
D ans une interview accordée hier à notre magazine, le chanteur Werrason vient de clarifier le sempiternel débat sur la dépravation des mœurs que charrie une certaine façon de faire la musique très en cours aujourd’hui. Dans l’histoire culturelle et musicale de la RD Congo, jamais le corps de la femme n’a été aussi chosifié, jamais les orchestres n’ont autant convoqué les fantasmes sexuels, jamais la chanson congolaise n’a autant colporté des allusions obscènes. Interrogé sur le fait qu’il s’était tenu son sexe au Zénith et qu’une de ses danseuses avait carrément plongé sa main dans sa culotte pour palper son sexe, Werrason a répondu que si les personnes présentes avaient été choquées, elles auraient quitté la salle. Puisque personne ne l’a fait, Werra assume et assure : « Personne ne s’est présenté nu sur scène. Je n’ai rien à me reprocher ».
Comment ne pas applaudir la pertinence de cette défense qui resitue bien les choses ? Le chanteur ne se reconnaît pas de responsabilité particulière sur la protection des mœurs ni sur la promotion des valeurs comme la pudeur. Quoi qu’il fasse, si le public le consomme, il aura eu raison de le faire. Une danseuse qui se palpe le sexe, ce n’est pas grave parce qu’elle ne s’est pas dénudée. Même si c’est juste un bout de tissu qui couvre son corps. En plus, si le public ne désapprouve pas en quittant la salle, pas de regret à exprimer. Oubliez, bonnes âmes, la notion de la majorité silencieuse. Dans le même registre, Koffi Olomide avait encore fait mieux sur la radio Mangembo : concernant les tenues de ses danseuses qui se présentent presque nues, il avait déclaré que ce n’était pas sa faute car ce n’est pas lui qui cousait ces tenues qui, dit-il, « sont en vente libre. »
Les postures pornographiques vues au Zénith ne seraient, pour Werra, que des phases d’une danse traditionnelle d’une ethnie congolaise appelée Lobeso. J’aimerais bien connaître cette ethnie où ses membres sont pris de démangeaisons sur le sexe dès qu’ils se mettent à danser. Qu’importe. Mais dorénavant, ceux qui amèneront les disques et DVD de Wenge MMM dans leurs foyers, tous les journalistes qui parleront ou écriront sur les chansons sur lesquelles on danse Lobeso, tous ceux qui se rendraient aux concerts de Werra… doivent savoir qu’ils seront désormais caution morale des palpations de sexe auxquelles se livrent Werra et ses pouliches sur scène. On les appellera des « porno-compatibles ». Ce raisonnement s’impose naturellement au-delà de Wenge MMM, c’est-à-dire à l’ensemble de la musique congolaise et même au-delà. Deux options s’offrent désormais à tous : cautionner des pratiques plus proches de la pornographie et des obscénités que de la musique ou écouter plutôt Frère Patrice Ngoy Musoko qui, dans sa chanson « Combien ? »( contenue dans l’album « Munduki »), dénonce ces dérives. Bien sûr qu’à Afriqu’Échos Magazine (AEM) nous nous demandons dans quelle mesure nous cautionnerons ou pas ces attitudes. Et vous saurez si nous sommes porno-compatibles ou pas.
L’autre Werrason n’a pas de leçons à recevoir
Werrason n’est pas uniquement une star qui se triture le sexe sur scène, j’ai envie de dire : Dieu merci ! Ce chanteur est également un Congolais qui, avec ses propres deniers, grâce à l’inspiration de son talent, essaie de soulager la misère de son prochain : des enfants de la rue, des sinistrés d’une éruption volcanique au Nord-Kivu et bientôt les déplacés de guerre dans la même région. À cet effet, nous trouvons complètement outrancière et antidémocratique la démarche de ceux qui ont essayé d’empêcher l’entreprise Wenge MMM d’honorer son contrat au Zénith. Très peu d’ailleurs, pour ne pas dire aucun, de ces « patriotes-moralistes » n’ont de générosité qui dépasse le cadre de leurs propres familles. Nous ne voyons pas de quel droit et au nom de quel type de nationalisme, certains s’arrogeraient le pouvoir d’empêcher les musiciens d’exercer leur travail sur le territoire européen. Les chantages qui entourent de plus en plus les concerts congolais au point de les prendre en otage est inacceptable. Au pire, s’il y en a un qui ne mériterait pas ce traitement c’est bien Werrason et, j’ai envie d’ajouter, même son soutien à Joseph Kabila n’est pas infamant.
Odon Kakesa, le fou du roi
Le journaliste n’est pas un chantre de la gloriole de nos stars à l’aura souvent surévaluée. C’est malheureusement ce que la pratique journalistique des vingt dernières années a laissé penser. Conséquence : le moindre article critique te vaut des accusations de haine ou au mieux de mauvaise foi. Notre reportage de l’Olympia de Kester Emeneya nous avait ainsi valu de pires qualificatifs et des accusations des plus fantaisistes. Auparavant, certains nous avaient gratifié d’insultes pour un autre article sur Papa Wemba. Pour celui du Zénith de Werra, ses fans ont été d’une conduite exemplaire, responsable : pas une seule accusation, pas la moindre injure, pas même le début d’une menace. Sans tomber dans les déductions philosophiques de leur idole, nous ne dirons cependant pas qu’ils partagent tout ce que nous avons écrit, loin de là.
Au contraire de ces fans exemplaires, un certain « Docteur Odon Kakesa », vivant en Hollande, a voulu faire du zèle en aboyant et en multipliant des gesticulations allant jusqu’à utiliser mon adresse personnelle pour m’asséner des propos de bas étage. En dehors de ces réactions contradictoires publiées dans notre forum, je vous laisse apprécier le caractère cyclothymique de ce monsieur à travers ces extraits des mails qu’il m’a adressés. Dans un premier temps, il envoya ce message à la rédaction : « Je me demande pourquoi votre collègue, éprouve-t-il du plaisir à dénigrer ses propres compatriotes, artistes musiciens de son pays, comme s’il était Rwandais ? Qu’-a-t-il contre Werra ? Pour qui roule-t-il ? ». Le lendemain, il se fut direct dans un mail qu’il m’adressa : « Je vais faire des investigations pour découvrir votre appartenance au groupe « Bana ya Congo ». Pensez-vous que vous êtes plus Congolais que tout le monde ? Quels sont vos investissements au pays ? Le reproche que vous venez de faire à Yanki est déjà le début de votre dégringolade. On va vous acculer jusqu’au bout du souffle. Si vous allez encore toucher à Werrason, par vos reportages mensongers, vous serez surpris de ce que je vais écrire sur vous, avec des photos à l’appui ». Le fan déchaîné confirma ses menaces un mail plus tard : « Je vais, comme promis, sortir un article avec des photos à l’appui, sur les motivations de votre acharnement contre Werrason. Ce n’est pas de l’intimidation, mais sachez que je vais vous faire mal, très mal avec cet article ». Vous vous doutez bien que nous l’avons mis au défi de publier cet article et ces fameuses photos. Résultat de la course, Odon Kakesa se fut soudainement conciliant : « S’il plait à Dieu, je vous inviterai tous les deux (avec Jossart Muanza) à venir couvrir le festival africain de Borne, aux Pays-Bas. Pour la RDC, il y’aura Werra et JB au menu. Les frais de voyage et de logement seront pris en charge par nous ».
Cette agitation n’est pas une surprise pour nous, car nous avions déjà observé le même délire avec, en plus, des relents racistes de la part de cet Odon Kakesa dans un article qu’il avait fait publier sur digitalcongo.net comme le montre cet extrait : « Et l’inculturation étant une lecture du message chrétien selon les schèmes mentaux de chaque culture, il appartient aux enfants de cette culture de prendre en charge leur évangélisation. De ce fait, la présence de ce pasteur « ndingari » (lisez ouest-africain) à la direction des affaires spirituelles des Congolais paraît, aux yeux de tous, comme un record de stupidité jamais atteint par un peuple ».
Quand un tel individu s’affiche comme fan et soutien de Werra, je plains ce chanteur et le comprends en même temps : les fans c’est comme sa famille, on ne les choisit pas contrairement à ses amis ou à son conjoint…|Botowamungu Kalome, rédacteur en chef (AEM)