Testostérone : Fally Ipupa en avait plus que les combattants

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Vendredi 28 février 2020, les environs de la gare de Lyon à Paris ont été le théâtre des actes de vandalisme qui ont couronné l’issue d’un bras de fer communautaire perdu par une infime partie de la diaspora congolaise ; qui n’a pas réussi à faire interdire le concert du chanteur Fally Ipupa à Bercy, le soir même. Dix ans que cela durait : des Congolais déclarés « opposants » au régime de Kabila parvenaient à interdire aux musiciens congolais de se produire à  Paris, Bruxelles et  Londres. Leurs moyens : menaces des troubles auprès des autorités, violences et systématiquement une demande de rançon en coulisses par quelques éléments. Excédé après au moins deux concerts annulés, Fally Ipupa a refusé de se plier à  ce diktat : « Je jouerai mon concert quoi qu’il arrive ». Et le chanteur l’a fait, démystifiant ces ayatollahs d’un genre nouveau.

L’épaisse fumée noire qui montait du voisinage de la gare de Lyon, ce soir-là, symbolisait la terreur et le mythe installés par les combattants qui se consumaient. Une quinzaine de véhicules et scooters incendiés, des poubelles également, mais aussi quelques personnes isolées agressées parce que se rendant au concert. Et pour la première fois, les combattants ont été d’un grand raffinement : jet d’urines et de matières fécales sur leurs victimes. Sur le champ, sans doute fiers des mensurations et de la beauté de leurs sexes, certains urinaient en public dans un sachet avant d’en balancer le contenu sur leurs cibles. Des sacrés poètes qui s’ignorent ces combattants ! Qui s’ignorent et surtout qui ne savent plus contre quoi ils se battent encore. Tendez-leur un micro pour comprendre leurs motivations et vous repartirez avec plus de questions que de réponses. Un des leurs a même reproché à Fally de « travailler avec le gouvernement congolais alors qu’il y avait 8 millions de morts » tandis qu’un autre se comparait carrément à « De Gaulle qui a dirigé la résistance française depuis Londres » ?

Diktats contre dictature

Les combattants citent souvent en référence la résistance française, mais ils sont tout autant incapables de relever le moindre trait commun. Les résistants français évoluaient dans la clandestinité mais au sein d’un réseau bien structuré alors que cette diaspora congolaise est incapable de présenter des dirigeants institués ou élus, un fonctionnement élaboré ou de revendiquer des relais au pays.

Le combat de ces Congolais expatriés ne manquait pourtant pas de légitimité. Le régime de Kinshasa, sous Kabila, avait atteint un niveau de corruption et de cruauté exponentiel. Au début de leur mouvement, les combattants avaient lancé une chasse à l’homme : tout homme politique proche du régime, de passage en Europe, était violenté. La « proie » se faisant rare, les combattants se sont rabattus sur des musiciens coupables « d’avoir chanté pour Kabila pendant la campagne électorale et d’inonder leurs chansons des propos obscènes ». D’où cette fatwa interdisant les concerts en Europe car « le pays était en guerre et il était hors de question de faire la fête alors que les gens mouraient à Beni ». Les mêmes combattants tombent pourtant en transe dans des soirées en Europe au son des mêmes « musiques obscènes » ; et en plus les massacres persistent. Ainsi des gens qui déclarent lutter pour la démocratie ont ramené toute leur capacité opérationnelle au sabotage des concerts, pas en dissuadant musiciens et mélomanes avec des arguments mais uniquement par la violence.

Une hydre et une inorganisation pérenne

Comme on dit, autant chercher une aiguille dans une botte de foins que d’espérer identifier et rencontrer les dirigeants de ce mouvement. Après le débauchage de quelques pionniers emblématiques par Joseph Kabila, la préfecture de Paris (notamment), les producteurs et les musiciens se retrouvaient souvent face à une multitude d’interlocuteurs aux discours et exigences rarement convergents. Et au fil des ans et des concerts annulés, ce mouvement rappelait la mythologie sur l’hydre, ce serpent monstrueux à sept têtes dont deux repoussaient, à chaque fois, à l’endroit où on lui en tranchait une.

Comme Héraclès dans la mythologie grecque qui vainquit l’hydre de Lerne, ce vendredi 28 février 2020, Fally avait eu plus de cojones, plus de testostérone que les combattants…|Botowamungu Kalome(AEM)