De Mombombo à Tsaka Kongo, souvenirs cocasses d’une amitié

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Tsaka Kongo, le responsable de l’organisation « Artistes en danger » |Photo d'archives

Souvent loué et salué pour ses interventions bruyantes et insistantes pour faire soigner des artistes gravement malades, régulièrement accusé de s’arroger des pourcentages sur les aides versées par l’État et par des mécènes, Tsaka Kongo s’en est allé, vendredi 26 janvier 2024. Le disparu laisse moins un héritage que le souvenir d’un syndicalisme controversé, centré sur son seul personnage mais au demeurant efficace. Du chanteur qui se rêvait en sosie de Lita Bembo et auteur de la seule chanson qu’on lui connaisse et jamais éditée « Nabali radio » au responsable de l’organisation « Artistes en danger », je me souviens d’une personnalité qui transformait même un infime détail en opportunité, qui usait de son bagout avec un côté attachant sincère.

Journaliste à Elima Dimanche à la fin des années 80, je partage avec mon confrère Longonya Okungu le fait d’être fan de Lita Bembo et de son orchestre Stukas Boys. Ce chanteur s’étant retiré en Belgique, nous couvrons régulièrement les activités de son orchestre brillamment dirigé par Lomingo Alida qui vient de créer la danse La Bionda et qui, au passage, partage avec brio la scène de Palladium avec le Français Jacques Higelin. Au cours d’une répétition, Lomingo Alida nous présentera un jeune batteur qu’il venait de recruter du nom de… Awilo Longomba.

Pendant ce temps, la Télé-Zaïre diffusait régulièrement le clip de la chanson « Nabali radio », la complainte d’une femme qui se plaint des absences interminables de son mari et qui n’a plus que la radio pour combler le vide. L’auteur de cette chanson est un grand fan de Lita Bembo : il s’est surnommé Mombombo du nom d’une danse de Stukas. À force de diffusions sur la télévision et la radio nationales, la chanson et l’artiste deviennent populaires.

Non merci pour les dédicaces

Nostalgiques de Lita Bembo, Longonya et moi commençons à suivre l’artiste et à lui consacrer des articles. Il n’a pas particulièrement de génie, mais il nous plaît et nous amuse en même temps par sa façon de se frayer un chemin. Au delà, nous découvrons que quasiment toutes les secrétaires et réceptionnistes qui travaillaient à Gombe connaissaient Mombombo. L’entregent et la tchatche aidant, pour gagner son pain, il récupérait des magazines comme Paris-Match, des magazines de mode, des romans photos… chez des expatriés qu’il revendait dans les bureaux à Gombe.

Côté musical, sa seule chanson était devenue un filon : il changeait régulièrement de version et repassait à la télé, à la radio avec bien évidemment de nouvelles dédicaces. C’est ainsi qu’un matin je vois Longonya débarquer hilare à la rédaction en s’adressant à moi : « Je viens d’écouter à la radio la énième version de Nabali radio, Mombombo nous a lancés », fous rires et on décida de le prier de retirer ces dédicaces de ce qui commençait à devenir une farce éculée.

Quand le soufflé de sa chanson finit par retomber, Mombombo crée avec ses amis l’orchestre Stunning Mangenda qui imite le style… Stukas. Au passage, le chanteur délaisse le surnom de Mombombo pour celui de Shaka Zulu.

Dernier épisode

Après la rapide disparition de Stunning Mangenda, Shaka Zulu va essayer de relancer sa carrière solo et parvient à trouver un mécène. Il s’ensuivra un article dans lequel j’annonce cette nouvelle étape de sa carrière. Deux jours après la publication de l’article, le chanteur m’invite à rencontrer son mécène : refus catégorique car je vois l’idée qui est derrière. Des journalistes passaient voir les gens sur qui ils avaient écrit pour leur remettre un exemplaire du journal et repartaient avec quelques billets de banque. Notre ami va insister en soulignant que c’est le mécène qui y tient. Arrivé sur place, je n’ai pas l’impression que j’étais attendu même si l’accueil est cordial. Après un bref échange, le mécène se déplace, sort une enveloppe qu’il me remet et j’essaye de lui faire comprendre que les articles ne sont pas payants, Shaka Zulu s’interpose en tenant mon avant-bras : « Il le sait, c’est juste pour te remercier ».

À peine sortis de l’agence de voyages, le chanteur prit un air soucieux pour me dire : « Boto, tu sais  Madame est malade, j’ai des ordonnances… », je ne l’ai pas laissé finir sa phrase, j’ai éclaté de rire et lui ai remis l’enveloppe que je n’avais même pas ouverte. Surpris, il me fit comprendre que ça serait juste que je prenne ma part car c’est moi qui « avais fait le boulot », je lui ai alors répondu : « J’ai un patron qui va me payer à la fin du mois pour cet article, mais ce sponsor a bénéficié d’une pub grâce à toi, c’est à toi de jouir de ce cadeau. »

C’était notre dernière rencontre, notre dernier échange et si ma mémoire est bonne c’était en 1989… Depuis, le chanteur est devenu Tsaka Kongo, a dirigé « Artistes en danger », a animé une émission de télévision… Nous avions repris contact via les réseaux sociaux, je l’appelais toujours Mombombo et lui me donnait systématiquement du « Mutu na ngai » (Mon très cher ami). Parfois, je lui reprochais les polémiques autour de l’argent des obsèques et on en parlait sereinement… |Botowamungu Kalome(AEM)  

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