L’orage, ce titre chargé d’électricité ainsi que la quatrième de couverture sont trompeurs, le cataclysme suggéré par l’auteur n’est pas au rendez-vous. L’histoire se déroule loin des tintamarres et des fournaises de Kinshasa l’endiablée, notre pudeur est tourmentée, on y chemine en enjambant des corps en ébats et un « mâle » triomphant qui recense toutes les techniques éprouvées. Le roman du journaliste Elinor Moanda est déroutant par le déroulé de l’intrigue qui, par moments, lance des matières sans « préliminaires » et qui surtout tire en longueur autour d’un personnage qui se dépeint et se raconte en Eros.
L’histoire démarre sur fond de la traque de Pinos Riva. Pour des raisons politiques, ce dernier doit disparaître avant que ça ne soit la police politique qui le fasse disparaître. Dans ses premiers instants de clandestinité, le héros laisse son esprit vagabonder entre mille et une interrogations sans réponse. Dans ses pensées, surgit comme centrale la question de ses rapports avec les femmes qu’il évoque avec une forme de vanité : « Il est vrai qu’il était un chasseur des coeurs. Mais il choisissait toujours de manière très sélective ses proies. Pour lui l’amour du coeur passait avant celui du corps. Il était pour ainsi dire ce genre d’hommes qui ne se laissaient pas uniquement fantasmer par le seul aspect physique de la femme. Tout de suite, il posait une petite question intelligente pour se rassurer du bagage intellectuel de sa cible ». La femme désignée en « proie » et en « cible », le décor du roman est planté, d’emblée.
Le personnage se sait, se dit beau, intelligent, cultivé et revendique un côté conquérant : « comme tout fauve ayant flairé la présence d’une proie à distance, Pinos avait juste pris le temps de bien enregistrer dans son imagination les traits agréables de son visage (…) ». Dans un autre extrait, une fille offre son entrejambe à son regard gourmand, Pinos parle de « plat chaud que cette fille occasionnelle tentait de lui présenter pour captiver son regard ». Toutes les filles qui ont croisé le chemin de ce personnage sont passées à la casserole et aussitôt, pour parler comme celui qui se présente en « chasseur ».
La supériorité de l’homme sur la femme paraît intériorisée, assumée. Dans l’un de ses nombreux soliloques, Pinos soutient que : « L’homme est la plus élevée des créatures… L’homme est un aigle qui vole, la femme est un rossignol qui chante… Voler c’est dominer l’espace ».
Des comptes à régler manifestement
Après s’être longuement planqué, le héros du roman sera appréhendé au moment où il voulait quitter le pays. S’ensuivit une longue incarcération dans des conditions atroces et son élimination physique semblait programmée. Sans que l’auteur ne s’y étende, Pinos est libéré et se met instantanément en couple avec sa dernière « proie », Milène fille d’un richissime officier de l’armée. Deux enfants plus tard, l’ancien fugitif découvre qu’il n’était pas le géniteur de son prmeier enfant et que son épouse était une barbouze certainement impliquée ou concernée par sa détention.
Chronologiquement, l’histoire n’aurait-elle pas commencé par cette double découverte ? Elinor Moanda n’aurait-il pas malicieusement inversé l’ordre des faits pour rendre indéchiffrable le fin mot de l’histoire ? L’attitude du personnage principal qui parle de « femelles » pour désigner les femmes le laisse penser. Quand il relate ses parties des jambes en l’air, Pinos Riva se décrit en mâle dominant, n’était-ce pas pour laver l’humiliation infligée par Milène qui lui a attribué une fausse paternité et qui l’aurait livré aux services des renseignements sans états d’âme et qui a renoué avec lui comme si de rien n’était ?
Milène n’aurait-elle pas ainsi transformé la vie de Pinos en quête insatiable de vengeance et de réhabilitation ?|Botowamungu Kalome(AEM)