Kasongo Mwema : « Mieux vaut les Pershing-II chez moi que les SS-20 sur moi »

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Un ami avocat m’avait interpelé, la semaine dernière, sur la production et la diffusion large et rapide des informations qui ne sont plus l’exclusivité des journalistes à cause ou grâce aux réseaux sociaux. Je lui avais répondu qu’en effet, le journaliste ne devrait plus se contenter d’annoncer des faits mais de livrer une (annonce) information qui comporte d’emblée des éléments explicatifs et prospectifs. Sur ce point justement, le journaliste Kasongo Mwema, dans les années 80, m’avait sidéré avec un sens de formule inouï qui lui avait permis de donner une information et des éléments explicatifs (le tout) dans une phrase de 8 mots + 1 verbe seulement.-

Nous sommes en 1983, en réponse aux Soviétiques qui ont installé des missiles SS-20 dans les pays de son giron en Europe tout près des frontières des pays de l’Europe de l’ouest, l’Otan va décider d’installer les missiles américains Pershing-II dans les pays membres notamment en République Fédérale d’Allemagne (RFA). Grosse tension avec l’URSS qui y voit des intentions bellicistes sans compter la grosse pression des mouvements pacifistes allemands qui dénoncent cette surenchère à l’arme nucléaire. Malgré ce climat tendu, l’Allemagne de l’ouest va accepter l’installation des missiles américains sur son sol pour faire face aux missiles soviétiques installés en face, en Allemagne de l’est.

Pour donner cette information et expliquer en même temps la position de Bonn (capitale de la RFA), Kasongo Mwema va lancer le journal télévisé avec cette phrase : « Mieux vaut les Pershing-II chez moi que les SS-20 sur moi ». Tout ce que l’on enseigne dans les écoles de journalisme se trouvait dans cette formule lapidaire : donner l’information vite et bien, la concision, la clarté. Ce trait de génie, je l’ai durablement imprimé dans mon cerveau et à chaque fois que je revoyais cet aîné cette phrase me revenait comme pour me rappeler que je dois sans cesse tendre vers cette excellence derrière laquelle je cours encore.

Pour l’étudiant en journalisme que j’étais, suivre le journal de Kasongo Mwema était une façon de prolonger les cours que je suivais à l’Isti. Quand je le voyais, comme porte-parole du président de la République, lire intégralement les ordonnances présidentielles à la télévision, c’était une affliction, une insulte à l’intelligence, au talent, une communication à la nord-coréenne. En l’écartant du poste de porte-parole très peu de jours avant sa mort, Félix Tshisekedi l’a débarrassé du symbole de l’avilissement de la science par la politique. Et le voilà parti plus léger, plus aérien comme ces mots cisaillés qu’il essaimait, qu’il faisait s’envoler avec élégance et fluidité des antennes de Télé Zaïre puis de RFI.

Va en paix Cher Aîné.| Botowamungu Kalome ( AEM)