La mégalomanie, on la définit comme un délire de grandeur, une surestimation de soi. N’en faudrait-il pas une bonne dose chez chaque personne appelée à porter ou à façonner le destin d’une communauté, d’un peuple ? Du moins, si on l’entend aussi comme « ambition, goût du grandiose, goût du colossal ». Le Roi Soleil, comme on l’appelait, voulait une réalisation qui témoigne de la grandeur de la royauté et de la France, mais ses contemporains et les historiens y avaient vu surtout, à travers le château de Versailles, une folie de grandeur du roi Louis XIV (1643-1715). Mais quatre siècles plus tard, ce château est l’un des sites les plus visités au monde. Mais pas que.
L’été, ce sont des colonnes interminables des visiteurs, proches des cohues, qui découvrent, dans une forme d’émerveillement continu pendant des heures le château de Versailles. De la simple poignée des portes ou des armoires, en passant par des accoudoirs, par des appartements, par des plafonds, jusqu’aux allées des jardins, tout respire un génie architectural et artistique inouï. D’un patrimoine français, ce château est devenu un des symboles de la créativité que s’approprie toute l’humanité. Des mécènes du monde entier, notamment des Américains, financent aujourd’hui l’entretien de ce château et la restauration des pans attaqués par l’usure du temps.
Cette œuvre monumentale ne saurait, bien entendu, occulter le côté sombre de ce roi de France et de la Navarre : « Sa difficile fin de règne est marquée par l’exode des protestants persécutés, par des revers militaires, par les deux famines de 1693 et de 1709 qui font près de deux millions de morts, par la révolte des Camisards et par les nombreux décès de ses héritiers royaux. Tous ses enfants et petits-enfants dynastes sont morts, et son successeur, son arrière-petits-fils Louis XV, n’a que cinq ans à la mort du roi, et pourtant, même après la régence assez libérale de Philippe d’Orléans, l’absolutisme perdure, attestant ainsi de la solidité du régime construit par Louis XIV. Habité par l’idée de sa gloire et de son droit divin, soucieux d’accomplir en permanence son « métier de roi », Louis XIV est devenu l’archétype du monarque absolu aux yeux du monde. »
Ces faits ressortent à chaque fois que l’on évoque Louis XIV, mais lorsque l’on sillonne la France, ses réalisations rappellent le bâtisseur et le grand mécène des arts : Outre le château de Versailles, le château de Marly, les jardins à Le Nôtre, le pont Royal (financé sur ses propres deniers), l’Observatoire, les Champs-Élysées, les Invalides, la place Vendôme, la place des Victoires, l’Empire, le Brandebourg et les Provinces-Unies, deux arcs de triomphe, la porte Saint-Denis, la porte Saint-Martin…
Général de Gaulle : une mégalomanie précoce
La mégalomanie a parfois du bon. À 15 ans, le général Charles De Gaulle avait écrit une fiction dont il était le héros qui avait libéré la France conquise par une puissance étrangère. Son engagement dans l’armée en aura été la volonté de vivre ce rêve. Lors de la grande guerre, alors que la capitulation s’imposait et que ministres et officiers supérieurs renonçaient à se battre, alors que l’armée française encaissait revers sur revers, De Gaulle a gardé intacts son « délire de grandeur » et la « surestimation de soi ». C’est ainsi qu’envers tout, il trouvera les alliés et les stratégies nécessaires pour concrétiser son « goût du grandiose, du colossal » en libérant la France.
Mobutu vs Kabila
Si l’on peut tenter des parallèles avec des temps et des « monarques » plus proches de nous et en prenant au hasard la République Démocratique du Congo, on pourrait se souvenir du fameux combat du siècle Ali – Foreman organisé en 1974 par le Zaïre du président Mobutu Sese Seko. Qualifié par la presse américaine de « Combat dans une jungle », ce championnat du monde des poids lourds consacrera la plus belle page de l’histoire de la boxe mondiale. Présenté comme un caprice dispendieux d’un dictateur dans un océan de misère, ce combat reste aujourd’hui la plus belle et la plus grande action des relations publiques de ce pays. Cette action prend d’autant plus de relief que, des décennies plus tard dans ce pays immensément riche, tout le gouvernement s’était déplacé, il y a deux mois, à l’aéroport pour accueillir un avion Airbus d’occasion, vieux de presque 10 ans, acheté auprès de la compagnie italienne Alitalia. Avec même une infime dose de mégalomanie, le premier ministre n’aurait même pas délégué son huissier pour accueillir cet aéronef. Il aurait même caché l’info à la presse.|Botowamungu Kalome (AEM)