
S uite à notre reportage du concert de Wenge Musica Maison Mère au Zénith de Paris, Noël Ngiama Werrason a souhaité réagir aux critiques émises sur les facettes obscènes de la dernière danse de ce groupe. Sur un ton dénué de toute polémique, dans un entretien empreint de correction, nous avons recueilli les propos d’un Werrason droit dans ses bottes qui assume tout et déclare que tous ceux qui se sont déplacés dans la salle parisienne savaient à quoi s’attendre. Le chanteur s’est également exprimé sur l’aide promise aux déplacés du Nord-Kivu, ainsi que sur le retard avec lequel le concert a commencé et pour lequel il présente ses excuses aux mélomanes.
AFRIQU’ECHOS MAGAZINE (AEM) : Vous aviez promis de reverser une partie de votre cachet du concert du Zénith pour les déplacés du Kivu, comment concrètement cette aide va être apportée aux concernés ? Le serait-elle par le biais de votre fondation ?
NOËL NGIAMA WERRASON (NNW) : C’est effectivement par le canal de ma fondation que cette aide en matériel, nourriture et vêtements, sera acheminée vers Goma où nous avons des réseaux et un fan club. Mes collaborateurs Monib, le directeur de marketing et commercial du groupe Wenge MMM, Alici Baba et Jeannot Pétrole vont s’occuper de l’achat de ces biens de première nécessité. Au besoin, pour sécuriser cet envoi, nous allons recourir à la MONUC qui est présente sur le terrain. C’est une région où, par le passé, nous avions livré un concert humanitaire en faveur des victimes d’une éruption volcanique. Je signale en passant que l’un de mes chanteurs, Cappuccino, est originaire de cette région. Raison de plus pour que je sois particulièrement touché par la situation qui prévaut là-bas.
AEM : Comment pouvez-vous expliquer le retard de trois heures avec lequel vous avez commencé le concert ? Par ailleurs, pourquoi personne n’a expliqué aux mélomanes présents l’absence des invités annoncés et confirmés même dans la semaine ?
NNW : L’une des raisons de ce retard, dont je m’excuse sincèrement, est que certains compatriotes ont profité de la situation ( qui prévaut ) dans l’Est du pays pour tenter de saboter ce concert. Jusqu’au jour « j », voire devant la salle du Zénith, ils ont déployé des banderoles appelant au boycott de ce concert. L’autre raison tient au fait que Wenge Musica n’était pas le seul groupe programmé pour ce soir-là dans cette salle. J’étais à l’heure mais à mon arrivée, il y avait un autre artiste : Mokobe qui se produisait de 21 h à 0 h 30. Il fallait ensuite évacuer et nettoyer la salle et cela a pris au moins une heure et demie. Jusque là, il y avait très peu de monde, environ 300 personnes, et ce n’est que plus tard que les gens ont commencé à affluer. C’est donc seulement vers 2h30 que mon groupe a pu monter sur scène. Encore une fois, je présente mes excuses au public, ce que je n’ai pas pu faire dans la salle car on avait déjà pris du retard et il fallait gagner du temps. Quant aux invités (Nicolas Anelka, Trésor Lualua et Claude Makelele), ils ont simplement cru, avec cette campagne de boycott, que le concert n’allait pas avoir lieu. Vous savez, Anelka et Lualua habitent loin de Paris. Ils m’ont appelé le lendemain regrettant de n’être pas venus. Sinon, Trésor Lualua dont on a fait la publicité de sa ligne de vêtements, a envoyé des vêtements pour les musiciens. Il promet par ailleurs de faire un don en faveur des populations de Goma.
AEM : Certains de vos artistes également annoncés n’étaient pas là non plus. C’est le cas d’Eboa Lotin…
NNW : Effectivement, le chanteur Eboa Lotin, trois danseuses et deux claviéristes n’ont pu venir, faute de passeports. Ils avaient des passeports ordinaires mais il n’y avait plus de page vierge pour le visa. Nous avons pu leur obtenir des passeports de service mais l’ambassade de France a refusé d’apposer le visa sur ce document. Sinon, les cinq nouveaux chanteurs, que les mélomanes ont découverts dans Temps présent dont Deplic, Café Rhum, Diego, Lobeso…ont été à la hauteur et j’en suis très fier.
AEM : Votre spectacle était très élaboré, structuré avec des chorégraphies bien rodées, les mains sur les parties intimes qu’on a vues étaient-elles prévues ou s’agissait-il des gestes spontanés dans le feu de l’action ?
NNW : La danse Lobeso, que nous avons présentée lors de ce spectacle est une danse traditionnelle de notre pays. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que nous l’avons exécutée en public. Vous en avez la preuve par les images avec les clips de notre dernier album Temps Présent. Personne, ou mieux aucune danseuse, ne s’est présenté nu sur scène. Je n’ai donc rien à me reprocher…
AEM : Ces gestes ont été jugés obscènes par beaucoup de personnes, les assumez-vous ou les regrettez-vous plutôt ?
NNW : Comme je viens de le dire, la danse Lobeso est plutôt très appréciée par un large public. Et la plupart des gens qui se sont déplacés en masse au Zénith en connaissaient l’existence. Autrement, ils ne seraient pas venus assister à ce spectacle, ou alors, ceux qui sont venus auraient aussitôt quitté la salle, choqués. Du reste, nous savons pertinemment que notre public, en Europe, est plutôt cultivé et nous savons donc nous fixer des limites dans nos faits et gestes.
AEM : Vous êtes « ambassadeur de la paix », vous avez une action humanitaire reconnue auprès des jeunes de la rue, comprenez-vous que les gens veuillent que vous soyez exemplaire en tous points parce que vous êtes un modèle pour beaucoup de jeunes ?
NNW : Je crois avoir répondu à cette question. Les jeunes qui nous suivent, ainsi que les parents, peuvent nous faire confiance. Encore une fois, je tiens à souligner que nous savons nous fixer des limites.
AEM : Généralement, les gens qui viennent assister à vos concerts veulent aussi s’éclater, danser au même rythme que les artistes. Avec vos numéros d’acrobatie, les gens avaient plutôt du mal à suivre…
NNW : À chacune de nos productions, notamment dans une grande salle comme le Zénith où il n’y a pas que les Congolais, nous avons toujours le souci de présenter du nouveau, et c’est ce que nous avons fait. Nous avions d’ailleurs annoncé que ce Zénith serait différent de nos précédents concerts.
AEM : Vous avez pris position contre la guerre en RDC mais cela n’a pas empêché certains Congolais de s’en prendre à vous, qu’est ce que vous en dites ?
NNW : Ce sont des gens qui se soucient du bien-être de notre Congo et que je soutiens. Je suis de cœur avec tous ceux qui veulent le bien-être du peuple congolais dont je fais partie. Mais il faut que ce combat soit mené de manière loyale et non pas dans la violence. La violence n’apporte rien… Comment aurais-je pu ne pas jouer alors que le producteur avait déjà engagé des frais ? Avant notre départ de Kinshasa, j’ai commandé, avec mes fonds propres, des t-shirts avec le message « Ne touchez pas à mon pays ! S.O.S Goma ». Ces t-shirts ont été distribués à Kinshasa et ici en Europe à notre arrivée. C’était pour porter un message et j’espère que ce message est tout de même passé. J’aime bien mes frères ; et tout ce que je fais, c’est pour valoriser l’artiste, promouvoir notre culture et participer au rayonnement de notre pays. S’ils me demandent de ne plus jouer à l’étranger, de ne plus exercer mon métier, à cause de la situation dramatique qui sévit à l’Est du pays, pourquoi tout le monde n’arrêterait-il pas alors de travailler ? Or, ici en Europe, tout comme au pays, chacun doit travailler pour gagner son pain. Et puis, tous les autres artistes sont libres de venir se produire en Europe, mais pourquoi pas Werrason ? J’ai à ma charge au moins 100 personnes, musiciens, personnel administratif et autres ; pour cette tournée, je suis à la tête d’une délégation d’au moins 40 personnes. Comment pourrais-je les payer si je dois annuler mes productions ? Pourquoi nos stars du football, et autres disciplines sportives, sont-elles libres d’évoluer y compris à l’étranger et pas nous, artistes musiciens ? Comme tous mes compatriotes, je suis en faveur du changement et de l’amélioration des conditions de vie dans notre pays, le Congo. Raison pour laquelle j’ai toujours été actif à travers les actions humanitaires menées par ma fondation. Nous avons apporté assistance aux victimes du crash de Kinshasa, de même que nous avons toujours apporté notre soutien aux hôpitaux… Après ce concert du Zénith, je vais bientôt reverser les 10 % de mon cachet à ma fondation en faveur des déplacés de la guerre au Kivu. Parmi ceux qui veulent saboter mes productions, combien seraient prêts à verser les 10 % de leur salaire pour une action du genre ? Je salue ici les douze jeunes d’un mouvement à Paris qui sont venus me voir à l’Hôtel Ibis et m’ont invité à la marche de protestation qu’ils ont organisée, marche à laquelle je n’ai pu participer, celle-ci ayant été retardée de plusieurs heures par rapport à l’heure convenue. Je déplore d’ailleurs les incidents qui ont émaillé cette manifestation.
AEM : Quelle est la suite du programme de la tournée de Wenge MMM ?
NNW : Nous préparons un opus de 4 chansons + 1 générique intitulé « Techno Malewa, ne touchez pas à mon pays », qui sortira en décembre chez Diego Music. Les travaux d’enregistrement débutent ce mercredi.
Côté scénique, Herman Kaba compte nous produire à Lyon mais la date de ce concert n’est pas encore confirmée. Nous sommes également réclamés à Luanda et à Lubumbashi où notre sponsor va inaugurer sa nouvelle usine. Nous irons donc en Afrique pour quelques semaines et reviendrons en Europe pour poursuivre notre tournée jusqu’au début de 2009.
Pour terminer, je tiens à remercier ici mes fans ivoiriens, angolais, nigériens, congolais de Brazza, sud-africains, béninois et maliens qui étaient nombreux à mon concert du Zénith. Encore une fois, je leur présente toutes mes excuses pour ce retard et leur promets un double Olympia pour 2009 dont un concert au mois de juin où Wenge Musica MM sera programmé pour une pleine soirée.| Propos recueillis par Jossart Muanza (AEM)