L’opposant Félix Tshisekedi l’avait promis : tous les cachots clandestins des services des renseignements et de sécurité allaient fermer dès son arrivée aux affaires. Puis, arrivé au pouvoir, violemment touché sans doute autant qu’époux que chef de l’État par des déclarations d’une militante d’un parti d’opposition, l’ancien président annonçait qu’il sera « intolérant envers ceux qui useront du mensonge pour attaquer le pouvoir et qu’ils devront aller remplir les maloko (prison au pluriel) ». Ceci explique-t-il cela ? Le journaliste Stanis Bujakera est incarcéré depuis le samedi 9 septembre pour « propagation de faux bruits » suite à un article de Jeune Afrique dont il n’a pas été l’auteur et sans être non plus directeur de publication du magazine concerné. Inexplicable.
Cette affaire repose sur un rapport attribué à l’Agence nationale des renseignements qui a été exploité dans un article de l’hebdomadaire Jeune Afrique concernant l’assassinat du député Chérubin Okende. Le confrère Stanis Bujakera paierait, en effet, le seul fait d’être collaborateur de ce média car ce que l’on présente comme « faux bruits » et « fausses infirmations » a tout l’air d’une guerre entre services. Tout le gotha sait que dès le lendemain de ce drame un service s’est empressé de divulguer cette « information » sur le mode « Qu’on ne nous fasse pas porter le chapeau de cette séance de torture psychologique ou physique qui a mal tourné et qu’ils ont malhabilement maquillée en criblant un corps sans vie des balles ».
Qu’est-ce qui expliquerait l’incarcération de Stanis Bujakera ? Occuper les esprits pendant cette pesante attente de la vérité sur la mort de Chérubin Okende ? Ce n’est pas non plus impossible qu’il s’était agi « juste » de l’empêcher d’aller couvrir une manifestation de l’opposant Moïse Katumbi. L’on assiste hélas à une énième interpellation et/ou incarcération d’un journaliste, d’un artiste ou d’un défenseur des droits humains, de quoi faire pâlir d’envie l’ancien régime que l’actuel pouvoir vilipendait sur la question. Pour se donner de la matière, les services pourraient « perquisitionner » son téléphone et découvrir des crimes du genre avoir passé des coups de fil au pays de l’ex-frère Paul Kagame à des gens à qui il aurait révélé que le président Félix Tshisekedi adorait le matamba… Au passage, si on trouve des nudes on pourrait les balancer sur la toile la veille de sa libération.
Pas rassurant du tout surtout si on se rappelle que trois hauts responsables en charge de sécurité et collaborateurs directs de Félix Tshisekedi ont été accusés d’« atteinte à la sûreté de l’État » puis libérés sans être formellement blanchis. Serions-nous face à un dysfonctionnement devenu atavique ou des méthodes d’intimidation et de répression consciemment et opportunément utilisées ? La réponse viendra de Félix Tshisekedi.
Post scriptum : je rappelle juste pour ceux qui sont nés après, en 2018 Stanis Bujakera avait été nommé, par ordonnance présidentielle, au sein de la cellule de communication et il avait décliné l’offre avec cette courte déclaration : « Ni demandeur ni preneur ».|Botowamungu Kalome (AEM)