
« Merci d’avoir échoué aux élections locales et régionales, tu accéderas à des fonctions importantes pour gérer la vie de ce peuple qui n’a pas voulu de toi ». Après sa déroute électorale pour la conquête de la mairie de Dakar, Karim Wade s’est vu « récompenser » par son chef de l’État de père d’un portefeuille ministériel. On ne pourrait trouver meilleure consolation pour ce Sénégalais qui est né dans la vie politique avec une cuillère en argent dans la bouche. Les us en la matière ont, pourtant, privé ou délesté, partout ailleurs, des hommes et femmes politiques des maroquins pour cause de désaveu du peuple même s’il n’existe aucune règle écrite ni tacite en la matière. Naturellement, Abdoulaye Wade ne s’est pas encombré de scrupules dans la mesure où il ne violait aucune loi, n’enfreignait aucune règle. Bien plus, la promotion de son fils est tellement caractéristique de la conduite de ses deux mandats par le président sénégalais…
La promotion de leurs rejetons n’est pas l’apanage des dirigeants africains, les présidents français s’y emploient assidûment : Christophe Mitterrand, Claude Chirac, Jean Sarkozy… ne devaient pas leur ascension plus à leurs talents et compétences qu’à leurs filiations. Ces gâteries paternelles n’ont rien de scandaleux sauf quand, dans les faits, les « filles et fils à papa » ne sont pas logés à la même enseigne que leurs collègues dans l’exigence et la manière de répondre de leur conduite et de leur gestion des affaires. Ce n’est pas tout : leurs collègues les regardent-ils comme égaux et se sentent-ils libres d’émettre des critiques sur leurs actions ? Sont-ils astreints aux mêmes rapports et exigences avec le chef et les différentes institutions ? Et quid du message envoyé au petit peuple enclin à n’y voir qu’acte de népotisme ?
La clé du problème est détenue, sans nul doute, par les enfants promus : il leur revient de démontrer que, malgré le coup de pouce parental, leurs compétences et leurs bilans parlent pour eux. J’ai le souvenir de l’indignation d’une Française rencontrée dans un colloque sur la coopération décentralisée qui a quitté le Parti socialiste après avoir croisé Christophe Mitterrand au Togo. Elle avait été dégoûtée par son comportement en Afrique. La suite avec l’Angolagate a « consacré » le parcours de celui qui avait été surnommé « Papa m’a dit ». Le fait que Karim Wade hérite toujours des missions et d’un ministère qui reçoivent de substantiels financements pour de grands travaux peut susciter, au mieux, des interrogations et, au pire, de la suspicion. À lui de rendre une copie la plus indiscutable possible.
Parallèlement, il ne faudrait pas que le fait d’être « fille ou fils de… » devienne un handicap et occulte le fait qu’on peut aspirer à toutes les fonctions comme n’importe quel citoyen sans devoir porter comme un poids sa filiation.. Surtout que l’on sait que, par ailleurs, autour des chefs d’État et dans les gouvernements, on trouve bien des copains de la fac, des frères francs-maçons, des amis rosicruciens, des gens de son ethnie, des encartés de partis politiques… Pour revenir au cas sénégalais, ce n’est pas impossible que la nomination de Karim soit une sorte de dommages et intérêts versés par le père à un fils qui a peut-être perdu les élections à cause de son patronyme. La réélection du père avait, en effet, surpris toute la presse et l’intelligentsia sénégalaise qui avaient pronostiqué sa défaite. En « punissant » le fils, les Sénégalais ont sans doute décidé de reporter sur Karim Wade la sanction réservée initialement à son père.|Botowamungu Kalome (AEM)