Marine Le Pen
La présidentielle française s’est pliée à un de ses rituels, le débat qui permet aux Français, au-delà de faire ou de conforter leur choix du deuxième tour, d’assister à un duel de rhétoriques, d’éloquence et accessoirement au rappel des mesures que prendrait le vainqueur. Eduquée à la surenchère sur l’immigration, Marine Le Pen a osé une proposition révolutionnaire : les demandeurs d’asile politique devront, dès son élection, solliciter le statut de réfugié auprès des ambassades de France et plus jamais sur le territoire français. Pour la présidente du Rassemblement national, cela résoudrait la difficulté qu’éprouverait la France à expulser les déboutés du droit d’asile. Un projet unique dans le monde qui, curieusement, n’a interpellé aucun de ces nombreux éditorialistes qui pullulent dans les médias français alors qu’une telle mesure se heurterait aux fondements juridiques du droit et à une quasi impossibilité de sa mise en œuvre.
Le traitement des demandes d’asile repose sur la convention de Genève du 23 juillet 1951 ratifiée par la France qui ne pourrait s’arroger le droit de la réaménager à sa guise en s’écartant de ses principes cardinaux. Pour rappel, Marine Le Pen qui, dans sa vie antérieure d’avocate, avait défendu des déboutés du droit d’asile, sait pourtant pertinemment qu’ « Un demandeur d’asile est une personne qui sollicite une protection internationale hors des frontières de son pays, mais qui n’a pas encore été reconnue comme réfugié. Demander l’asile est un droit humain, ce qui signifie que tout le monde devrait être autorisé à entrer dans un autre pays pour y demander l’asile ».
Toute demande d’asile commence tout naturellement par fuir le pays où l’on se sent en danger ou de se réfugier dans une ambassade pas pour déposer sa demande et en ressortir dans l’attente de la réponse mais pour s’y réfugier. Imposer cette restriction aux demandeurs d’asile serait un coup de canif à la convention de Genève. Le problème resterait entier même si les concernés s’adressaient à des ambassades de France en dehors de leurs pays : il faut pouvoir se rendre et vivre régulièrement dans ce pays; de plus les requérants sont censés déposer la demande du statut de réfugié dans le premier pays étranger où ils mettent leurs pieds.
Une opérationnalité impossible
En France, c’est l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), sous la tutelle du ministère de l’intérieur, qui traite les demandes d’asile en premier degré et en cas de rejet de sa demande, le requérant d’asile peut alors saisir, en recours, la Commission nationale du droit d’asile (CNDA) une juridiction administrative qui dépend du conseil d’État.
La proposition de la présidente du RN supposerait le démantèlement de l’Ofpra dont les agents seraient affectés dans les ambassades. Dans la configuration actuelle, chaque demande d’asile est affectée à un officier de protection qui reçoit en interview le requérant avant de soumettre sa décision au directeur de l’Ofpra via une commission interne. Qu’en serait-il demain ? L’officier de protection évoluerait en solo ou chaque ambassade récupérerait une équipe de l’Ofpra qui, en cas de réponse favorable, organiserait le regroupement familial éventuel et le voyage du réfugié et de ses dépendants ? Quid de l’archivage des dossiers et de la gestion de l’état civil des réfugiés aujourd’hui centralisés à Fontenay-sous-Bois ?
Outre le casse-tête de cet établissement public quid du recours auprès de la Commission nationale du droit d’asile que le législateur définit comme « La procédure administrative (qui) vise à régler les conflits entre un particulier et une administration. La procédure devant le tribunal administratif se déroule en 3 étapes : la saisine du tribunal, l’échange des arguments puis l’audience de jugement. » Puisque la France ne pourra pas installer la CNDA partout où elle a des ambassades, comment procéderait-elle pour que le troisième volet de la procédure soit effective à savoir « l’audience de jugement » ?
Attiser les peurs pour s’afficher en protectrice face aux hordes barbares
La fille de Jean-Marie Le Pen, qui a une formation de juriste et un passé d’avocate, se révèle en rentière vertueuse d’un discours politique qui a choisi de désigner l’immigration comme un fléau, presque la mère de tous les maux : insécurité, crise du logement, baisse du niveau de l’enseignement, montée du radicalisme islamique, le trou de la sécurité sociale, etc. Une fois, les anathèmes balancés, Marine Le Pen déroule des projets de mesures irréalistes et irréalisables. Du père à la fille, du Front National au Rassemblement National, le fonds de commerce reste le même et juché sur des promesses inconsidérées.|Botowamungu Kalome (AEM )