Serait-on en train d’assister à l’extinction du socialisme et du communisme en France ? Il y a vingt ans, la gauche était majoritaire à l’assemblée nationale et avait gouverné pendant cinq ans ; vingt ans plus tôt, un président socialiste avait enchaîné deux septennats. Les résultats du premier tour de la présidentielle 2022 sont, de ce point de vue, ébouriffants : la socialiste Anne Hidalgo a récolté moins d’un million de voix soit 1,75% et le communiste Fabien Roussel a fait à peine mieux : moins d’un million de voix aussi avec 2,28 %. Une comparaison qui souligne mieux la dépression électorale de ces deux partis séculaires : Jean Lasalle dont la France ne connaît que sa bonhomie et son accent singulier affiche un score qui est presque la somme de ceux de ces deux candidats : 3,13 %. Doublés trois fois sur les cinq dernières présidentielles par l’extrême-droite, socialistes, communistes et écologistes ont appelé à voter pour un président de droite.
Les Français ont tendance à souligner que l’élection présidentielle est un rendez-vous d’un homme ou d’une femme avec la nation, mais l’on sait aussi et surtout que c’est l’occasion de choisir entre une politique ancrée à gauche et un projet qui s’inscrit à droite ou dans les extrêmes de ces deux pôles. Il arrive aussi qu’entre les deux tours un candidat infléchisse son programme suite à des accords. Ces contreparties permettent à certains partis d’appeler à voter pour ce nouvel allié. Les percées réalisées ces vingt dernières années par les Le Pen père et fille ont généré, en réaction, le « vote républicain » qui consiste à appeler à voter pour l’adversaire de celui ou de celle qui représente le Front National puis le Rassemblement National. Ce qui avait été considéré en 2002 comme un sursaut patriotique exceptionnel censé ne pas se reproduire s’inscrit désormais dans une récurrence qui tient d’une forme de fatalité.
Le socialisme serait-il devenu obsolète ? À-priori, ce courant est occulté par le fonctionnement d’un appareil politique marqué par l’entre-soi, la guerre des égos et des luttes interminables des courants pour ne pas dire des clans. Une forme de condescendance l’a sans doute aussi empêché de tirer parti de sa proximité philosophique avec les partis communiste et écologistes. Pour leur part, les communistes paient manifestement le fait d’être arrimés aux socialistes dans quasiment toutes les élections municipales, cantonales et régionales. Ce côté « force d’appoint » depuis des décennies a sans doute rogné sur sa légitimité à prétendre à la magistrature suprême. Les communistes partagent ce handicap avec les écologistes aux résultats électoraux très fluctuants comme l’arrogance qui peut les habiter à la moindre embellie avant de redécouvrir, à la première déconvenue, les vertus du mariage avec les socialistes sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.
Dans un fonctionnement normal, les partis politiques appellent à voter pour un(e) candidat(e), mais en France la gauche en est réduite, au-delà des circonvolutions oratoires, à voter contre l’extrême-droite et ça pourrait durer encore longtemps.|Botowamungu Kalome (AEM)