RDC : Permettez-nous d’avoir peur

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Pendant plus de deux semaines, le gouvernement de la RDC a coupé sms, Internet et autres réseaux sociaux « afin de prévenir une guerre civile » selon le truculent porte-parole du gouvernement, le ministre Lambert Mende. Le risque aurait donc été « limité et le bilan se serait arrêté à 2 policiers tués ainsi qu’une vingtaine de manifestants ». Des manifestants, qui sont descendus dans la rue pour demander, qui le départ de Joseph Kabila tout de suite, qui à  la fin de son mandat sans se réfugier derrière des artifices juridiques pour obtenir  un glissement de son mandat sur quelques années de bonus. Le risque d’une guerre civile était-il réel ? Bien évidemment non, mais la peur du gouvernement de perdre le contrôle du pays, elle, était réelle.

Difficile de trouver le moment précis où l’humble momemi maki (porteur d’œufs qui évite toute dispute ou bagarre afin de préserver ses œufs) a fait le choix d’une communication qui  repose sur la suffisance et l’arrogance. Car, laisser dire et faire ses lieutenants vaut un ordre spécifique. Ainsi lorsque le secrétaire général  du parti présidentiel, Evariste Boshab, publie un livre pour  soutenir une révision de la  constitution, sur le plan  intellectuel la thèse est crédible, mais politiquement, la ficelle semble grosse pour l’opinion congolaise et pour l’opposition. Il n’en fallait pas plus pour faire redouter aux Congolais le retour d’une « présidence à vie ». La majorité présidentielle n’en eut cure de cette psychose qu’elle qualifia, parfois, de paranoïa au motif où Joseph Kabila n’avait rien dévoilé de tel. Mais l’intéressé n’avait rien démenti non plus. Et pour tout arranger, le ministre Kin-Kiey Mulumba choisit de lancer un slogan explicite « Kabila, totondi  yo  te »,  traduisez : « Kabila,  on en redemande. On veut un troisième mandat ». Et dans la foulée, naquit une association sous ce label  et une chanson que la RDC repassa comme du temps de la  splendeur de la dictature de Mobutu.

Une reculade historique

Suffisant pour confirmer l’intention de Joseph Kabila de rempiler, malgré les dispositions constitutionnelles actuelles. Lambert Mende et Aubin Minaku, le président de l’assemblée nationale, qui écartaient une telle hypothèse, ont dû changer de discours et s’aligner. La majorité présidentielle fit très peu cas de la réaction hostile éventuelle de la population. Sa communication se fit suffisante et arrogante… jusqu’aux événements du Burkina Faso qui ont emporté Blaise Compaoré pour les mêmes causes. Le ton vira à la prudence alors que les Congolais commencèrent à se rêver en Burkinabé. Le porteur des œufs et ses thuriféraires marchèrent désormais sur les œufs démentant sans trop convaincre une nouvelle candidature de Joseph Kabila. Une pathétique défaite sur le plan de la communication : l’opinion crut savoir que l’effet Burkina Faso a pesé et que Kabila a cédé sous plusieurs pressions, notamment internationales. Le président congolais perdit ainsi une occasion  exceptionnelle d’entrer dans l’histoire comme celui qui aura permis, de son plein gré, la première succession à la présidence par les  urnes.

N’empêche, la majorité présidentielle s’est pointée finalement au parlement avec juste une réforme  de la loi électorale. Et prit soin d’y glisser un alinéa pernicieux qui conditionnait la tenue de l’élection présidentielle à  la  tenue d’un recensement de  la population. Un recensement à la  faisabilité et à  la réalisation incertaines qui, de facto, aurait prolongé le bail de Joseph Kabila. Trop minoritaire au  parlement, l’opposition en appela à la rue. La majorité répondit en programmant le vote un jour férié, le jour de l’anniversaire de l’assassinat de Lumumba. Mais avant le vote au sénat, la  rue se mêla au point de faire plier la majorité qui retira la conditionnalité controversée. Ce qui devait être  une manifestation politique a viré aux émeutes à Kinshasa même si elle n’avait touché que quelques communes de Kinshasa et très  peu de villes  des provinces. Assez tout de même pour que le gouvernement  y voie le  syndrome burkinabé, au point de craindre une guerre civile selon les propos du ministre Mende dans une récente conférence de presse. Du coup, la communication officielle bafouilla : alors que le ministre de la communication attribue aux vigiles des magasins pillés les morts de la  manifestation, le président du parlement déplore des tirs de police à  balles réelles. Dans cet affolement,  le gouvernement va trouver une parade d’inspiration nord-coréenne : coupure des sms, d’accès à Internet et autres réseaux sociaux.

Il serait donc humain de la part de tous de concéder au pouvoir le  droit d’avoir la trouille. Ça pourrait être le début de la  sagesse.|Botowamungu Kalome(AEM)