés qui nous donnent à admirer ces nouvelles Mères Teresa. Bien sûr que toutes les morts ne se valent pas : il s’agit des défunts qui ont été des célébrités ou dont la mort avait suscité une grande émotion au sein de l’opinion nationale. L’étreinte d’Olive Lembe Kabila ou de Denise Nyakeru Tshisekedi pour te consoler de la mort d’un proche ne s’obtient que selon le poids émotionnel et des éventuelles retombées médiatiques. Par ailleurs, les familles qui reçoivent ces visites dites de compassion sont ensuite regardées comme des gens qui ont reçu des millions. Un souci de plus à gérer avec des parents suspicieux qui souhaiteraient avoir leur part.
La publicité des actes de solidarité et de générosité a des vertus pédagogiques, mais leur exploitation politicienne est vile et, en passant, asservit leurs thuriféraires. La charge morale de la première dame exige d’être très regardante sur chaque détail et de relativiser l’importance de la communication.|Botowamungu Kalome, rédacteur en chef (AEM)