Jacky Ekongo quitte Paris pour s’occuper des jeunes de la rue à Kinshasa. Avec succès.

Avatar photo

Derrière la « femme de ménage » qui gagnait sa vie en nettoyant les bureaux à Paris se cachait une femme de tempérament, mais surtout de cœur. Après une formation qualifiante de technicienne de surface, Jacky Ekongo a plié bagages direction Kinshasa où, cette Congolaise a décidé de mettre sa générosité et ses compétences au service d’une cause : sortir les enfants errants de la rue et de la désespérance. Cela avec ses propres deniers comme moyens de départ. Et les résultats parlent pour elle. Lors de son passage récemment en France, Jacky Ekongo s’est confiée à Afriqu’Échos Magazine (AEM). Dans le regard envoûtant de cette femme qui a de la classe, on lit une vraie détermination à relever ce défi immense.

AFRIQU’ÉCHOS MAGAZINE(AEM) : Un petit mot sur vous

JACKY EKONGO (J.E) : Je m’appelle Jacky Ekongo, je suis députée honoraire et présidente de l’association E.J.I.D qui s’occupe notamment des jeunes de la rue, je suis également propriétaire d’une école primaire privée où les cours sont gratuits pour ces enfants ; quant aux plus grands, je les fais travailler dans l’aménagement des ronds-points et le curage des rivières de Kinshasa.

AEM : Comment avez-vous lancé ces activités ?

J.E. : Après avoir suivi une formation de technicienne de surface, couramment appelée femme de ménage, j’avais décidé de rentrer au pays. J’ai essayé d’utiliser mes compétences, mais à l’époque il était très difficile d’obtenir des marchés sans être pistonné par des gens proches du régime. C’est en 1996 seulement que j’ai pu avoir des ouvertures. J’avais, en effet, rencontré Mzee Laurent-Désiré Kabila qui m’avait alors dit : « Vas-y ma fille, tu as mes encouragements et mon soutien ». Et quand il a vu mes premières réalisations, il était tellement satisfait qu’il m’avait nommée députée.

AEM : De quels moyens aviez-vous disposé pour lancer vos activités ?

J.E. : C’est avec mes propres économies puis avec mes émoluments de députée que j’ai financé mes activités avant d’avoir quelques contrats avec l’Hôtel de ville de Kinshasa. Je n’ai donc pas bénéficié, jusqu’aujourd’hui, des dons comme c’est le cas pour d’autres ONG.

  • La Camerounaise Patricia Faraut (à droite de la photo) initiatrice du Congrès de la femme noire qui pose avec la directrice du cabinet adjointe de Kabila | Photo: ©AEM

AEM : Face à cette question vaste et difficile de la jeunesse errante, par quel bout vous-êtes vous attaquée au problème ?

J.E. : J’avais commencé par la scolarisation des tout-petits ; puis avec les plus grands nous avons nettoyé la rivière de la Gombe, puis aménagé les ronds-points de la Socimat, de Kin-Mazière, etc. Et cela sans aide financière extérieure. Avec beaucoup de moyens, j’aurais pu faire encore plus.

AEM : Comment avez-vous réussi à mobiliser ces jeunes qui ont la réputation de s’être endurcis et d’être ingérables, imprévisibles ?

J.E. : J’ai expliqué aux plus jeunes l’intérêt d’aller à l’école et aux plus grands qu’ils pouvaient gagner leur vie décemment en travaillant. Après, il me fallait trouver des marchés pour conforter mon discours et le partenariat avec l’Hôtel de ville m’y a beaucoup aidée. Aujourd’hui il y en a qui s’en sortent bien : certains ont décroché le diplôme d’État (bac), d’autres arrivent à louer un logement, à créer une famille, etc. Je suis très fière de ces résultats.

AEM : Combien de jeunes sont-ils passés par votre association ?

J.E. : Plusieurs centaines…

AEM : Plusieurs explications sont avancées pour expliquer le rejet de ces enfants par leur famille : la sorcellerie, la crise économique…

J.E. : (catégorique) C’est la crise économique.

AEM : Et ce fléau est en régression ou tendrait plutôt à s’aggraver ?

J.E. : Non, la situation empire et parfois je me demande si les autorités ont conscience de la bombe à retardement que cela représente. Quand je vois le nombre croissant des jeunes de 16, 17, 18 ans qui se retrouvent à la rue, je me dis qu’il faut faire quelque chose, les aider… C’est cette parole que je suis venue porter au « Congrès international de la femme noire » à Paris auquel j’ai participé grâce au gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta, qui a pris en charge les frais de mon voyage. L’échange d’expériences avec d’autres participants a été enrichissant et je prospecte aussi pour établir des partenariats qui permettraient de consolider ce que nous faisons déjà à Kinshasa.

AEM : Peut-on être, malgré tout, être optimiste ?

J.E. : Je suis optimiste, un jour ça ira dans mon pays.

| Propos recueillis à Paris par Botowamungu Kalome (AEM)