Quand Nono Monzuluku et Bébé Mangituka lancent le phénomène des animateurs avec l’orchestre Zaïko Langa Langa, le lendemain du concert télévisé qui popularise leur apparition, le public les surnomme « atalaku », appellation empruntée à une onomatopée avec laquelle ils avaient introduit le concert. Bébé lançait « Atalaku » et Nono lui répondait « Zekete ». Suffisant pour que les gamins les identifient et les hèlent par ces deux cris d’animation. Cela a le don d’énerver Bébé qui arrose les enfants d’insultes au grand dam de Nono qui s’en ouvre à Jossart. Le chanteur et président du groupe musical prophétisera (propos rapporté par Bébé dans l’émission Liboke sur Youtube) : « Le public vous appellera atalaku, ça sera désormais votre nom et avec ce nom, vous allez faire carrière, vous allez bien gagner votre vie ». Prédiction avérée et si Bébé Mangituka s’est retiré de la scène, Nono Monzuluku se produisait encore jusqu’à 4 jours avant sa mort le mercredi 10 janvier 2024 en région parisienne.
Trois mots pour décrire la personnalité, le talent et le parcours de celui qu’on appelait « Empereur Nono Monzuluku ».
À jamais le premier : l’histoire retiendra qu’en 1981, l’orchestre Zaïko Langa Langa a enrichi la rumba congolaise avec un type d’artiste qui n’existait pas dans la musique moderne avec l’intégration des animateurs chargés de rythmer les pas de danse des chanteurs et des noceurs en symbiose avec les instrumentistes. Le phénomène va même gagner des musiques d’ailleurs. Avec Bébé Mangituka son complice, voisin de quartier et ami d’enfance, Nono Monzuluku restera LE pionnier et avec le retrait des scènes de Bébé, l’animateur détenait la longévité de carrière d’un atalaku : 43 ans.
Indispensable et impérial
L’Empereur n’était pas qu’un pourvoyeur des cris d’animation mais jouait également avec excellence d’un instrument : le shaker, une cannette vide remplie de petites pièces métalliques et ou de graines sèches. Les mélomanes ne prêtaient pas beaucoup d’attention à cet instrument dont Jimmy Yaba, ancien guitariste de Zaïko, soulignera l’importance à travers une anecdote. Après la fin des travaux d’enregistrement et de mixage, le guitariste était chargé d’écouter les chansons pour s’assurer que tout était parfait : « Une fois à Bruxelles, j’avais écouté plusieurs fois des chansons que nous venions d’enregistrer et je trouvais que le travail n’était pas à la hauteur mais sans identifier le problème. Ce n’était pas tout à fait la musique de Zaïko. Pendant plus d’une heure avec l’ingénieur du son, nous ne parvenions pas à savoir jusqu’à ce que je me rende compte qu’il manquait le shaker de Nono ».
La musique congolaise regorge de beaucoup d’animateurs qu’il ne faudrait pas faire écouter aux enfants avant de les coucher, ils feraient des cauchemars. Ça hurle, ça hulule en total décalage avec la ligne mélodique et la tonalité générale de la chanson sans parler des guitares littéralement étouffées. C’est connu : écrire et composer une chanson en jouant au piano ou à la guitare donne des chansons mélodieuses, le fait de jouer le shaker aidait sans doute Nono et Bébé à réaliser des animations entraînantes et harmonieuses. Les deux atalaku savaient alterner animations chantées, cris d’animation, onomatopées et dédicaces.
Une main baladeuse qui amorce la chute de l’Empereur
Après une longue période sans voyager, en 2002 Zaïko Langa Langa est programmé au Zénith de Paris. Alors que l’orchestre livre un concert avant le voyage, Nono Monzuluku donne une tape sur le postérieur de l’épouse d’un grand soutien de l’orchestre. Jossart Nyoka Longo est outré, dévasté et prend une décision forte : Nono sera privé du voyage en France et sera ainsi absent le 7 septembre 2002 au Zénith.
Quelques semaines plus tard, Jossart pense à la fidélité de Nono, aux moments difficiles traversés ensemble et craque : il fait venir Nono en Europe. Mais un banal contrôle de la police belge permettra de constater que son voyage a été entaché d’irrégularités. Au commissariat, Nono fera plus que se mettre à table, il va accabler Jossart en plus de demander aux autres musiciens de faire pareil. La suite on la connaît : 7 mois de détention préventive pour le chanteur et Nono qui quitte l’orchestre et la Belgique pour s’installer en France où il multiplie des déclarations contre Jossart.
Plusieurs mois plus tard, Nono multiplie des demandes pour réintégrer le groupe et obtient le soutien des fans historiques qui sollicitent le pardon de Jossart dont la réponse est nette : « Je lui ai déjà pardonné, mais qu’il renonce à ses excès pour préserver sa santé avant de revenir dans le groupe. C’est pour son bien et celui de sa famille ». Ces fans tiennent quand même à ce que le pardon soit formellement présenté et accordé et vont remettre un billet de train à l’animateur pour qu’il aille rencontrer le boss à Bruxelles en présence de quelques témoins. Arrivé en Belgique l’après-midi et alors qu’il était attendu chez Jossart, Nono se rend plutôt au quartier Matonge où il écume des nganda congolais (débits de boissons). Des témoins alertent Jossart au téléphone : « Nono est en train de te dénigrer ici comme il n’est pas permis ». C’est seulement, le lendemain qu’il cherchera, enfin, à rencontrer son ex-patron…
Rejeté par le groupe, toléré et imposé par Jossart puis fin de l’histoire
Quelques années plus tard, GénérationS Zaïko France, une association des fans, programme Zaïko à la salle Le Millénaire en région parisienne et ceux-ci remettent le couvert en sollicitant la participation de Nono. Jossart ne dit pas non mais les musiciens s’y opposent. Nono est arrivé le premier dans la salle et les musiciens vont même placer un vigile au pied de la scène pour l’empêcher éventuellement d’y accéder.
Le 28 décembre 2007 dans la même salle, l’orchestre va célébrer son 38ème anniversaire et Nyoka Longo finira par imposer le retour de l’Empereur Nono. Ça sera son ultime prestation avec Zaîko langa Langa. Resté en Europe, il va multiplier des interviews polémiques, oser un album sans qualité et jouer son dernier concert le samedi 6 janvier 2024 avec un groupe qui produisait une musique brouillonne et cacophonique avec comme seul génie le jeu impérial de son shaker.|Botowamungu Kalome(AEM)